Moussa Cissé, le « Mandé mori » (marabout du Mandé) est-il devenu un « Mandé djéli » (griot du Mandé) ? C’est la question, sinon une boutade qui vous taraude tout le long du livre de ce jeune écrivain malien qui, à l’orée de la rentrée littéraire, en ce début d’octobre automnal fait paraître chez l’Harmattan, un troisième ouvrage intitulé : « Ibrahim Boubacar Keïta, un destin d’exception ».
Selon Victor Hugo, « lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille fait briller tous les yeux… » A son lancement à Bamako, dans le reportage de l’ORTM (chaîne de télévision publique) l’on voit la sensation de la même ambiance. Etaient réunies beaucoup de personnalités de la majorité présidentielle, entre autres ministres, députés, hauts cadres de l’administration, amis ou proches du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Ce beau monde était réuni autour du ministre de l’habitat et de l’urbanisme, Me Mohamed Ali Bathily, représentant le chef de l’Etat à la cérémonie. Chacun désirant manifester son attachement à un président de la république bientôt en fin de mandat ou plutôt à un potentiel candidat pour un second mandat en 2018.
Paru à un an de l’élection présidentielle au Mali, le livre retrace à la fois le parcours politique d’IBK, somme toute riche et une série de répliques, parfois acerbes, à l’encontre de plusieurs ténors de la classe politique, société civile ou du monde des médias nationaux ou étrangers. Au-delà des éloges à son héros IBK qu’il traite comme étant « … fils de son père par les vertus et descendant de la lignée princière du Mandé…», Moussa Cissé prend la parole en lieu et place de ce dernier pour régler ses comptes contre cette frange de la classe politico-médiatique qui n’a pas été tendre avec le régime ces quatre dernières années. Nous apprécions le courage de l’auteur d’avoir admiré et écrit sur l’expérience politique d’un homme qui a gravi presque tous les échelons de l’Etat. Cependant nous rejetons ce stratagème d’un porte-plume d’un régime en place à partir du moment où dès les premières pages du livre déjà, l’auteur essaye de se disculper en soutenant que son « choix est dénué de toute considération politique et partisane. »
UN HYMNE AU REGIME D’IBK
Cet ouvrage de 242 pages comporte deux grandes parties. La première intitulée « la construction du Kankelen tigui » fait ressortir le parcours politique d’IBK tandis que la deuxième partie, sous-titrée « la gestion du pourvoir » d’une part ouvre les grands dossiers du mandat d’IBK où il a été critiqué à tord pour l’auteur et d’autre part elle présente des sujets diplomatiques que constituent aux yeux de M. Cissé « une prime à la diplomatie d’IBK ». Ces deux parties se terminent par deux témoignages : celui de M. Didier Roque, ancien directeur Mali de Terre des Hommes et celui de Bakary Konimba Traoré, ancien ministre et porte-parole des gouvernements sous l’ère Ibékiste et membre fondateur du rassemblement pour le Mali (RPM) premier parti de la majorité présidentielle. Puis une partie annexe comprenant deux discours d’IBK (celui du 30 juin 2001 prononcé à la création du RPM et le discours d’investiture d’IBK du 4 septembre 2013) et une missive du président de la république du Mali publiée par rapport à la présence d’IBK à la marche républicaine à Paris le 11 janvier 2015 après l’attentat contre « Charlie Hebdo ».
IBK DECROCHE DEUX DEA
Dans la première partie, Moussa Cissé remonte le temps pour présenter le parcours universitaire et politique d’IBK. Un itinéraire en dent de scies de Koutiala, sa ville natale à Paris, ville d’adoption, en passant par Bamako puis l’université de Dakar. En effet selon le récit de l’auteur IBK fut un brillant élève reçu en 6ème en 1958 à « l’école des Grottes » à Hamdallaye à Bamako avant de passer haut les mains le concours d’Afrique Occidentale Française en tant que premier au Soudan Français. Ce beau parcours se poursuivra en France, d’abord au Lycée Janson de Sailly puis à Bamako de nouveau où il décroche son baccalauréat en 1965 avec mention « Excellent » au lycée Terrasson de Fougères (actuel lycée Askia Mohamed) en série « lettres classiques. »
Après un court passage à Dakar il est revenu en France où il sera accueilli à la résidence universitaire Jean Zay d’Antony. Son parcours universitaire sera marqué par un DEA (diplôme d’études approfondies) en politique internationale à Paris I Panthéon Sorbonne en 1978 avec « mention bien » sous la direction du professeur Marcel Merle. Puis il décroche un autre DEA en relations politiques internationales contemporaines avec « mention bien » à l’institut d’histoire des relations internationales contemporaines (IHRIC). Ensuite IBK s’inscrit comme auditeur à plusieurs cours dont celui du DEA en politique de défense.
