À Kidal, à l’extrême nord du Mali, le drapeau malien flotte encore sur la ville, pas très loin de celui de la région de l’Azawad, cher aux séparatistes du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et du HCA (Haut conseil pour l’unité). Les soldats de Barkhane ont quitté les lieux, fin décembre dernier. Quelques rares officiers français du renseignement sont encore sur place parmi les 1 200 soldats de la Minusma (ONU) sans véritable mandat contre les terroristes.
Les Français partent, les jihadistes reviennent
Pour l’instant, des patrouilles mixtes composées d’un bataillon de soldats maliens et de combattants du MNLA continuent de coopérer tant bien que mal pour assurer un semblant d’unité et de sécurité. Mais jusqu’à quand ? « Tout est en ordre à Kidal, nous n’avons pas peur des jihadistes », claironne Asseda Ag Saghid, chef opérationnel des patrouilles mixtes. Un optimisme de façade alors que « les terroristes ont déjà repris le terrain là où les militaires français l’ont laissé », constate le commandant Olivier (nom modifié), qui a participé à l’opération Bourrasque, en octobre dernier. « Un franc succès. On avait réussi a nettoyé la zone de Menaka jusqu’à la frontière nigérienne, là où sévit l’EIGS (État islamique dans le Grand Sahara). Malheureusement, les terroristes sont revenus en quinze jours dès qu’on est parti. » En effet, l’armée malienne a récemment essuyé de lourdes défaites dans cette région, laissant à nouveau craindre le pire : une déferlante des terroristes sur Bamako.
Au Mali, la méthode russe inquiète
Jusqu’à maintenant, le chef de la junte au pouvoir, Assimi Goïta comptait sur le soutien des 500 mercenaires russes dispersés entre la frontière mauritanienne, Tombouctou et Sévaré, au centre. Mais leur image serait déjà écornée par un récent rapport de l’Onu les accusant implicitement, avec les soldats maliens, du massacre de 35 civils, le 2 mars dernier, à la frontière mauritanienne, au grand dam de Nouakchott.
Cette éventuelle première bavure, taxée de pures « allégations » par l’état-major malien, inquiète les populations du Nord qui craignent de nouvelles exactions interethniques, comme au temps de la dictature Traoré des années 80. « On est en alerte maximale, on veillera, on les attend », prévient Hassan Fagaga, chef fondateur du MNLA et président de l’autorité intérimaire de Kidal, où l’on reparle à nouveau « de fédération et d’autonomie ».
Face à une nouvelle menace d’implosion du Mali, comme en 2012, avant l’intervention militaire franco-africaine de Serval, l’ancien Premier ministre malien Moussa Mara (2014-15) invite séparatistes et État malien à se remettre autour d’une table pour faire respecter l’accord de paix d’Alger (2015) qui « garantissait l’unité du pays ». « Certes, les Français font leurs valises. Certes, les mercenaires russes sont là. Mais on ne peut plus revenir en arrière. On s’est jeté à l’eau. Alors, maintenant, il faut avancer entre nous et combattre ensemble l’ennemi commun ». Un vœu pieu dans ce Mali tourmenté où les nationalismes exacerbés, au nord comme au sud, donnent l’impression d’un pays, aujourd’hui, difficilement réconciliable.