En raison de la crise multiforme qui secoue le pays depuis 2012 et déshonore ses dirigeants, les usagers des transports en commun, sotrama, taxis et moto taxis discutent souvent entre eux pour déterminer le chef de l’Etat par lequel est arrivée cette descente aux enfers comparable à un tsunami politique.
Curieusement, en dépit de l’option socialiste de l’US-RDA qui ne fut pas bien comprise à l’époque et provoqua des vagues, le président Modibo Kéita fait bonne figure dans l’opinion des usagers des sotrama. Sa modestie et sa clairvoyance sont reconnues de même que son patriotisme.
Sous lui, pour la plupart de ces hommes et de ces femmes qui ne l’ont pas vu mais ont seulement entendu parler de lui, le Mali était un grand pays respecté dans la sous- région et à l’étranger. Il respecta religieusement les finances publiques et imposa ce même respect à ses gouvernements et à ses cadres. La création du franc malien en 1962 est saluée comme une œuvre de grand patriotisme et d’une volonté réelle d’indépendance économique et financière que seuls les commerçants et les hommes d’affaires alliés au capitalisme international ne comprirent pas.
La réforme de l’enseignement en 1962, en plus de rompre avec le système d’enseignement colonial, permit de mettre en place un type d’enseignement original adopté à nos besoins mais qui malheureusement ne fut pas suivi de mesures de correction et cela aboutit aux désordres actuels dans l’enseignement. Les sociétés et entreprises d’Etat (SEE) créés en masse à partir de 1962, permirent de réduire le chômage des jeunes et d’assurer un relatif plein emploi à la population. Ce furent, semble-t-il, les miliciens recrutés dans le désordre qui discréditèrent son régime et aboutirent à sa chute en novembre 1968.
Ce coup d’Etat, salué un moment comme une œuvre de délivrance à cause des exactions des miliciens, fut vite dénoncé par la population comme un complot de l’impérialisme français revenu au Mali à la suite de la réforme monétaire de 1967 qui dévalua ignominieusement le franc malien et installa la hausse des prix.
Le comité militaire de libération nationale (CMLN) qui prit le relais en novembre 1968, après un moment d’euphorie, apparut dès 1969 comme un régime de cowboys dont les membres se mangèrent entre eux pendant 10 ans entre 1968 et 1978.
Mais dès la chute du premier gouvernement militaire dirigé par le capitaine Yoro Diakité en 1969, on s’aperçut clairement que ces officiers arrivés pour redresser le pays en 6 mois, n’étaient pas venus pour repartir aussitôt mais plutôt pour rester et obéir aux ordres de Jacques Foccart, leur mentor français.
Le régime de l’UDPM qui s’installa en 1974 et régna de cette date jusqu’en mars 1991, ne fut qu’une affaire de bureaucrates et d’officiers rescapés du CMLN sous les ordres du général Moussa Traoré. Celui-ci est jugé incolore et inodore entre 1968 et 1978 mais par l’arrestation des faucons du CMLN en février 1978, il se forgea une petite image de marque de chef d’Etat respectable. Par la suite, en raison de la dictature personnelle qu’il installa au profit de sa seule famille, il ne fut plus que le malheureux président du parti unique constitutionnel de l’UDPM qui mérita pleinement le sort qui lui fut réservé par les évènements de mars 1991.
Le CMLN et l’UDPM, accusés de tous les maux d’Israël, tous les espoirs se reportèrent sur l’ère démocratique. Si Alpha Oumar Konaré en deux mandats successifs sut sauver les apparences du régime démocratique par des mesures prudentes comme la décentralisation et l’application du libéralisme économique, en revanche ses successeurs de la même veine ne firent que discréditer la démocratie.
ATT, le tombeur de Moussa Traoré qui l’avait propulsé dans la hiérarchie militaire, un moment populaire avec le CTSP et son Premier ministre Zoumana Sacko, un économiste de génie, devint impopulaire en 2002 en succédant à Alpha Oumar Konaré. Son dilettantisme avec des phrases assassines en temps de crise du genre « on ne peut pas emprisonner un chef de famille pour avoir mangé l’argent de l’Etat » ou encore « chacun est entre les mains de sa mère », montra toutes les limites intellectuelles de ce soldat devenu chef d’Etat par accident de l’histoire.
La crise au nord du pays contre laquelle il se montra incroyablement impuissant, acheva de le démystifier en 2012 avec l’arrivée des djihadistes et des narco terroristes dans le septentrion malien suivie de sa chute et de l’intervention militaire française pour libérer le pays. Triste fin de règne comme dirait Victor Hugo concernant Napoléon Bonaparte après le désastre militaire de Waterloo en 1814.
Enfin, IBK la faillite. On le croyait capable de vaincre le mythe de Sisyphe mais il ne put pas même s’approcher des monts manding dont il se disait originaire.
Les usagers demeurent partagés entre sa médiocrité et celle d’ATT qui tout de même reste crédité d’un manque d’expérience politique notoire.
Facoh Donki Diarra,
écrivain Konibabougou