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L’enfant et son milieu en Afrique : Les grands-parents

Les grands-parents apparaissent partout comme des agents éducatifs importants dans les domaines qui n’ont pas directement trait à l’activité productive, et en particulier dans l’enseignement oral ; leur rôle n’est nullement négligeable, parfois même primordial, sur le plan de l’intégration sociale proprement dite. Ils servent de trait d’union entre le passé et le présent.

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C’est souvent chez eux que va habiter le petit enfant après le sevrage, ou quand à quatre ans «il commence à voir les choses et à poser des questions» et est donc jugé trop grand pour continuer à dormir dans la case maternelle.

C’est la grand-mère qui est souvent la plus compétente pour le traiter en cas de maladie. Chez les Kikouyou les jeunes passent parfois plus de temps avec leurs grands-parents qu’avec leurs parents, ils vont séjourner chez eux, et il n’est pas rare qu’ils refusent de revenir au foyer parental.

Leur maison sert éventuellement de lieu de refuge et de protection et c’est auprès d’eux que l’enfant expérimente le mieux ce qu’est l’affection, la tendresse, l’indulgence, la confiance, la sécurité, la liberté.

Par rapport à la génération des parents qui se tient au centre du système social et constitue par sa fécondité le pole essentiel autour duquel s’organise le cycle de la vie, celles des petits-enfants et des grands-parents occupent une position symétrique, plus marginale, les uns émergeant à peine de l’autre monde, les autres se préparant déjà à y retourner.

Leur position respective les incite en quelque sorte à se liguer contre la catégorie d’âge intermédiaire. On remarque qu’à l’inverse de la relation qui lie l’enfant à ses parents, ses rapports avec les grands-parents se caractérisent par une sorte d’égalité, de connivence, d’alliance tacite, de libre parler, de propension à la plaisanterie.

Pour les Kikouyou, ils appartiennent symboliquement au même degré d’âge et au plan rituel, on les place sur un pied d’égalité. Chez les Kissi, l’identification grand-père-petit-fils est encore accentuée par le fait que très souvent ce dernier reçoit le nom de son aïeul paternel et assure ainsi symboliquement sa survie.

Chez les Ambo il arrive que l’on dise à l’enfant : «Va jouer avec grand-mère». Par contre, comme on l’a fait remarquer dans certaines traditions, les arrière-grands-parents se sentent davantage liés à la génération des parents.

En interrogeant de jeunes Brazzavillois sur les sentiments qu’ils entretiennent à l’égard de leurs grands-parents, nous avons recueilli les expressions suivantes :

«Mon cœur saigne de bonnes histoires -J’éprouve un sentiment de dette envers eux -Un certain sentiment de joie indicible, d’enchantement, monte en moi -Je revois l’affection que leur portait maman et j’ai envie d’en faire autant plus tard à ma mère- Je revois les belles soirées de la saison sèche- Je revis mon enfance si tendre- J’évoque la sagesse due à leur expérience- J’ai envie de me retrouver à leurs cotés- Je laisse monter en moi les contes qu’ils nous racontent» .

Conclusions De la description de la vie familiale en milieu africain coutumier on peut tirer des constatations d’apparence antinomique. L’enfant pris individuellement, et dans une mesure infiniment plus grande encore le groupe des enfants, jouissent d’une liberté, d’une indépendance d’allures et de mouvement remarquables. «Un seul principe régit l’éducation du Schillouk, écrit Hofmayr, celui de la liberté. Ordre et discipline sont de l’esclavage.»

R. Allier rapporte les paroles d’un missionnaire d’Afrique du Sud : «Elever un enfant se dit ici : le faire grandir. Or, faire grandir consiste à le nourrir jusqu’à ce qu’il soit en âge de subvenir lui-même à ses besoins. Quant au reste, c’est l’enfant qui s’élève.»

Van Wing cite des paroles d’informateur qui vont dans le même sens : «Les enfants, ils sont comme des poussins. La mère s’en occupe quand ils sont jeunes. Quand ils peuvent se tirer d’affaire, la poule les laisse à leur sort.».

Jensen-Krige a relevé également la grande indépendance à l’égard de l’adulte dont jouit l’enfant lovedou. Encore tout petit il peut s’en aller, sans même prévenir, dans la parenté lointaine, et personne ne s’en inquiète durant des jours. Le soir il peut aller se coucher longtemps après les parents. On ne l’admoneste guère ; on le verra par exemple jouer avec un couteau sans rien lui dire.

La sentence qui semble le mieux exprimer le comportement de l’adulte à son égard est : «Prends soin de lui afin que demain il prenne soin de toi». Les attitudes sont caractérisées par le ménagement et le laisser-faire. Mais contrairement à ce que  penserait l’Européen, cette liberté se traduit dans le comportement de l’enfant par une très grande douceur et gentillesse.

En voyant des enfants blancs les Lovedou disent : «Ils ne sont pas comme les nôtres, ils aiment beaucoup se battre».

Pierre ERNY

 

 

Source: L’Inter de Bamako

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