“L’Oclei n’est pas un appareil de répression, mais un organe d’investigation”
Aux dires du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Malick Coulibaly, l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) est dans son rôle en réunissant les magistrats, lundi 9 décembre dernier, dans le cadre de la Semaine nationale de lutte contre la corruption. Une occasion pour les magistrats d’échanger sur leur rôle dans la lutte contre ce phénomène qui constitue aujourd’hui une préoccupation majeure, aussi bien des pouvoirs publics que des citoyens qui en subissent de plus en plus ses conséquences, selon le ministre Malick Coulibaly, avant de préciser qu’une synergie d’action entre l’Oclei et la justice est indispensable dans la mesure où l’Oclei n’est pas un appareil de répression, mais un organe d’investigation.
C’est sous le thème : “Le rôle des magistrats dans la lutte contre la corruption” que l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) a lancé, le lundi 9 décembre dernier, la célébration de la Semaine nationale de lutte contre la corruption, à travers une journée dédiée à la lutte contre la corruption dont la cérémonie était présidée par le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Malick Coulibaly.
L’événement, qui s’est déroulé à l’hôtel Radisson Blu, a vu la participation de toutes les couches de la justice dont des magistrats, des représentants des institutions, des missions diplomatiques et des organisations internationales accréditées au Mali. D’où la présence de l’Ambassadeur du Royaume des Pays-Bas, un des partenaires de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite.
Après avoir souhaité la bienvenue à tout ce beau monde, le président de l’Oclei, Moumouni Guindo, précisera que la Semaine nationale de lutte contre la corruption a été instituée au Mali par le Décret N°10-624/PM-RM du 26 novembre 2010. Il s’agit d’informer l’opinion publique sur les actions entreprises dans le cadre de la lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière et de contribuer par la sensibilisation sur le phénomène en vue de restaurer un climat de confiance entre les pouvoirs publics et les citoyens.
En initiant cette semaine, il s’agira aussi d’appliquer la Résolution 58/4 du 31 octobre 2003 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies qui a déclaré le 9 décembre de chaque année Journée internationale de la lutte contre la corruption. Ce faisant, a rappelé le président de l’Oclei, l’Assemblée générale de l’Onu vise à “sensibiliser au problème de la corruption et faire connaitre le rôle de la Convention dans la lutte contre celle-ci et sa prévention”. Et le Mali, précisera-t-il, fait partie des 186 Etats parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption.
“C’est, notamment, en application de la Convention des Nations Unies contre la corruption que l’Oclei a été chargé à l’article 4 de l’Ordonnance N°2014-032/P-RM du 23 septembre 2015 de mettre en œuvre l’ensemble des mesures de prévention, de contrôle et de lutte envisagées au plan national, sous-régional, régional et international contre l’enrichissement illicite”, a rappelé Moumouni Guindo avant de préciser que : “l’implication de l’Oclei dans la réalisation des activités entrant dans la Semaine nationale de lutte contre la corruption participe de l’accomplissement de cette mission. Elle permet, en outre, au Mali de prouver qu’il tient ses engagements internationaux et met en œuvre les textes législatifs et réglementaires qu’il a édictés dans ce cadre”.
La conférence sur “le rôle des magistrats dans la lutte contre la corruption” témoigne donc de la vision de l’Oclei à développer et promouvoir la concertation, la collaboration et la coopération avec l’ensemble des acteurs de la lutte contre la corruption. “Il va sans dire que les magistrats de tous ordres, de tous degrés ou services ont un rôle primordial. C’est un truisme incontestable : il n’y a pas et ne saurait y avoir de lutte efficace contre la corruption sans la justice”, a-t-il déclaré.
L’occasion était bonne pour le président de l’Oclei de rendre un vibrant hommage au ministre de la Justice et des Droits de l’Homme pour sa détermination et son engagement dans la lutte contre la corruption. “Votre engagement personnel n’est plus ni à démontrer ni conter. Les faits sont là et ils sont éloquents” a-t-il conclu.
Prenant la parole, le ministre Malick Coulibaly estime que le thème retenu par la Communauté internationale : “Unis contre la corruption pour le développement, la paix et la sécurité” est aujourd’hui, plus qu’hier, d’actualité dans notre pays.
Il a rappelé que l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite créé par l’Ordonnance N°2015-032/P-RM du 23 septembre 2015 et qui est l’émanation de la Loi N°2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de la corruption, a commencé ses activités le 1er juin 2017 par la prestation de serment de ses membres.
“Aujourd’hui, malgré les difficultés de compréhension enregistrées lors des premiers mois de son existence, une grande satisfaction est enregistrée dans ses actions d’information et de sensibilisation, notamment dans les opérations de déclarations de biens.