Par la suite il sera chargé de cours sur « les systèmes politiques du tiers-monde » à Paris I (Panthéon-Sorbonne, rue Tolbiac), puis assistant de recherche au centre de sociologie européenne (CSE). Ainsi à Paris, il rencontrera beaucoup de personnes qui deviendront soit des amis soit des futurs camarades politiques : Ali Nouhoum Diallo, Toumani Djimé Diallo, Boubacar Sada Sy, Boubacar Alpha Ba, l’ivoirien Laurent Bagbo, Issoufou du Niger ou Alpha Condé de Guinée et François Hollande, ces derniers au sein de l’International Socialisme.
Le parcours d’humanitaire d’IBK sera marqué par son passage au Fond Européen de développement (FED) où il sera recruté en 1986 comme expert pour son bureau au Mali, puis par l’ONG Terre Des Hommes en 1987. A travers des missions humanitaires, il sillonnera plusieurs régions dans le nord du Mali.
PARCOURS POLITIQUE ACCOMPLI
Dans son parcours politique IBK occupera d’importants postes politiques tant au sein du parti ADEMA que dans l’appareil d’Etat. En effet au sein du parti de l’abeille, il fut membre du bureau politique national chargé des relations africaines et internationales, puis directeur adjoint de campagne du candidat Alpha Oumar Konaré avant de devenir président du parti lorsqu’il était à la primature. Il quitte l’ADEMA en 2001 pour créer avec ses amis le rassemblement pour le Mali (RPM) dont il devient le président.
Par rapport aux fonctions régaliennes de l’Etat, il assumera les plus hautes fonctions de l’Etat : du poste d’ambassadeur à la magistrature suprême en passant par les postes de porte-parole et conseiller diplomatique de son mentor d’alors le président Alpha Oumar Konaré, puis ministre des affaires étrangères en 1993, ensuite premier ministre en 1994. Un des candidats malheureux de l’élection présidentielle de 2002, il sera cependant élu député puis président de l’assemblée nationale de la même législature.
Ainsi le livre de Moussa Cissé, « Ibrahim Boubacar Keïta, un destin d’exception », est un vibrant hommage à un homme qui a gravi les échelons d’un parti majoritaire et occupé grâce à la bénédiction et la confiance du président Konaré les postes de la haute administration. Son audace et sa persévérance politiques le conduiront à Koulouba en 2013 après que le Mali ait survécu à une profonde crise à la fois sécuritaire et institutionnelle en 2012. Pendant ses quatre années au sommet de l’Etat d’importants scandales de corruption vont éclater pendant qu’il a promis l’impunité.
Ainsi dans la deuxième partie de son ouvrage, sous le sous-titre « la gestion du pouvoir, M. Cissé prend fait et cause pour le chef de l’Etat et envers et contre toutes les têtes de proue qui ont brillamment et bruyamment dénoncé les tares d’un régime qui a déçu plus d’un Malien. Son nom, explique l’auteur, cité dans la presse est constamment lié aux affaires sulfureuses aussi bien au Mali qu’en dehors. Sa famille, poursuit-il, accusée d’accaparement des leviers du pouvoir est devenue, depuis 2013, les choux gras de la presse et l’objet des médisances les plus abjectes.
