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Le coronavirus interdit de visite dans la plus grande prison du Mali

C’est loin d’être leur première préoccupation. Mais pour ceux qui s’accrochent aux barreaux de cette prison de Bamako, le coronavirus est devenu une réalité quotidienne avec laquelle il faut compter. La maison centrale d’arrêt de Bamako, plus grande prison du Mali, s’est organisée dès le début pour empêcher la pandémie de franchir ses hauts murs. Avec succès jusqu’à présent, malgré la surpopulation, malgré la promiscuité et malgré des gestes barrières difficiles à faire appliquer par ses plus de 2 000 détenus.

Construit en plein centre de la capitale sous la colonisation française en 1951, l’établissement est une ville dans la ville. Si certains détenus – dont quelque 350 suspectés de jihadisme – sont gardés derrière d’épais barreaux, d’autres sirotent le thé dans de larges cours. La vie y est bruyante et animée, chacun s’apostrophe dans un désordre apparent où chaque chose a sa place : à droite, la cuisine où d’immenses marmites laissent échapper le fumet du déjeuner, à gauche, le vendeur de cigarettes. Là, le coiffeur, plus loin, des détenus refont le monde (et le Mali), séparés par une grille.

A priori, la prison réunissait les conditions idéales pour une propagation rapide du virus, d’autant que la capitale concentre la majorité des quelque 2 500 cas de coronavirus officiellement recensés (pour plus de 120 morts) dans cet immense pays sahélien confronté à la pauvreté, à la guerre depuis 2012 et, depuis juin, à une profonde crise politique. « Dès le début de la pandémie, on a tout fait pour qu’elle n’entre pas ici », explique le colonel Adama Guindo, régisseur de la maison d’arrêt, un masque couvrant le bas de son visage. Mi-juillet, quatre mois après l’apparition du coronavirus au Mali, aucun cas n’avait été détecté parmi les prisonniers, selon les responsables de l’établissement. « On est au beau milieu du fleuve, on ne peut pas crier victoire tant qu’on n’a pas atteint l’autre rive ! » tempère Adama Guindo.

Surpopulation carcérale

Pour les visiteurs, dont le nombre a été réduit, la prise de température et le lavage des mains sont devenus des passages obligés, après les traditionnels contrôles de sécurité. Environ 600 détenus ont été transférés vers une prison en proche banlieue, pourtant toujours en construction, et d’autres ont bénéficié d’une grâce présidentielle pour désengorger la maison d’arrêt. Mais ils sont encore 2 100 prisonniers dans un établissement conçu pour en accueillir 400. Les cellules, de vastes pièces aux murs salis par les années, abritent des dizaines de détenus, parfois des centaines, selon l’un d’eux, qui affirme vivre avec 300 personnes entassées les unes sur les autres. Certains sont là depuis des mois, d’autres des années. L’immense majorité n’a pas été jugée ; 160 seulement ont été condamnés, moins de 10 % des détenus, « une catastrophe », selon le régisseur de la prison. Tous les jours, de nouveaux arrivants franchissent les murs, chacun pouvant apporter avec lui la maladie. Mais jusqu’à présent, il y a « seulement eu des cas suspects, envoyés au centre de santé » du quartier et revenus négatifs, explique Mahamadou Diarra, un des deux médecins de la prison.

Celle qui attend

Comment l’expliquer ? Toutes les personnes interrogées invoquent les mesures prises très tôt par les autorités. Au Mali, contrairement à certains de ses voisins, le coronavirus n’a que peu prospéré sur le terreau pourtant fertile de la promiscuité sociale, de la pauvreté et de la difficile prise en charge médicale.

Dès le début de la pandémie, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a appuyé le centre de couture de la maison d’arrêt, qui s’est lancé dans la fabrication de masques. « D’habitude, on produit de tout pour tout le monde, des pantalons, des chemises ; mais maintenant, les masques sont devenus une priorité », explique Chiaka, la vingtaine, détenu et apprenti couturier.

Les masques, environ 500 par semaine, sont rachetés par le CICR, qui les redistribue dans la prison. L’ONG a également offert des kits de lavage des mains, disposés un peu partout dans la maison d’arrêt. Devant l’entrée de l’infirmerie, une douzaine de détenus discutent sous un arbre. On trouve de tout dans les petits commerces improvisés de cette cour… Un tatouage ? Va pour un pistolet dessiné d’un trait sur l’avant-bras, ou le prénom de la femme qui attend au dehors sur le biceps qu’on arbore fièrement devant les visiteurs du jour. En dehors du personnel pénitentiaire, très peu de masques sont portés ici. Mais « si le contrôle continue de façon dynamique on a toutes les chances d’être épargnés », veut croire le régisseur.

Amaury HAUCHARD/AFP

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