Aujourd’hui, plus de 1 200 déclarations de biens sont déposées à la Cour Suprême par des personnalités assujetties, y compris des magistrats. Certes, le processus de la relecture de la Loi N°2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite est en cours, mais il est indispensable que les praticiens observent la loi dans tous ses aspects, notamment en matière de déclaration de biens qui reste une mesure préventive n’appelant pas à une ouverture automatique d’investigation ou d’enquête”, dira le ministre Malick Coulibaly.
Selon lui, une synergie d’action entre l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite et la justice est indispensable dans la mesure où l’Oclei n’est pas un appareil de répression, mais un organe d’investigation. “C’est pourquoi, il est nécessaire que les deux Institutions collaborent pour une meilleure prise en charge des rapports de l’Oclei afin de leur donner les suites idoines”.
Profitant de cette opportunité, le ministre Malick Coulibaly encourage les initiatives visant à mettre en place une Agence de gestion des avoirs saisis afin de compléter le dispositif permettant une meilleure gestion des dossiers d’enrichissement illicite déférés devant la justice.
“Il s’agit, certes, de prévenir l’enrichissement illicite, de punir les contrevenants à la loi, mais aussi et surtout de frapper, dans leurs portefeuilles, ceux qui se sont illicitement enrichis sur le dos des contribuables”. Parole du ministre Malick Coulibaly !
S’adressant aux magistrats, le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme a été très clair : “Il s’agit, à travers cette semaine, de mobiliser les magistrats pour la lutte contre la corruption en général et l’enrichissement illicite en particulier. En effet, la responsabilité première des magistrats dans cette lutte est reconnue dans la Convention des Nations Unies contre la corruption en son article 11 qui énonce : “Compte tenu de l’indépendance, chaque Etat Partie prend, conformément aux principes fondamentaux de son système juridique, des mesures pour renforcer leur intégrité et prévenir les possibilités de les corrompre, sans préjudice de leur indépendance. Ces mesures peuvent comprendre des règles concernant leur comportement”.
La bataille contre la corruption et l’enrichissement illicite, dira le ministre Malick Coulibaly, ne peut être gagnée que lorsque trois conditions essentielles sont remplies. Il s’agit de l’engagement politique, la rigueur dans l’application de la Loi par les magistrats et surtout le respect scrupuleux des règles d’éthique et de déontologie.
“Je puis vous affirmer qu’en ce qui concerne la volonté politique, le Gouvernement, sous les orientations et avec l’onction sincère du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, est résolument engagé à lutter contre le phénomène et encourage toute initiative allant dans le sens d’une intensification des actions. Les efforts financiers consentis et les réformes structurelles mises en œuvre illustrent parfaitement l’engagement politique. Qu’il s’agisse des structures de contrôle ou de vérification ou qu’il s’agisse de structures au cœur du système répressif, telles l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite et les Pôles économiques et financiers, notre dispositif de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite est, sans doute, l’un des meilleurs des espaces communautaires auxquels notre pays fait partie.
Cela m’amène à vous dire que ce dont le pays a besoin, aujourd’hui, c’est l’application stricte et rigoureuse de la loi en cette matière. C’est en cela que les magistrats sont interpellés. Pour y arriver, ils ont certes besoin des connaissances techniques, mais aussi et surtout des valeurs qui garantissent l’intégrité indispensable pour atteindre les résultats à la hauteur des attentes”, a précisé le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme.
En tout cas, aux dires du ministre Malick Coulibaly, les résultats du Mali en matière de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite ne sont pas glorieux. “Ne nous voilons pas la face. En dépit des efforts déployés, notre pays reste encore envahi par la corruption et l’enrichissement illicite. Aucun domaine de sa vie économique, sociale, politique et culturelle n’échappe au phénomène. Le danger est une réalité. Au-delà de tout classement de quelque institut que ce soit, vous vous devrez une vigilance de tous les instants et être à l’avant-garde du combat. Votre engagement et votre réaction, vous les magistrats, doivent être proportionnels à la gravité du phénomène pour qu’ensemble, nous disions “non à la corruption et à l’enrichissement illicite, au blanchiment de capitaux et aux autres infractions assimilées”.
Les valeurs d’indépendance, d’intégrité et d’impartialité contenues dans le code de déontologie des magistrats sont plus que jamais d’actualité”.
Le thème sur le rôle des magistrats dans la lutte contre la corruption a été développé par Mohamed Sidda Dicko, Inspecteur en chef des Services judiciaires de l’Oclei.
El Hadj A.B. HAIDARA
Source: Aujourdhui-Mali