L’armée a tiré hier sur la foule à Kidal. Telle est la conclusion hâtive que l’on s’est empressé de propager pour les besoins de la cause. Mais que s’est-il réellement passé ? Quels sont les dessous de cette rocambolesque affaire ?
De sources concordantes, il y a eu effectivement des manifestations hier dans la ville de Kidal. Selon des témoins, une partie de la population a investi la piste d’atterrissage de l’aéroport pour empêcher l’avion de la Minusma transportant le Premier ministre de se poser. Le programme de la primature prévoyait en effet que le PM, de Gao, rallie Kidal. Ce qui n’a finalement pas été le cas en raison du climat d’insécurité qui prévalait à Kidal ; mais surtout en raison du fait que la Minusma a fait clairement savoir au chef du Gouvernement qu’il ne pourrait pas assurer sa sécurité s’il maintenait son programme de se rendre à Kidal. Prenant la pleine mesure de ce qui passait, a-t-on appris de sources proches de la primature, il a renoncé à son projet et était dans les airs hier, aux environs de 13 heures, pour regagner la capitale.
La véracité des faits
Ainsi, après recoupements auprès des responsables de l’administration publique et de sources crédibles à Gao et à Kidal, les faits se présentent ainsi :
Primo, le Premier ministre Oumar Tatam LY n’a jamais pris la direction de Gao à fortiori que son appareil soit empêché de se poser par une foule surexcitée. C’est de Gao où ont débuté le mercredi dernier les concertations régionales, qu’il a regagné la capitale.
Secundo, et c’est là la pierre angulaire de toutes les intox, manipulations et conditionnement de l’opinion internationale : l’armée malienne aurait tiré sur la foule. Et l’on précise volontiers que cette foule était composée de femmes et d’enfants. De quoi émouvoir une certaine opinion et confirmer définitivement qu’à Kidal les hommes n’ont rien entre les cuisses et que ce sont leurs braves épouses et rejetons qui vont à l’assaut d’une armée. Passe.
Mais voilà ce que soutiennent toutes les sources impartiales. C’est le MNLA qui a mobilisé hier ses partisans, comme il l’a fait lors de l’arrivée du contingent malien à Kidal, de la visite de trois ministres de la république (Réconciliation nationale et développement des régions du Nord, Sécurité, Administration du territoire), pour aller occuper la piste d’atterrissage de l’aéroport. Question d’empêcher l’avion du Premier ministre de se poser. Cela est vérifiable.
Ce qui est aussi vérifiable, parce que soutenu par des sources bien informées, c’est que ce sont les combattants du MNLA, jamais désarmés et qui se baladent librement à Kidal, lourdement armés, qui étaient embusqués et qui ont ouvert le feu sur la foule. Le bilan est de deux blessés pris en charge par les services de santé ; contrairement au massacre que l’on tente de faire croire.
Des bizarreries
Cette situation induit nécessairement un certain nombre de questions.
C’est bien l’appareil de la Minusma qui transporte le Premier ministre ; c’est bien la Minusma et la Force Serval qui ont la charge de la sécurisation de la ville de Kidal ; c’est bien la MINUSMA qui a assuré la sécurité du candidat élu à l’issue des deux tours de la présidentielle. Curieusement, c’est cette Minusma qui aujourd’hui abdique soutenant ne pas pouvoir à assurer la sécurité du PM à Kidal comme elle a assisté au saccage du gouvernorat de Kidal le 14 novembre dernier sans lever le petit doigt.
S’agit-il d’une réponse du berger à la bergère parce que 24 heures seulement avant la manifestation de Kidal une marche a eu lieu dans la capitale pour dénoncer la passivité, sinon la complicité entre les Forces françaises de Serval et les rebelles touareg du MNLA ? Il y a lieu de le croire. Ce en quoi les forces internationales ne feraient qu’apporter de l’eau au moulin de la population qui les soupçonne d’accointances douteuses avec ceux qu’il est convenu d’appeler des terroristes.
L’autre aspect de cette vaste machination diabolique, c’est de faire porter à l’armée le chapeau d’avoir tiré sur des femmes et des enfants. La Minusma, mieux que quiconque en sait quelque chose à ces mises en scène des rebelles ; elle-même ayant été accusée en septembre dernier d’avoir ouvert le feu sur des femmes et des enfants qui protestaient contre l’arrivée d’officiels maliens à Kidal. Le MNLA avait eu l’outrecuidance de faire une déclaration dans laquelle la mission internationale était prise à partie.