Evidemment le raisonnement de l’auteur est dénué de toute objectivité car il est partiel donc partial. Un point de vue de M. Cissé assumé d’ailleurs lorsqu’il parle à Bamako au moment de la cérémonie de lancement de son livre de sa part de vérité. D’où l’objet de notre critique journalistique pour mettre en évidence des faits sciemment ou par inadvertance passés sous silence pour magnifier son « messie d’un Mali ingouvernable.»
VICTIMISER IBK ET CONTRE-ATTAQUER
Nos griefs contre ce livre « Ibrahim Boubacar Keïta, un destin d’exception » portent aussi bien sur la forme de victimisation du régime d’IBK que sur le fond, une réplique sismique et systématique contre des contre-pouvoirs. Malgré qu’il est animé d’une telle philosophie, M. Cissé affirme que son choix est « dénué de toute considération politique et partisane. »
Pour mieux présenter son héro sous ses beaux jours, Moussa Cissé décrit le parcours d’IBK en braquant le projecteur sur les critiques lancées contre son régime ces quatre dernières années sans se préoccuper des promesses non tenues par le soi-disant « Kankelen tigui ». Dans les deux parties du livre IBK est présenté comme victime de critiques infondées, il est finalement la cible de ce que la presse dans on jargon emprunté au domaine militaire, appelle « de tirs groupés ». Ainsi pour sauver « le soldat IBK » l’auteur est monté au créneau avec une stratégie de contre-attaque.
Une démarche qui aurait été dans une certaine mesure compréhensible si c’est la cellule de communication de la présidence de la république qui réagissait ainsi. Car c’est l’une de ses missions, soigner l’image du président de la république. Mais un écrivain qui essaye de montrer patte blanche, non partisan et en même temps descend dans l’arène politique et médiatique pour régler des comptes à la place du chef de l’Etat contre des adversaires politiques, associatifs et des journalistes. Parfois l’on a impression que M. Cissé, le « Mandé mori » dans la peau de l’écrivain du coup passe dans la peau d’un « Mandé djéli » (griot).
« Ibk est un homme d’action, parlant peu et agissant avec une fermeté qui lui a valu la réputation d’homme à poigne, d’homme n’ayant qu’une seule parole kankelen tigui. (…) On oublie l’homme politique qui a assumé les plus hautes fonctions qu’il peu être donné à un être humain d’exercer dans son pays. On crache sur cette expérience unique au Mali d’avoir été le seul citoyen à avoir dirigé l’Etat, le gouvernement et l’assemblée nationale. On oublie à dessein que son autorité affirmée a sauvé la république au moment et sur des terrains où d’autres hommes, non moins valeureux, se sont cassé les dents avant lui » s’exclame l’auteur.
Ainsi dans la forme « griotique » et partisane de plusieurs passages du livre cache mal la démarche neutre et non partisane que l’auteur tente en vain de miroiter. « Ma distance avec la politique politicienne explique amplement mon absence de vote en 2002 et 2007. Je ne fais partie d’aucune formation politique, quand bien même j’ai de très bonnes relations avec de nombreux acteurs politiques…
LES ESPOIRS DECUS PASSES SOUS SILENCE
Dans le fond, l’auteur présente les critiques lancées contre le régime d’IBK sous le prisme d’attaques assenées injustement contre son héro. Il se fait ainsi le devoir d’apporter des éléments de répliques. En effet, après avoir décrit un élogieux parcours d’IBK, Moussa Cissé ouvre les grands dossiers de scandales, non pour reconnaître les faits mais plutôt pour diaboliser, parfois nommément, les personnes qui les dénoncent. Tout le long du livre il donne l’’impression que les critiques contre IBK sont gratuites.
Ainsi il présentera successivement des sous-titres intitulés : « torpillage de l’accord de Ouagadougou ? », « les faux procès de “Ma famille d’abord“ », « l’avion présidentiel et le matériel militaire », « affaire Michel Tomi ». On a l’impression que M. Cissé a suivi le conseil des pédagogues qui consiste à traiter une épreuve en commençant par les sujets moins difficiles pour terminer par les plus difficiles. Nous prenons le contre-pied de cette méthode en débutant par ce qui lui paraît plus contraignant sinon plus compromettant pour son personnage central, IBK. L’achat controversé d’un avion présidentiel.
