« A quelques-uns l’arrogance tient lieu de grandeur ; l’inhumanité de fermeté ; et la fourberie, d’esprit», Jean de La Bruyère.
Le Président de la commission de défense à l’Assemblée nationale rencontre les chefs d’états-majors des armées de terre, air et le Directeur général de la gendarmerie nationale… cela n’a peut-être aucun lien avec la situation politique et sécuritaire dans laquelle le pays suffoque.
Mais, dans un contexte où le syndicat national de la police menace d’organiser une marche de protestation ; au moment où déjouant toutes les manipulations et les intrigues de sous-préfecture du Gouvernement, l’opposition fait son unité et projette une marche nationale de protestation contre : les atteintes répétées aux libertés publiques dans le pays ; la prorogation illégale du mandat des députés ; la partition annoncée du pays ; le découpage qui déstabilise le pays ; la violence policière, toutes les interrogations sont permises.
Les Maliens ont eu honte de leur pays, ce 16 novembre, le pouvoir anesthésié par l’ampleur des défis, manque de solution politique. La classe politique n’a pas favorablement répondu à l’agitation du Premier ministre qui manque cruellement de relais politique. Plus personne ne semble vouloir se mouiller. Alors, la répression semble être envisagée comme la solution à tout.
Le 16 novembre, c’était la deuxième fois que le gouvernement Soumeylou Boubeye Maiga, réprime les manifestations de l’opposition. La première fois ce fut le 2 juin 2018, lorsque des milliers de Maliens ont été empêchés de marcher pour protester contre la mainmise du pouvoir sur l’ORTM, contre les coupures d’électricité, le manque d’eau… pour revendiquer la transparence des élections.
Ce 16 novembre 2018, la répression avait l’allure d’une vengeance personnelle, qui explique la violence des attaques contre des leaders de l’opposition dont un député de Niono.
L’opposition suite à cette attitude entend porter plainte devant la justice, user de son droit d’interpellation du Gouvernement devant l’Assemblée Nationale et organiser une grande marche populaire prévue le 4 décembre [NDRL : une marche reportée au 8 décembre]. C’est peu dire que le climat n’est pas à l’apaisement ou pour reprendre la découverte de l’auteur du mandat volé, le climat n’est plus à la main tendue.
Pendant ce temps la violence ne faiblit pas dans le reste du pays. Au nord où, des groupes signataires de l’Accord d’Alger continuent de fournir des combattants aux groupes terroristes, les assassinats parmi les populations civiles et des militaires au quotidien, les conflits intercommunautaires alimentent les chroniques les plus macabres.
Quant au Centre du pays, il est devenu « l’épicentre » de toutes les violences selon un rapport d’enquête du Fidh et de l’Amdh. Les violences intercommunautaires qu’on a laissé prospérer pour des raisons électoralistes auraient couté aux populations 500 victimes entre janvier et Aout 2018, 12000 civils tués, une cinquantaine de villages brulés en deux ans. Selon les auteurs du rapport, au moins 300 000 personnes déplacées fuyant les persécutions et les violences.
Le centre est devenu, le concentré de la faillite devant de la gouvernance IBK qui pour se rassurer qu’il reste encore commande, bande les muscles devant une opposition démocratique réunie pacifiquement. Cette dérive fait courir au pays tous les risques d’une spirale dangereuse. Car, le déni de droit est pire que l’injustice, il détruit l’âme citoyenne, détruit la société et sème la violence. Plus, l’absence de l’Etat perdure, plus la colère du Mali contre le pouvoir IBK est manifeste dans tous les actes des citoyens au quotidien. L’Etat, totalement assiégé par une gestion familiale, a perdu sa force républicaine et fait face à des révoltes populaires de plus en plus incisives.
Aussi, la violence d’Etat en cours va-t-elle davantage conduire le pays dans un cul-de-sac, d’autant plus que toutes les institutions publiques sont devenues des coquilles vides intellectuellement et moralement corrompues. La tentative de prorogation du mandat des députés en est l’illustration la plus achevée. La Cour constitutionnelle et l’Assemblée nationale ont perdu le peu de crédibilité qui aurait pu leur être concédée.
