Les Maliens ont voté, ce dimanche 12 août 2018 pour le seconde tour de l’élection présidentielle afin de départager les deux candidats : le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta et l’opposant Soumaïla Cissé. Les bureaux de vote n’ont pas connu une affluence majeure durant cette journée, marquée notamment par des incidents dans le Nord et le centre du pays, dont la mort d’un président de bureau de vote. Les correspondants et envoyés spéciaux de RFI ont couvert l’événement au fil de la journée
L’ESSENTIEL
– Plusieurs incidents ont éclaté dans des localités du Nord et du centre du pays. Le président d’un bureau de vote du village d’Arkodia, au sud-ouest de Tombouctou, a été tué par des hommes armés.
– Ibrahim Boubacar Keïta est arrivé en tête du premier tour du scrutin avec 41,4 % des voix. Son adversaire Soumaïla Cissé a obtenu 17,8 % des voix. Aliou Diallo, avec près de 8 %, et l’ancien Premier ministre Cheick Modibo Diarra, avec 7 % des suffrages exprimés, sont arrivés respectivement en troisième et quatrième positions. Ils n’ont donné aucune consigne de vote.
– Le taux de participation est une donnée majeure de ce scrutin. Aucun chiffre officiel n’a été pour le moment dévoilé mais l’affluence semble plus faible qu’au premier tour, où 42,70% des électeurs se sont rendus aux urnes.
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18h : Dans le plus grand centre du vote du quartier Hippodrome, la quarantaine de bureaux de vote ferment leurs portes, constate notre correspondante à Bamako, Coralie Pierret. Mais les quelques retardataires arrivés avant la fermeture pourront tout de même finir de voter. Selon un président de bureau de vote, il n’y a pas eu beaucoup d’affluence, moins qu’au premier tour. « Beaucoup se sont découragés » indique un délégué de la Cour constitutionnelle.
En cause : le faible suspense mais surtout le mauvais temps. « Il a plu toute la journée », souligne le président d’un bureau de vote. Mais la pluie n’explique pas tout. Pour certains Maliens interrogés, le cœur n’y était pas. « Ce sont tous les mêmes », a par exemple déclaré un électeur.
Pour le moment, aucun taux de participation officiel n’a été dévoilé. Désormais, place au dépouillement et à la compilation des voix, bureau de vote par bureau de vote. Les résultats du second tour ne sont pas attendus avant plusieurs jours car chaque commission locale doit centraliser ses résultats avant de les envoyer à Bamako à la Commission nationale. Et le Mali étant vaste, l’enclavement de certains villages pourrait ralentir la compilation.
17h : Le chef du village d’Arkodia confirme à RFI que le président d’un bureau de vote de cette localité située au sud-ouest de Tombouctou (Nord) a été tué par des présumés jihadistes. Selon les témoignages qu’il a pu recueillir, il s’agirait de 3 ou 4 présumés jihadistes qui ont également brûlé le matériel de vote et menacé d’autres bureaux de votes dans quelques villages du cercle de Niafunké.
Il affirme qu’aucune force de l’ordre ou groupe d’autodéfense ne s’est déplacé pour sécuriser le scrutin dans son village ce dimanche. Entre temps, selon le ministère de la Défense, les forces armées se sont rendues sur place et ont récupéré le corps.
Par ailleurs, selon le ministère de la Défense, des urnes ont été volées à Dianoulé à 11 km de Nampala, dans le centre du pays. Selon un élu de Nampala, le matériel d’au moins six bureaux a été emporté par des hommes armés dans des villages. Et dans sept autres bureaux, le vote n’a pas pu se tenir. Dans l’ouest du pays à Karwasa, dans le cercle de Gouina, un bureau de vote a été saccagé. Le matériel électoral détruit.
Le ministère indique également d’autres incidents. Dans le cercle de Douentza (région de Mopti) à Nokara, après le début du vote, les agents électoraux accompagnés de militaires ont fermé trois bureaux de vote sans explication, et à Gandamia, sur les 13 bureaux de vote de la commune, seul un a pu ouvrir.
A Ber, en revanche, les quatre bureaux de vote ont pu ouvrir, contrairement au premier tour.
15h : Dans le cercle de Diré dans le nord du pays, le maire-adjoint de Diré signale qu’un incident est survenu dans un village de la commune de Garbakoïra où des hommes armés ont volé et brûlé le matériel de vote ce samedi soir dans la nuit.
« Hier soir vers 23h, je dormais chez moi paisiblement, explique Bocar Djitté, directeur de l’école et président du bureau de vote du village de Tinem. Deux individus armés sont venus me réveiller. Ils sont sortis et ont tiré en l’air. Et ils m’ont demandé : “donne-nous le matériel de vote tout de suite !” Je suis rentré dans la chambre, j’ai ressorti le matériel. Ils l’ont pris et ils sont partis. Ensuite je suis parti réveiller le chef du village pour l’informer. Le lendemain matin, on a vu qu’ils avaient brûlé le matériel de vote au bord du fleuve. On n’a pas pu voter parce qu’ils ont tout brûlé. »
Selon Bocar Djitté, une partie de la population du village a manifesté ce dimanche son mécontentement après cet incident.
