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Les enjeux de la participation belge à l’opération française Barkhane

Le plan des opérations 2021 de la Défense belge a confirmé la volonté de la Composante Terre d’envoyer un SGTIA (sous-groupement tactique interarmes) de 250 hommes au sein de l’opération française Barkhane. Ce déploiement prévu pour octobre doit faire l’objet d’un débat parlementaire sans doute au printemps. Aperçu des enjeux.

 

Plusieurs volontés de déploiements avortées depuis 5 ans

Ces dernières années, il a souvent été question d’un « potentiel » déploiement plus offensif de la Composante Terre au Sahel et en Afghanistan. A son arrivée en 2015, le ministre Steven Vandeput avait ouvert la porte à l’engagement d’un « groupement tactique interarmes » de quelque 300 militaires dans le cadre d’une « possible opération de stabilisation » dans la région du Sahel en 2016. Ce GTIA devait prendre le relais d’une compagnie française de l’opération Barkhane. Malgré l’optimisme affiché à l’époque par des membres de la Défense, ce déploiement n’a jamais été concrétisé. En 2018, le gouvernement envisageait l’envoi d’un contingent de 135 hommes avec des éclaireurs et des instructeurs plus un détachement de Forces Spéciales en septembre 2019 en Afghanistan. Une nouvelle fois cette mission était tombée à l’eau. Selon la Défense, il n’y avait plus d’opportunité du côté de l’OTAN avec une réduction des troupes américaines. La constatation est qu’aucun déploiement robuste n’a vu le jour ces dernières années.

Prééminence des opérations aériennes de haute intensité

Dans leur analyse exploratoire du dossier du remplacement des F-16, Joseph Henrotin, Wally Struys et André Dumoulin soulignaient la spécificité belge. Depuis le traumatisme de 1994 et l’assassinat de 10 paracommandos belges au Rwanda, la Belgique ne mène plus des opérations de haute-intensité au sol d’où la prédominance des opérations aériennes. « Perçue comme moins risquée qu’un engagement au sol sur le plan de la politique intérieure, l’implication des F-16 permet également à la Belgique de peser dans le processus décisionnel propre aux coalitions militaires en alignant des capacités de combat considérées comme significatives », développaient les auteurs du document. Cela explique la récurrence de l’envoi des F-16 dans des opérations en Afghanistan, en Lybie et dernièrement en Irak. Le retour des F-16 en Irak en octobre dernier répondait exactement à cette logique, permettant à la Belgique de rester dans le noyau dur de la coalition internationale. Le déploiement de la Composante Terre dans des opérations reste donc toujours sensible pour les politiques par rapport à l’opinion publique.

Quel impact sur la société en cas de décès de militaires belges ?

Il ne faut pourtant pas croire que la Composante Terre ne participe pas à des missions plus « dangereuses » (si on peut se permettre ce terme). Début 2020, 5 militaires belges avaient été blessés avec l’explosion de leur véhicule Dingo sur un IED lors de deux attaques distinctes à quelques jours de différence. Grâce au blindage de leur véhicule, les militaires avaient eu la vive sauve. Sans aucun doute que s’ils avaient été dans des VBL français, le scénario aurait été tout autre comme le rappelle l’actualité récente. A l’époque, la presse belge s’émouvait de la dangerosité de la mission. « Une explosion de mine blesse 3 soldats belges au Mali : faut-il arrêter la mission ? », titrait RTL. Avec l’opération Barkhane, la Composante Terre se trouvera dans des combats de première ligne. On a certes l’exemple de l’armée estonienne qui est déployée depuis 2018 au sein de cette opération sans subir aucune perte. Et encore une fois, la Composante Terre aura des véhicules mieux protégés contre les attaques IED. Mais en cas de morts, l’opinion publique belge pourrait vite s’émouvoir ce qui explique à quel point ce dossier est épineux au niveau politique.

