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Le Niger, Bazoum et les héros de la démocratie

Alors qu’un allègement sous condition des sanctions contre Niamey a été envisagé lors du dernier sommet de la Cedeao à Abuja, le 10 décembre, aucune décision n’a été prise quant au sort de Mohamed Bazoum. Mais les difficultés qui s’amoncellent pour la junte militaire pourraient jouer en faveur du président déchu.

Le 12 décembre 2023 marque le 140e jour de détention pour Mohammed Bazoum, toujours enfermé dans sa résidence depuis le coup d’État du général Abdourahamane Tiani, le 26 juillet dernier. La détermination du président déchu du Niger, qui refuse de signer une lettre de démission, devrait susciter l’admiration. Mais elle ne retient guère l’attention des médias alors que l’actualité est tournée vers l’Ukraine et le conflit israélo-palestinien.

Vaines menaces

Et puis Bazoum n’est pas français ! En France, il n’a donc pas droit au décompte qui a marqué les prises d’otage de certains ressortissants, notamment des journalistes. À Paris, on ne trouve pas non plus de panneau sur les frontons des mairies pour rappeler le triste sort de Bazoum, de sa femme et de son fils au moment où la population fait ses emplettes de Noël. C’est d’autant plus injuste que le président déchu a beaucoup pâti de son assimilation aux intérêts de la France, en particulier après le retrait du Mali des troupes de l’opération Barkhane, quand le Niger est devenu le terrain d’expérimentation du « partenariat de combat » que l’Élysée souhaitait mettre en place avec ses derniers alliés du pré-carré francophone au Sahel.

Aujourd’hui, il ne faut pas se leurrer. Même s’il est libéré, Bazoum ne reviendra pas au pouvoir. La Cedeao a un moment envisagé une intervention militaire contre Tiani. Mais ses vaines menaces ont été contre-productives. En effet, elles ont confirmé les divisions internes et la réputation d’impuissance de l’organisation régionale des États d’Afrique de l’Ouest. De plus, elles ont conduit la junte à rapatrier sur Niamey les unités de l’armée les plus aguerries, cela en vue de repousser un éventuel assaut de forces étrangères. Comme d’habitude en cas de coup d’État militaire au Sahel, les jihadistes ont en réalité été les grands gagnants de l’histoire. Ils peuvent en effet continuer de s’enraciner dans le monde rural pendant qu’on se dispute le pouvoir dans les capitales.

Les militaires américains, eux, ont choisi de rester au Niger. D’abord parce qu’ils n’ont pas d’autre lieu où se replier dans la région, à la différence des troupes de Barkhane à N’Djamena. Ensuite parce qu’il leur serait difficile de justifier auprès du Congrès l’abandon d’une base à Agadez dont la construction a coûté plusieurs centaines millions de dollars avant de devenir pleinement opérationnelle en 2019. Résultat, la présence américaine conforte une junte qui, dans le même temps, est en train de se rapprocher de la Russie. Tiani peut ainsi jouer sur plusieurs guichets à la fois pour compenser son absence de reconnaissance à l’international, à l’exception bien sûr du Mali et du Burkina, autres régimes parias de la région.

Posture nationaliste

À défaut d’élections, la junte nigérienne cherche par ailleurs à se construire une légitimité nationale sur la base d’un discours xénophobe contre le président Bazoum, accusé d’être un Arabe, d’une part, et contre l’ancienne puissance coloniale et les ingérences européennes, d’autre part. Désireux d’obtenir le soutien des populations du nord, notamment touarègues, le gouvernement militaire a également abrogé une loi de 2015 qui, en criminalisant la migration, avait beaucoup pénalisé l’économie des transporteurs et des hôteliers d’Agadez. Ce revirement a entraîné une rupture avec l’Union européenne, confirmant la posture nationaliste d’un régime qui a pourtant bien besoin d’argent.

De fait, le Niger souffre énormément des sanctions internationales. Les exportations à venir d’uranium et de pétrole ne suffiront pas à combler le manque à gagner d’un État au bord de la paralysie. Le budget de l’année 2023 a dû être amputé de près de la moitié du montant initialement prévu. Aujourd’hui, les fonctionnaires sont très difficilement payés. De ce point de vue, la survie de la junte n’est pas évidente. Comme ses autres camarades en uniforme, Tiani sait qu’il peut être renversé par un autre putsch. De plus, la population a beau être résiliente, elle pourrait bien finir un jour par exprimer son mécontentement dans la rue.

Tout bien considéré, la détermination de Bazoum sera peut-être payante.

jeuneafrique

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