14h30 : Selon le gouverneur de Kidal, Sidi Mohamed Ag Icharach, les bureaux de vote ont ouvert normalement ce matin à Kidal, au nord du Mali. Et depuis trois jours, la sécurité a été renforcée. Les groupes armés de la région, appuyés par la Minusma et la force Barkhane, assurent la sécurisation de ce scrutin. Mais ce sont plutôt les intempéries qui risquent de perturber la participation.
« Il a beaucoup plu sur la région de Kidal au cours de la semaine depuis le 1er août et cela a une influence sur la participation. Dans le village d’Aguelhok à 100km au nord de Kidal, il y a eu des inondations, il y a des maisons qui se sont effondrées. Donc, dans ces conditions, tout le monde ne pourra pas participer au scrutin, il y a des gens qui ont perdu tous leurs documents électoraux. Au niveau du cercle de Kidal aussi, il y a eu beaucoup de pluie dans les campagnes, les nomades tiennent beaucoup à leurs animaux, donc il faut aller protéger les animaux, pour qu’ils ne soient pas victimes des différentes intempéries. Je pense que cela aura une influence sur le taux de participation. »
12h30 : La chef de la mission d’observation de l’Union européenne, Cécile Kyenge, a effectué un point presse dans un bureau de vote de la commune III. L’Union européenne a déployé 80 agents dans le sud et l’ouest du pays, à Gao dans le nord et à Ségou au nord de Bamako. Sur une quarantaine de bureaux de vote observés, aucune anomalie n’a été relevée pour le moment. La plupart ont ouvert à l’heure et disposaient bien du matériel nécessaire. Pas d’incidents sécuritaires notoires pour le moment non plus.
Mais Cécile Kyenge a rappelé à l’ordre les candidats, alors qu’un climat de suspicions plane. Samedi soir, le camp de Soumaïla Cissé, candidat de l’opposition, a de nouveau dénoncé des fraudes, affirmant que des bulletins de vote circulaient alors qu’ils devaient être sous scellés.« Nous sommes en train de suivre de près ce dossier, a affirmé Cécile Kyenge. Mais je rappelle que s’il y a des irrégularités, il y a des voies légales, il y a des institutions compétentes qui doivent s’occuper de ce dossier, c’est-à-dire la Cour constitutionnelle. C’est là qu’il faut faire recours ». Pour l’heure aucun recours n’a été déposé par le camp de l’opposition.
La chef de mission de l’UE en a appelé à la responsabilité des deux candidats. « C’est la responsabilité aussi des acteurs politiques de pouvoir faire comprendre que nous sommes dans un processus électoral, a insisté Cécile Kyenge. Chaque autorité a son rôle, et le rôle de la Cour constitutionnelle c’est aussi ça. Les électeurs peuvent exercer leur droit en allant voter, c’est aussi le devoir, le rôle des partis politiques, des responsables, des candidats, de pouvoir donner des motivations à la population de pouvoir aller voter. »
11h30 : Après avoir voté dans le centre de l’école fondamentale AB de Sébénicoro à Bamako, Ibrahim Boubacar Keïta s’est exprimé devant la presse. Il a jugé sa « mission accomplie », convaincu que « tout ce que nous avons connu comme difficultés est désormais derrière nous ».
Il a également mis en garde contre les « manœuvres » et « mises en scène » de fraude électorale, quelques heures après que l’opposition eut dénoncé une vaste manipulation en cours. Lors d’une conférence de presse nocturne, le camp de Soumaïla Cissé a affirmé que des bulletins de vote « circulent dans le pays » pour faciliter la victoire du candidat au pouvoir.
11h : En fin de matinée, le second tour de l’élection présidentielle n’attire toujours pas les foules, mis à part quelques électeurs courageux venus voter malgré les trombes d’eau.
Notre envoyée spéciale Gaëlle Laleix a rencontré ce matin dans un bureau de vote un enseignant à la retraite, Modibo Diarra, venu braver la pluie pour exercer son droit de vote. Il expliquait que malgré son dépit vis-à-vis des résultats du premier tour, il tenait « à donner sa voie aujourd’hui, tout simplement pour montrer que le peuple est toujours là ».
Assis sur des motos, un peu plus loin, quelques jeunes ont dit regarder le scrutin mais le sort de l’élection ne semble pas les émouvoir beaucoup. « On s’en fiche des hommes politiques, ils promettent toujours des choses puis ils ne font rien », confiait Amadou, 21 ans.
10h : Au groupe scolaire Mamadou Konaté, dans le quartier du Fleuve à Bamako, l’affluence reste plutôt faible, constate notre envoyée spéciale, Gaëlle Laleix. L’enthousiasme des électeurs à se rendre aux urnes, déjà très relatif il y a deux semaines, a été un peu plus plombé par la polémique sur les résultats du premier tour. Mais tous ne s’avouent pas découragés pour autant.