Pendant mon séjour à l’école primaire, j’ai appris également à connaître Bamako. Au sujet des origines de la ville, il existe plusieurs versions différentes. Elles ont un point commun, c’est de raconter l’histoire d’un chasseur qui serait le premier habitant des lieux. Je vais essayer de donner une version un peu différente des autres. Je l’ai recueillie auprès de certaines populations du Mandé, ainsi qu’auprès de chercheurs, parmi lesquels un chercheur attitré, Youssouf Tata Cissé. Cette version me paraît un peu plus vraisemblable que les autres. On appelle Bamako la ville aux trois caïmans, et je l’appelle la ville aux trois Bamba : il y avait Samalé Bamba Keïta, du Mandé, il y avait Bamba Saganogo, il y avait Bamba ou Bama le caïman. Ainsi les armoiries de Bamako sont-elles représentées par les trois caïmans. Tous les véhicules de la voirie municipale de Bamako portent l’effigie des trois caïmans, il y a aussi l’hôtel des Trois caïmans. Donc pour l’opinion publique Bamako est la ville aux trois caïmans.
Voici donc les fats : Samalé Bamba Keïta, prince malinké originaire du village de Samalé dans le Mandé, vint s’installer sur les lieux avec ses captifs et ses élèves chasseurs, à l’emplacement actuel du commissariat du deuxième arrondissement dit la « Poudrière ». Il chassait le gros gibier et faisait cultiver par ses captifs les terres fertiles. Il installa son campement sur le marigot Kolé, qui était alors infesté de caïmans, et construisit un petit village de culture nommé Kotiguibougou. C’est sur les bords de ce marigot que Borgnis-Desbordes avait fait stocker sa réserve de poudre, d’où le nom de Poudrière que portent actuellement le commissariat du deuxième arrondissement et l’école fondamentale voisine.
Samalé Bamba vivait donc là, avec ses frères, ses captifs, ses élèves chasseurs et son marabout Bamba Saganogo venant du village de Manfara. On dit que ce village sacré du Mandé a été fondé par les Saganogo. Il a abrité la première mosquée du pays mandé. La renommée des deux Bamba attira les Dravé, des Maures orfèvres installés à l’emplacement actuel de la prison centrale, ainsi que les Tabouré, des métis de Maures et de Sarakollé, commerçants et marabouts, qui se sont installés à l’emplacement actuel duDabanani.
Pendant ce temps, les Niaré, c’est-à-dire les chefs actuels de Bamako s’étaient installés sur les collines du Point G où ils occupaient sept villages. Ils étaient originaires de Lambidou, dans le cercle de Diéma et la région de Kayes. Ils étaient arrivés dans ce paysbamanan sous la conduite de SeribaNiakaté dit Niaré.
Au moment où le petit village de Kotiguibougou commençait à prendre de l’importance, les deux Bamba furent rappelés par leurs parents. Après leur départ, le nommé DiamoussadianNiaré, deuxième fils de SéribaNiaré, autre grand chasseur, descendit des collines pour venir s’installer à côté des Dravé à Kotiguibougou à l’emplacement qui deviendra Niaréla, plus tard le quartier des Niaré. Il avait lui aussi de nombreux captifs qu’il établit à Kolokotobougou non loin du Stade Omnisport actuel pour cultiver les terres qui forment aujourd’hui les quartiers de Médina Coura et Missira. Il installa ses fétiches à Komodougou.
Son bois sacré couvrait l’emplacement actuel de la poste de Niaréla. DiamoussadianNiaré, ou Diamoussadian le grand par sa taille, sa force, sa puissanceet son autorité s’imposa comme chef de la communauté naissante. Son nom attira des commerçants marabouts ambulants. C’est ainsi qu’ait venue s’installer sous sa protection une fraction de Maures qui fondèrent Touréla devenu par la suite Bagadadji : les Touré conduits par Talla Mohamed, de son vrai nom Attalib Mohamed Ben Talla venaient du Touat dans le sud Algérien. Talla Mohamed, qui était un marabout commerçant, avait été sollicité par Diamoussadian pour faire des bénédictions devant assurer la prospérité de la ville naissante de Bamako.
Le troisième Bamba sollicité fit rédiger quatre écrits pour les enterrer à distance les uns des autres, aux quatre coins de l’horizon. Bientôt arrivèrent de Sinsani ou de Niamina les Cissé, les Kouma, les Kallé, les Haïdara, les Touré et autres, qui occupent les quartiers Bozola. Ils se disputeront par la suite la fonction d’imam de la grande mosquée.
Propos rassemblés par Siramakan KEITA
Source: Le Carréfour