Suivant la feuille de route de l’Union Africaine visant à éradiquer la prolifération des armes en Afrique d’ici 2020, Small Arms Survey a produit, en janvier 2019, un rapport intitulé « L’Atlas des armes: Une cartographie des flux illicites d’armes légères en Afrique ».
Ce travail de longue haleine permet d’avoir une idée du nombre d’armes légères en circulation en Afrique, leurs détenteurs et les canaux de trafic.
80% des armes légères, entre les mains des civils et des groupes armés non étatiques
Selon ce rapport de 110 pages, « les acteurs civils africains, dont les individus, les entreprises immatriculées – comme les entreprises de sécurité privées – et les groupes armés non étatiques détiendraient donc plus de 40 millions d’armes légères – soit près de 80 % des armes en circulation sur le continent ». Les forces armées et de sécurité, quant elles, détiendraient moins de 11 millions d’armes légères, constate Small Arms Survey. Qui fait remarquer que sur les 40 millions détenues par la population civile, seules 5 841 200 seraient enregistrées contre 16 043 800 non enregistrées. En chiffres absolus, rapporte le document parcouru par Dakaractu, la population civile de l’Afrique de l’Ouest arrive en tête avec près de 11 millions d’armes légères licites et illicites. L’Afrique du nord occupe la deuxième place avec 10,2 millions d’armes légères en circulation. Grâce à ses 7,2 millions d’armes légères détenues par sa population civile, l’Afrique de l’Est occupe la troisième marche du podium. Cependant en chiffres relatifs, c’est l’Afrique australe qui vole la vedette aux autres parties du continent. Elle présente un taux de 9/100 civils tandis que l’Afrique de l’Ouest n’arrive qu’à la quatrième place avec 2 habitants sur 100 qui détiendraient une arme légère.
Parmi les sources régionales d’armes illicite, il a été cité le trafic transfrontalier d’armes déjà illégales. Il est aussi noté le détournement des matériels des stocks nationaux et de maintien de la paix.
Dans une interview avec Dakaractu, Nicolas Florquin, l’un des auteurs du rapport de Small Arms Survey et de l’Union africaine, est d’avis que « le détournement des stocks des forces et services nationaux est reconnu comme étant une source importante de flux d’armes illicite dans la région (ouest-africaine) mais aussi au niveau international ».
Selon le chercheur qui capitalise plus de 10 ans d’expérience dans le domaine, des efforts sont entrepris par les États africains pour « sécuriser ces stocks », mais, reconnaît-il, « il y a certainement encore du chemin à parcourir ».
Le Sénégal, pas un grand fournisseur
Ce qu’il est intéressant par contre de noter dans le cas de l’affaire des 4500 cartouches d’AK-47 volées à la base de Ouakam et qui ont été stoppées net à Pire alors qu’elles étaient en partance pour la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, c’est la promptitude avec laquelle l’origine des munitions a été déterminée par les autorités sénégalaises. « Ceci est intéressant car il est souvent plus difficile de tracer les munitions que les armes, ces dernières comportant des marquages individuels qui sont généralement absents des munitions elles-mêmes », fait remarquer le chercheur, visiblement heureux de constater que « les registres des stocks nationaux de munitions sont bien maintenus et permettent ce traçage national, qui est essentiel à l’identification des points de détournement. »
Nicolas Florquin de relativiser la place du Sénégal dans le trafic d’armes dans la sous région. « Le pays n’est pas généralement considéré comme un pays d’origine important pour les trafics d’armes de la sous-région, même si des petits trafics transfrontaliers ‘de fourmis’ existent comme dans la majorité des pays », tranche-t-il .
Dans ce lot, le chercheur convoque un trafic clandestin de pistolets d’alarme de fabrication turque du Sénégal vers la Mauritanie. « Ces armes qui sont à l’origine non-létales sont facilement transformées par les criminels pour le tir de balles réelles et alimentent les marchés illicites, en Afrique comme en en Europe », alerte-t-il.
Dans quelle catégorie mettre donc les munitions de calibre 7,62 mm subtilisées par un soldat de première classe de l’armée sénégalaise pour éventuellement les mettre dans le circuit illicite ?
AK-47, la préférée des groupes armés
Le rapport de Small Arms Survey renseigne que « la majorité des des armes illicites qui circulent parmi les groupes armés de zones touchées par un conflit, sont des fusils d’assaut militaires et des systèmes d’armes souvent fabriquées il y a plusieurs décennies dans des pays de l’Ex URSS. « De même, selon la MINUSMA, le type d’arme illicite le plus fréquemment observé dans sa zone de mission est le fusil de type AK, suivi par le pistolet-mitrailleur de type PKM en proportion bien moindre – des armes produites, dans les deux cas, à partir des années 1960 dans les pays de l’ex-Union soviétique et en Chine », renseigne le rapport.
Pour autant, rien n’indique que les munitions de calibre 7,62 mm, pour AK-47 étaient destinées à approvisionner les groupes armés de la région qui en raffolent.
Seule l’information judiciaire ouverte par le parquet pour association de malfaiteurs en relation avec une activité terroriste et détention d’armes en vue de commettre des actes terroriste peut lever et mettre fin aux spéculations.
D’ici là, le chercheur Nicolas Florquin exhorte les états africains à mettre en œuvre les politiques clairement définis pour stopper les flux illicites d’armes et de munitions. Sinon l’objectif que s’est fixée l’Union africaine, à savoir faire taire les armes à l’horizon 2020, risque d’être une utopie, si ce n’est déjà le cas.
Dakaractu