Avec les événements d’hier, c’est le tour de l’armée malienne qui était allée sécuriser l’aéroport qui se trouve accusée quand tous les observateurs avisés savent que ce sont les combattants du MNLA qui ont ouvert le feu sur les leurs. Ce qui en dit long sur la confiance que l’on est en droit d’accorder à de tels individus sans foi ni loi. Tirer sur des gens que vous avez fait sortir pour défendre une cause dont vous seuls êtes les principaux bénéficiaires (ce ne sont pas ces populations qui se délectent dans les hôtels de Ouaga) ; cela sortirait de tout entendement s’il ne venait des rebelles touareg qui une fois de plus démontrent leur vrai visage.
Nul n’est dupe. Le plan machiavélique déroulé hier à l’aéroport de Kidal a une double portée.
Une pierre deux coups diaboliques
D’abord empêcher le Premier ministre de se rendre à Kidal en invoquant des prétextes sécuritaires. Des prétextes ? Oui, parce que des femmes et des enfants, les mains nues, ne peuvent pas empêcher des forces internationales d’assurer la sécurité d’un chef de Gouvernement. À moins que d’autres personnes se cachent derrière ces femmes et ces enfants et dont la Minusma a une connaissance parfaite de la présence et de la capacité de nuisance. Ce qui corrobore l’affirmation de nos sources selon laquelle, c’est bien le MNLA qui a ouvert le feu.
La conséquence directe de cette situation étant de replonger le processus de paix et de réconciliation dans l’impasse. Ce qui vaudrait à certains de trouver matière à prolonger leur séjour à Kidal pour des considérations qui leur sont propres.
Ensuite, il y a la responsabilité directe de l’armée malienne dans ces tirs qui n’est véritablement une surprise pour personne. Et pour cause, point d’avoir une mémoire d’éléphant pour se rappeler que le seul alibi trouvé pour faire barrage à l’entrée de l’armée à Kidal en février 2012, c’était qu’elle allait se livrer au massacre de populations civiles. C’est la musique qui a été entonnée par la France à la suite du MNLA pour aller dans le sens souhaité par ce groupe rebelle dont le seul souci est d’avoir les coudées franches pour se livrer à ses trafics de drogue en complicité parfaite avec les jihadistes.
C’est dire qu’avant même l’heure l’armée était accusée de massacre sur des civils. A présent, face aux revendications persistantes de la majorité de la population malienne de voir les Forces armées maliennes (FAMA) sortir de leur cantonnement, le plan diabolique longtemps ourdi pour que cela ne soit pas le cas a été mis en marche. Prendre pour prétexte une marche des partisans du MNLA et placer l’armée dans une posture inconfortable. Voilà, comme on l’avait prédit, si l’armée rentre à Kidal, elle va se venger sur les populations civiles vont à présent se prévaloir les MNLA et ses amis.
Mais, c’est oublier que dans tous les pays, surtout sous nos cieux, que l’on a assisté à plusieurs marches contre le régime en place et que ces marches étaient infiltrées par les agents de la sécurité d’État, des forces armées et de sécurité dont le rôle était de provoquer des incidents mineurs pour réprimer ce qu’ils ne pouvaient pas faire à visage découvert. La manifestation d’hier de Kidal participait bien de ce mode opératoire cynique.
Maintenant que nos amis, nos frères égarés ont réussi leur coup de Jarnac ; à présent que chacun s’assume.
En ce qui est du Mali et des Maliens, point besoin d’user d’épouvantail au sujet de Kidal. Parce que le peuple a tout compris et est prêt à mourir pour ne pas donner libre cours aux fantasmes de touareg à la nationalité malienne douteuse. Tout porte à croire que si le Nord doit être réinvesti ce sera sans le MNLA qui n’a du reste jamais rien contrôlé au Nord. Au cas où certains auraient des doutes, qu’il libère les « femmes et les enfants » et ses soutiens internationaux pour faire face au Mali, en homme. L’équation de Nord serait dans c cas beaucoup moins complexe qu’aujourd’hui.
Par Bertin DAKOUO
Source: Info-Matin.info