Un dossier hautement politique

Les interpellations incessantes des députés de la majorité et de l’opposition montrent bien que la décision est loin d’être prise même si la Défense est prête à y aller. Guêpier, opération française font partie des mots vocabulaires les plus fréquents pour exprimer le doute lors de premiers échanges sur le sujet. Le dossier Barkhane sera éminemment politique pour tout ce qu’il comporte. Côté N-VA, on a clairement fait comprendre que l’accent français de l’opération ne plaisait pas et qu’importe si après tout la MINUSMA et l’EUTM Mali, où sont déployés des militaires belges, travaillent avec Barkhane. Par ailleurs, le déploiement de la frégate Léopold Ier au côté du porte-avions Charles de Gaulle ne semblait pas poser de problème. Mais surtout cette possibilité de déploiement intervient à un moment donné où l’opération Barkhane est l’objet de débat dans les médias français mais aussi étrangers sur son efficacité, certains parlant de « bourbier ». S’il n’est pas question de retrait, le président Emmanuel Macron a aussi évoqué un réajustement du dispositif. Le fait que l’opération n’est plus le soutien entier de la société française et qu’elle interroge même le gouvernement français ne va pas aider sans douter le gouvernement belge à défendre sa position. Autre élément à charge la frappe française à Bounti, accusée de bavure. Sa légitimité reste toujours en suspens et le ministère de la Défense peine tant bien que mal à défendre sa position sans vouloir diffuser les images. Cela pourrait venir dans le débat sans aucun doute. Pour preuve, la députée MR Kattrin Jadin posera une question à ce sujet à la ministre Ludivine Dedonder lors de la réunion de la commission de ce mercredi. Or la question des règles d’engagement et de la possibilité de bavures est toujours un point sensible pour les députés belges comme cela a été le cas lors du débat sur la nouvelle participation de F-16 à l’opération Inherent Resolve. Le débat parlementaire s’annonce donc particulièrement intéressant avec une issue plus qu’incertaine.

Si la participation belge à l’opération Barkhane fera aussi l’objet d’un débat parlementaire, c’est à cause aussi de l’accord de la coalition Vivaldi qui met l’accent sur un Parlement plus impliqué dans le processus décisionnel des opérations militaires. Cette demande vient notamment des députés socialistes depuis la législature précédente. La ministre de la Défense, étant de cette famille politique, elle pouvait difficilement s’en passer. Il reviendra au gouvernement d’exposer clairement les raisons de cet engagement d’abord à sa majorité parlementaire, loin d’être emballée, et ensuite à la population en cas de votes positifs pour obtenir son adhésion indispensable.

 

La volonté de concrétiser le partenariat stratégique belgo-français

Militairement, cette participation est aussi stratégique dans le cadre du contrat CaMo (capacité motorisée) entre les deux armées. Jusqu’ici la Composante Terre et l’Armée de Terre ont mené des exercices en commun. Evoluer en opérations serait une prochaine étape d’autant plus que l’armée française devrait utiliser ses véhicules Griffon au Sahel pour la première fois dans le courant de l’année. Il s’agirait d’un premier test grandeur nature en conditions réelles. Faire un partenariat sans évoluer en opérations n’aurait aucun sens surtout quand on met en avant l’interopérabilité. Préférer participer à la Force Takuba n’aurait également pas plus de sens, même si cela serait plus dans la lignée des missions auxquelles a participé la Défense belge dans ces régions, car un tel déploiement concernerait effectivement les unités du Special Operations Regiment et non celles de la Brigade Motorisée. Autre point en commun, le général Pierre Gérard, commandant de la Composante Terre, et le général Thierry Burkhard, commandant de l’Armée de Terre, ont tous les deux prôné dans des termes différents la nécessité de se préparer à des missions de haute intensité.

L’envoi d’un STGIA belge serait aussi un message pour la coopération européenne alors que la France appelle ses partenaires européens à davantage la soutenir pour ne pas être la seule à « payer le prix du sang » pour la sécurité de l’Europe.

Source : defencebelgium.com

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