C’est un remake du scénario gabonais qui risque de se répéter au Mali. Comme Jean Ping face à Ali Bongo, le candidat de l’opposition malienne a aussi rejeté les résultats du second tour de la présidentielle et a proclamé sa victoire à l’occasion d’une conférence de presse qu’il a tenu ce vendredi en fin d’après-midi, à l’hôtel Azalai de Bamako. La veille, le ministre de l’Administration territoriale avait publié les résultats provisoires qui donnaient Soumaila Cissé perdant au second tour contre le président sortant, avec 32,83% des voix contre 67,17% pour IBK.
Ce vendredi devant des partisans qui scandaient « Soumi Président! », Soumaila Cissé a déclaré qu’il sort « vainqueur de l’élection présidentielle » et a appelé l’ensemble « des acteurs politiques et des maliens à se mobiliser contre la fraude et pour restaurer la démocratie ». Une manifestation « pacifique » est prévue pour se samedi 18 Août dans la capitale Bamako par le camp du candidat qui compte visiblement recourir à la pression de la rue en parallèle de ses différents recours déposés au niveau de la Cour constitutionnelle.
« Je réaffirme encore, ici, devant notre peuple et à la face du monde, que, si on exclut les résultats issus des bourrages d’urnes avérés dans de nombreux bureaux de vote des zones de l’Office du Niger et de la CMDT, ainsi que les résultats tout simplement fantaisistes dans de très nombreuses localités du Nord du pays, je sors vainqueur de l’élection présidentielle avec 51,75% des voix contre 48,25% à notre adversaire » a déclaré Soumaila Cissé.
Le jeudi 16 Août, son directeur de campagne avait annoncé la couleur depuis le siège de quartier de Hamdallaye ACI 2000 de Bamako où les partisans de Soumaila Cissé se sont regroupés pour « célébrer leur victoire » et manifester par la suite dans la capitale. « Ces résultats ne reflètent pas la vérité des urnes, nous lançons un appel à la mobilisation citoyenne pour défendre le suffrage du peuple malien », a déclaré l’ancien ministre Tiébilé Dramé, quelques instants après la proclamation des résultats provisoires du second tour du scrutin.
Contestations en série
La posture de Soumaila Cissé n’est pas une surprise tant le candidat arrivé deuxième à l’issue du premier tour du 29 juillet n’a cessé de dénoncer le processus électoral depuis son début. Après avoir accusé le pouvoir de manipuler le fichier à la veille du premier tour, il a dénoncé des « fraudes massives » au lendemain du scrutin, accusant le régime de bourrage d’urnes notamment dans le nord et centre du pays et allant jusqu’à récuser six (6) des neufs (9) juges de la Cour constitutionnelle dont la présidente. Ce qui ne l’a pas empêché de participer au second tour le 12 Août dernier tout en avertissant par avance, qu’il n’acceptera pas des « résultats truqués ».
Le lendemain du second tour, Soumaila Cissé dont c’est la troisième tentative à l’élection présidentielle et la seconde qui l’oppose à IBK, a rejeté d’avance les résultats du second tour et accusé le camp du président de fraude. « Nous allons utiliser toutes les méthodes possibles pour que la vérité soit établie », promet le candidat de l’opposition dont l’équipe de campagne avait pris soin de publier des vidéos, non authentifiées, de fraudes électorales ainsi que des « procès-verbaux falsifiés ». « Depuis le début de ce processus électoral, je n’ai cessé d’alerter sur les risques évidents d’une fraude généralisée et systématique de nature à fausser les règles de la compétition électorale, et de m’inquiéter du très grand risque d’une crise post-électorale », s’est encore épanché le candidat de l’Union pour la république et la démocratie (URD), lors de sa première sortie médiatique depuis la proclamation des résultats provisoires.
En s’autoproclamant vainqueur, Soumaila Cissé va donc jusqu’au bout de sa logique. Il reste que pour lui, la tâche ne sera pas des plus aisés car la communauté internationale semble visiblement acquise à la cause d’IBK comme en témoignent les nombreux messages de félicitations de plusieurs chefs d’Etat à l’endroit de leur homologue.
La communauté internationale a choisi son camp
En appelant à la mobilisation, Soumaila Cissé veut mettre la pression sur le régime et donc contester à IBK sa légitimité. Le recours aux manifestations de rue laisse craindre des risques de crise politique, ce que d’ailleurs, « Soumi » fait planer sur le pays tout en alertant la communauté internationale à qui il fait aussi appel. « J’en appelle donc à la communauté internationale et aux chefs d’État de la sous-région pour qu’ils interviennent en urgence afin de mettre un terme à ce hold-up électoral.
Le retour de la paix au Mali est en jeu. Oui, le retour de la paix au Mali est le prochain enjeu de la stabilité de la région », a déclaré Soumaila Cissé.
La communauté internationale a pourtant déjà fait son choix. Après les déclarations des différentes missions d’observations de l’UE, l’UA ou la CEDEAO qui ont certes souligné certaines irrégularités mais pas de «preuves manifestes de fraudes massives », les principaux dirigeants des organisations internationales et la majorité des chefs d’Etat de la sous-région ont déjà félicité IBK pour sa victoire. D’Idriss Déby du Tchad en passant par Roch Marc Christian Kaboré du Burkina, Issoufou Mahamadou du Niger ainsi que le président français, Emmanuel Macron, ou les SG de l’UA, Moussa Mahamat-Faki, et celui de l’ONU, Antonio Guterrez, tous ont envoyés leurs messages de félicitations au président réélu. Même l’ancien président français, François Hollande, ami personnel d’IBK ou des pays comme la Russie, ont donné de la voix dans ce sens.
De l’avis de plusieurs analystes, il s’agit à travers cette mobilisation de la communauté internationale, d’éviter une crise post-électorale pour le Mali, alors que le pays fait face à des défis sécuritaires persistants qui menacent sa stabilité du pays mais aussi celle de tout le Sahel.