Le monde est en plein bouleversement et cela a un impact sur nos vies, rendant presque tout plus difficile. Il y aura des hauts et des bas. Pour ne pas continuer à subir les conséquences négatives de ces bouleversements, le Mali et même l’Afrique doivent se donner les moyens de prendre le train en marche. Autrement dit, nos dirigeants doivent avoir une vision claire pour anticiper les bouleversements en proposant des solutions pérennes.
À l’image de la grande majorité de nos partenaires, qui depuis novembre 1968, conçoivent et planifient nos projets de développement sans nous associer à quoi que ce soit, nos décideurs politiques décident également du destin du monde rural sans tenir compte des besoins et des préoccupations réelles d’une composante essentielle de notre économie. Cela explique en partie l’échec de toutes les initiatives prises pour le développement rural qui ont finalement profité à d’autres acteurs plutôt qu’aux paysans et aux paysannes.
Depuis l’avènement de la démocratie, quelle initiative politique a réellement été prise au nom du monde rural et a réellement profité à celui-ci ? À part l’initiative riz (dont le volet commercialisation n’avait pas été bien cerné pour que cela profite réellement aux paysans et aux consommateurs plutôt qu’aux opérateurs économiques et à leurs intermédiaires) ! Aujourd’hui, la plupart de nos défis sont liés à l’augmentation de la population et à l’urbanisation sauvage. Cela est d’autant plus vrai que les villages sont de plus en plus abandonnés au profit des centres urbains, qui n’offrent aucune autre opportunité d’épanouissement socio-économique que la paupérisation. C’est pourquoi nos décideurs doivent comprendre qu’il est utopique de faire du Mali un pays émergent tant que les initiatives de développement du milieu rural restent de la poudre aux yeux. Il faut sortir du marketing politique pour élaborer de vrais projets qui font des zones rurales les vrais pôles de notre développement économique. Ces zones ont été malheureusement laissées pour compte depuis la fin de la première République.
Pourtant, on n’a pas besoin d’être un technocrate pour comprendre que le monde rural est le point de départ d’un monde sans pauvreté ni faim. De nombreuses statistiques ne cessent de nous rappeler que 3,4 milliards de personnes (environ 45 % de la population mondiale) vivent dans les zones rurales des pays en développement comme le nôtre. La plupart d’entre elles dépendent de petites exploitations familiales pour leur revenu et leur subsistance. Les populations rurales cultivent la nourriture qui nourrit leurs nations, mais elles sont également disproportionnellement pauvres : 80 % des femmes, des enfants et des hommes vivant dans l’extrême pauvreté vivent dans des zones rurales, pas dans des villes.
Selon les projections démographiques du Mali du 1er juillet 2010 au 1er juillet 2035, la population du Mali, qui était estimée à 16 872 000 habitants en 2013, devrait atteindre 20 913 000 habitants en 2020, dont 50 % seraient des ruraux. Au plan socio-économique, on dénombre un total de 800 000 exploitations agricoles, dont environ 700 000, soit 86 %, pratiquent l’agriculture, tandis que 100 000 exploitations correspondent à des éleveurs stricts ou des pêcheurs (RGA, 2005).
Investir dans les populations rurales est aujourd’hui une solution à long terme pour de nombreux problèmes auxquels nous sommes ou serons bientôt confrontés, tels que la faim, la pauvreté, le chômage des jeunes et la migration forcée. Ces maux ou défis ont tous des racines profondes dans les zones rurales. La meilleure façon d’anticiper sur ces problèmes est de réellement investir dans l’agriculture à petite échelle et en accordant la priorité au développement rural inclusif.
Moussa Bolly
Source: Journal Le Matin- Mali