UN ACHAT DANS LE DESHONNEUR
Qu’il soit le président de la république IBK lui-même ou qu’il s’agisse d’un partisan à lui, à chaque fois qu’on aborde ce sujet de l’achat de l’avion présidentiel, il botte en touche en s’arc-boutant sur l’utilité de mettre à la disposition du chef de l’Etat un avion pour ses multiples déplacements. En réalité ce qui est en cause c’est le comment de l’achat de l’avion qui se révélera être une scabreuse affaire de surfacturation avec de sérieux soupçons pesant sur des proches du président IBK. Un acte d’achat où le prix de la marchandise varie entre 17 et 20 milliards de FCFA. Cette affaire intervient dans un contexte marqué par un autre scandale de surfacturation et multiples d’autres irrégularités autour du contrat d’achat d’équipements pour l’armée à hauteur de près de 108 milliards de CFA.
Dans son ouvrage rendant grâce à IBK, M. Cissé s’en prend vertement, non sans impudence, aux élus de la nation, les honorables Mamadou Hawa Gassama et Dr Oumar Mariko qui ont interpellé le premier ministre d’alors M. Moussa Mara à l’assemblée nationale. La discussion discourtoise à l’assemblée nationale, s’insurge l’auteur, entre le premier ministre d’alors Moussa Mara et le député d’opposition Mamadou Awa Gassama du groupe Vigilance Républicaine et Patriotique (VRP), le 18 juin 2014 dans le cadre de la motion de censure, reste un des moments les plus sombres de cette bataille de communication autour de cette affaire.
Au contraire, en toute objectivité, il s’agissait d’un moment important et inoubliable de démocratie et de transparence tant réclamées par le peuple d’en bas face à l’irresponsabilité, l’impunité et l’inconscience de certains hauts cadres véreux au sommet de l’Etat. Grâce à ces débats parlementaires, le peuple a compris que la même marchandise de la même opération d’achat d’avion a plusieurs prix incertains oscillant entre 17 et 20 milliards. En outre l’auteur a épinglé ce qu’il a appelé « la vulgarité dans les propos » et « passe d’armes nauséabondes » pendant les débats à l’assemblée nationale sur le même sujet. La vulgarité n’est t-elle pas du côté de celui qui s’en prend improprement aux élus de la nation qui ne faisaient qu’accomplir leur devoir de contrôle de l’exécutif ?
Toujours dans l’arène politique, après l’opposition parlementaire, M. Cissé s’en prend également à l’opposition extra-parlementaire, en l’occurrence le PARENA (parti pour la renaissance nationale) dans son rôle d’opposition républicaine. L’auteur du livre « Ibrahim Boubacar Keïta, un destin d’exception » n’a pas gobé le pamphlet du PARENA en date du 17 avril 2014, sous le titre « IBK, sept mois après : le Mali dans l’impasse ».
Le PARENA, note Moussa Cissé, accuse le président de mauvaise gouvernance mettant en avant les nombreuses affaires dont celle dite de l’’avion présidentiel ; et trouve le lien justement entre ce supposé affairisme au sommet de l’Etat et la démission du premier ministre Oumar Tatam Ly. Le jeune écrivain sur la vie politique d’IBK conclut sur ces sujets par une injonction : « Donc aucune volonté infecte de se faire roi de la part du président. Allez fouiller ailleurs ! » I Cissé ! Désormais le Mandjeli du semblant Mandé Massa.
L’HUMILIATION ET LE DESHONNEUR
En abordant ces sujets de corruption au sommet d’un Etat qui n’a pas fini sa traversée de désert avec une profonde crise institutionnelle et sécuritaire qui a commencé en 2012, l’auteur feigne ignorer la seconde humiliation que le Mali a subie devant le monde entier. A cause des multiples casseroles qu’il traînait, le gouvernement d’IBK est rentré dans ses petits souliers puis exécuter aux pieds de la lettre les injonctions des FMI et banque mondiale : faire auditer par le vérificateur général sur les sulfureuses affaires de l’achat de l’avion présidentiel et l’achat des équipements pour l’armée et publier les résultats desdits audits sur le site internet de la primature du Mali.
