François Hollande a été entendu comme témoin dans l’enquête sur l’assassinat en 2013, à Kidal, des reporters de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon.
Au fil de l’enquête, les zones d’ombre n’en finissent plus de s’étendre. Cinq ans après l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, les reporters de Radio France Internationale (RFI) enlevés le 2 novembre 2013 à Kidal, dans le nord du Mali, par un commando djihadiste, les proches des deux journalistes ne dissimulent pas leur amertume face aux « cafouillages » auxquels cette affaire donne lieu.
Sans surprise, l’audition de François Hollande, le 11 janvier dernier, ne permet pas d’y voir plus clair. L’ex-président de la République était entendu comme témoin par les juges Jean-Marc Herbaut et David de Pas, un mois après l’audition de Bernard Bajolet, l’ancien patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de 2013 à 2017. En cause, des confidences de l’ancien hôte de l’Élysée à des collègues des reporters tués qui semblent contredire le scénario esquissé jusque-là par les investigations. Le 7 décembre 2013, soit un mois après la découverte, près du pick-up des ravisseurs, des corps de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, exécutés par balles, François Hollande aurait évoqué en off, devant un journaliste de RFI, l’interception d’un échange téléphonique lors duquel un probable « commanditaire reprochait à un membre du commando d’avoir “détruit la marchandise” ». « Au mois d’avril 2017, interrogé sur ces confidences par Apolline Verlon, la fille de Claude Verlon, qu’il recevait à l’Élysée, il ne démentait pas, se contentant de hocher la tête », rapporte Pierre-Yves Schneider, porte-parole de l’Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Plus récemment encore, c’est l’ancien patron de la DGSE, Bernard Bajolet, qui semblait confirmer, toujours en off, l’existence de cette écoute, selon ses propos rapportés par des journalistes de RFI aux juges. « C’est moi qui le lui ai dit (au président) », aurait-il affirmé en marge d’une interview, le 4 octobre 2018.
Problème, on ne trouve pas de trace de cet élément dans le dossier. Et les deux protagonistes ont désormais la mémoire qui flanche. Bernard Bajolet ne se souvient plus d’avoir été « aussi affirmatif ». Tout au plus admet-il avoir été « un peu déstabilisé à l’idée de démentir l’ancien chef de l’État ». Conclusion : cette interception, selon lui, n’aurait en fait « jamais existé ».
« Parmi les documents transmis à la justice, beaucoup sont caviardés »
François Hollande, lui non plus, n’a aucun souvenir de cette conversation et son esprit s’embrume encore à l’évocation d’un autre échange en off. Le 19 octobre 2018, il aurait expliqué à des journalistes de RFI que « les otages avaient été tués » parce que les ravisseurs « avaient paniqué », se sachant « suivis par un hélicoptère ». Or le survol de la zone par un hélicoptère de l’armée française après le rapt n’est pas établi. « Peut-être (…) les journalistes m’ont-ils mal compris », plaide-t-il aujourd’hui. Mais alors, pour quelles raisons les militaires de la force française «Serval», très vite alertés du rapt et disposant de moyens aériens, auraient-ils privilégié l’usage de véhicules blindés, lourds et difficiles à manœuvrer dans cet environnement désertique, au point qu’ils ont mis 1 h 30 à parcourir les 12 kilomètres qui séparent Kidal du lieu de l’exécution des journalistes ?
Quant à l’interception supposée d’une conversation téléphonique entre un membre du commando et Soumeylou Boubèye Maïga, ancien ministre de la Défense malien et actuel premier ministre, elle reste entourée de mystère. Pour Sabine Mellet, de l’Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, c’est ici l’usage du secret-défense qui fait obstacle à la manifestation de la vérité. « Parmi les documents transmis à la justice, beaucoup sont caviardés », avance cette journaliste. Les proches des deux reporters assassinés continuent d’exiger, dans ce dossier, une déclassification complète.