Le signe de l’affaissement institutionnel du pays est révélé également par la vacance des partis de la majorité présidentielle du champ de la production d’idées. Après le fiasco de la répression de la marche de l’opposition du 2 juin dernier, devant la désapprobation générale, ce sont des prétendues associations qui ont voulu redorer l’image écornée du pouvoir, ce fut l’échec total. Le RPM et l’ADEMA/PASJ auraient mérité de la démocratie malienne, en se désolidarisant du kyste primatorial, devenu un danger pour ce qui reste encore de notre démocratie.
Mais, plus qu’au cours du mandat passé, la majorité dite présidentielle ne semble être qu’un décor figé qui ne sert plus à rien, à sa décharge comment défendre un pouvoir politiquement dont l’essence est familiale. Les Maliens ont compris que les équilibres internes du régime sont rompus au regard du silence assourdissant des premiers responsables des partis majeurs de la coalition présidentielle. Le RPM et l’ADEMA/PASJ, totalement absents de la scène politique, est le signe évident de l’échec du cabinet politique, de l’échec de tous les leaders politique au sein du Gouvernement.
Promesse de déstabilisation du pays
Le champ du recours théâtral du Pouvoir de fait aux chefs traditionnels, notabilités de quartiers de Bamako, aux leaders religieux sérieusement malmenés hier par le mouvement populaire s’amenuise comme un pot de chagrin.
Dans ce contexte, il faut que l’on arrête de tenter le diable ! Le constat est que cinq ans après le régime laisse découvrir une véritable conjuration hétéroclite sans audience et sans autorité qu’on appelle encore au Mali, « Etat » que le peuple n’écoute plus, ne respecte plus, et ne manque aucune occasion pour lui administrer une gifle.
Les différents rapports mêmes édulcorés sortis des récentes fausses concertations régionales en donnent la preuve. Dans toutes les régions les populations ont largement rejeté les schémas proposés par le ministre de l’administration territorial, et ont proposé en lieu et place de schémas issus de vieux antagonismes ancestraux. Un danger que tout observateur peu crédule pouvait prévoir dans la démarche forcée de celui qui décidément s’affirme de plus en plus en porte-parole de fait des groupes armés dans le gouvernement.
Il y avait longtemps que faute de vision et de programme, le pouvoir IBK, n’a eu de cesse de faire la promotion des porte-paroles ethniques, ceux-ci trouvent désormais un terreau fertile dans le découpage territorial en cours. Mal inspiré, celui-ci est devenu une promesse de déstabilisation du pays.
Devant tant de handicaps, le bon sens commande le dialogue national franc et loyal, à l’exclusion de petites ruses. Encore faudrait-il y parvenir, la cherche effrénée à isoler Soumaïla Cissé, Mountaga Tall, Oumar Mariko etc., n’apporte aucune réponse à la situation du Mali.
La voie de la répression ouverte par le Premier ministre, et les forces sur lesquelles, il s’appuie constitue la plus grave dérive du pouvoir. Elle met davantage en péril la sécurité nationale et la paix civile. Il n’est plus possible pour personne de fermer les yeux sur les décisions anticonstitutionnelles, et/ou inappropriées prises par un pouvoir de fait, et qui mettent en péril l’État lui-même.
Le pouvoir IBK est tellement englué dans ses propres contradictions et insuffisances…qu’il ne voit plus rien au-delà de sa statue d’arrogance ou de cruauté face à une opposition pacifique. Il est temps de sortir des mesquineries et autres petits calculs d’épiciers politiques pour prendre à bras le corps la question de la paix et de la réconciliation nationale suivant en cela l’opinion et l’angle que les Maliens se seront donnés pour aborder ce processus.
Souleymane Koné
Ancien ambassadeur
L’ Aube