C’était à prendre ou à laisser au risque d’interrompre son programme de facilité de crédits de près de 20 milliards de CFA (environ 30 millions d’euros) sur 3 ans en faveur du Mali. Aujourd’hui le FMI a repris sa coopération avec le Mali, mais ceci ne peut gommer l’humiliation que les Maliens ont subie du fait de la malhonnête, la cupidité et l’égoïsme de quelques hauts cadres familiaux protégés par le sommet de l’Etat. Il ne s’agit nullement de critiques en l’air ou gratuites comme M. Cissé a tenté de présenter les choses comme telles, mais des faits avérés inscrits dans les annales de la gestion du régime IBK. Ces faits ont eu lieu courant 2014, année déclarée auparavant, année de lutte contre la corruption par le président IBK dans sa présentation des vœux du nouvel an. La promesse de justice à son arrivée au pouvoir demeurent jusqu’à l’heure actuelle un vœu pieux.
MA FAMILLE D’ABORD
Au sujet du népotisme, l’auteur enfile une robe d’avocat pour défendre toute la famille d’IBK. Après l’installation d’IBK à Koulouba en septembre 2013, soudainement les membres de sa famille occupent les postes stratégiques au sommet de l’Etat. Son fils Karim Keïta et son beau père Issiaka Sidibé sont élus députés à l’assemblée nationale. M. Issiaka Sidibé est ensuite élu contre toute attente président de l’assemblée nationale tandis que Karim Keïta se fait élire président de la commission défense et sécurité.
De l’autre côté au niveau de l’exécutif, dans le premier gouvernement d’IBK M. Hamadoun Konaté, son beau-frère (mari d’une sœur de la première dame), son neveu M. Moustapha Ben Barka font leur entrée dans le gouvernement. Quelques jours avant ces nominations, IBK avait affirmé avec autorité que sous son mandat le Mali ne sera pas « un partage de gâteau ». L’auteur tombe à bras raccourcis sur les confrères qui ont rappelé cette promesse du chef de l’Etat. Ainsi il a cité un titre évocateur du journal « Zenith Balé » du 11 septembre 2013 : « Premier gouvernement de IBK : la famille et les amis d’abord, le Mali dans le placard », avant d’ajouter le commentaire du confrère Mamadou Dabo : « Ce gouvernement du 08 septembre 2013, ce n’est pas le partage du gâteau, ni le Mali d’abord, mais le gâteau pour la famille d’abord ».
De même M. Cissé a cité également le confrère Ladji Guindo de Liberté qui avait mentionné dans sa livraison du 14 octobre 2013 qu’IBK a nommé à des postes ministériels des proches et alliés à lui par le mariage et qui ne sont pas forcement les meilleurs. M. Cissé a qualifié tous ces commentaires de « faux procès de “ma faille d’abord“ » pourtant il s’agit des faits patents.
Par ailleurs la comparaison étant une raison pour M. Moussa Cissé fait une lamentable évocation des cas de nominations des membres du cercle familiale à travers le monde. En effet il citera que John Kennedy après son arrivée au pouvoir 1961 a nommé son frère Robert Kennedy comme ministre de la justice, puis le cas de l’ex première dame de la Côté d’Ivoire, Mme Simone Ehivet Gbagbo qui avait pris la tête du groupe parlementaire du Front Populaire Ivoirien (FPI) après deux décennie de lutte politique. A en croire M. Cissé, qui égrène d’autres cas de nomination des membres de famille dans le monde, les nominations des membres de la famille d’IBK relève de la méritocratie avec des commentaires de leur CV. Le président Modibo Keïta avait pourtant de la famille, mais il a eu la décence de privilégier toujours le citoyen cadre compétent au détriment du profil « membre de la famille du président ».
LE SANG SUR LES MAINS DES DEPUTES ELUS
S’agissant de la crise dans le nord du Mali, ici également, M. Cissé s’attaque à des acteurs politiques et ceux de la société civile qui n’ont commis le tort que d’avoir critiqué le président IBK. « On accuse le président de vouloir torpiller le processus en dilapidant tout le crédit de sympathie de la communauté internationale pour le Mali. A coup de communiqués ravageurs et de conférences de presse pompeuses, des hommes politiques, inspirés par des petits calculs pour certains, se lancent dans un démontage impudent de toute action initiée par des nouvelles autorités. » a-t-il noté.
En outre il cite également le regroupement de partis politiques, appelé Front pour la sauvegarde de la démocratie et de la république (FDR), qui dans une déclaration avait demandé au président de la république et au gouvernement de « clarifier les relations entre le RPM et Ansardine/Mujao, car plusieurs dirigeants de ces groupes sont sur les listes de candidature de parti présidentiel en particulier dans la région de Kidal où trois des quatre candidats du RPM sont d’éminents dirigeants d’Ansardine ».
Le collectif « Les Sofas de la République » abonde dans le même sens. En effet selon leur porte-parole M. Mohamed Bathily alias « Ras Bath », le but est de « permettre à ces bandits de devenir députés et bénéficier d’une immunité parlementaire. Et donc d’échapper ainsi à la justice. » Malgré ces levées de boucliers, Ahmada Ag Bibi, Ifogha et ancien combattant d’ansardine d’Iyad Ad Ghali, devenu candidat RPM aux législatives de 2013 est élu haut les mains dans la circonscription d’Abeïbera avec 96,69%. Au même moment, Mohamed Ag Intalla, fils aîné de l’amenokal d’alors Intalla Ag Attaher est élu dès le premier tour dans la circonscription de Tin Essako avec le score soviétique de 100% des votants.
Ces faits sont sciemment rappelés par l’auteur pour essayer, hélas de dédouaner IBK et son gouvernement par rapport à une promesse qui a depuis fondu comme le beurre sous le soleil à savoir la justice. « La justice passera !» avait lancé IBK à son arrivée aux affaires. Aujourd’hui les victimes des crimes les plus abominables commis sous l’occupation des régions nord du Mali ne peuvent que s’en remettre à la justice immanente.
ACCORD DE PAIX NEGOCIE SANS LES POPULATIONS
D’autre part M. Cissé a passé sous silence, le fait qu’IBK après son investiture en 2013 a dormi pendant près d’un an sur les lauriers laissés par la transition notamment l’accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali signé le 18 juin 2013 entre l’Etat malien et les groupes armés. Ce préaccord prévoyait l’ouverture des négociations de fond soixante jours après l’investiture du nouveau président.
L’accord pour la paix et la réconciliation au Mali interviendra le 15 mai 2015 après des négociations à Alger. M. Moussa Cissé a passé sous silence, la faute politique monumentale commise par le gouvernement d’IBK qui a entamé les pourparlers avec les groupes armés sans consulter les populations à la base. L’accord a été négocié et signé par les acteurs armés de la crise en oubliant que la paix civile se construit en amont avec les populations à la base et non l’inverse. Le président IBK lui-même reconnaîtra les dérives contenues dans cet accord.
Au demeurant, Moussa Cissé a le mérite d’avoir rassembler plusieurs informations sous le feu de l’actualité ou dans les cartons d’archives pour mieux étayer le parcours politique d’un président de la république en exercice. Ceci dans une période charnière entre la fin proche d’un mandat et la probabilité d’un second mandat. Il reste évident que l’ouvrage bien rédigé sans quasiment de coquille, nous rapporte la vérité à mi-chemin.
Car les quatre années de gestion du pouvoir par IBK n’a pas été un long fleuve tranquille où tout est rose. Le fait que le passif de ce bilan décrit, commenté par les contre-pouvoirs ne peut être que bénéfique pour la démocratie. Hélas l’ouvrage est finalement un réquisitoire, une compilation de répliques d’un auteur qui s’autoproclame non partisan contre « les esprits critiques » face au régime d’IBK : hommes politiques, acteurs de la société civile et journalistes. Ainsi M. Cissé est trahi par sa méthode de prise de parole à la place d’un chef d’Etat pour sabrer ses adversaires. Il n’est-il pas un porte-plume et le « Mandé Djéli » du Mali Massa IBK ?
Bakary TRAORE