Au Mali, cela fait tout juste deux semaines que l’Ivoirien Sess Soukou Mohamed, dit Ben Souk, est emprisonné. L’ancien député, proche de Guillaume Soro, a été interpellé le 10 août dernier, dans le cadre du mandat d’arrêt international lancé à son encontre par la justice de son pays. Son avocat juge pourtant la procédure irrégulière, il a déposé un recours pour exiger sa libération.
Ses proches avaient d’abord cru à un enlèvement, Ben Souk ayant été interpellé en pleine rue par des hommes encagoulés. Un communiqué publié le lendemain par le procureur de la Commune 4 de Bamako clarifie les choses : ce sont des gendarmes qui ont arrêté l’ancien député ivoirien. Comme d’autres membres de son parti, le GPS, il est accusé par la justice ivoirienne d’« actes subversifs » et fait depuis novembre 2020 l’objet d’un mandat d’arrêt international.
« Persécution à caractère politique », selon son avocat
Mais deux semaines plus tard, son avocat, Maître Kalifo Yaro, juge toujours la procédure « illégale ». Il ne conteste pas l’existence du mandat d’arrêt international visant son client, ni la légitimité d’une procédure d’extradition. Mais il estime que son interpellation musclée par des hommes encagoulés, et sa détention actuelle, ne se justifient pas.
« Les autorités judiciaires savaient qu’il résidait au Mali depuis plus d’un an et savaient où il habitait. Est-ce que nous avons besoin, dans ces conditions, d’aller l’intercepter par des hommes cagoulés. Un mandat d’arrêt international se fait dans le cadre d’une procédure régulière ! », s’insurge le conseil de l’Ivoirien, qui affirme que son client « fait l’objet d’une persécution à caractère politique. C’est un homme politique qui a fui son pays pour des raisons politiques. Au Mali ici, il n’y aucun acte qu’il a commis qui puisse motivé son enlèvement et sa détention. »
Ben Souk est actuellement détenu dans les locaux de la gendarmerie, à Bamako, où son avocat a finalement pu lui rendre visite à deux reprises. Mais Maître Kalifo Yaro, qui a déposé un recours exigeant sa « libération immédiate », n’a toujours pas accès au dossier de son client. « Jusqu’à présent, je suis le seul avocat constitué dans le dossier, mais je n’ai pas eu accès à ce dossier. Donc c’est une instruction qui est menée peut-être de façon partiale et ne garantit pas le droit à la défense », estime-t-il.
Une source judiciaire proche du dossier justifie : selon les textes, le juge n’a obligation de communiquer le dossier à la défense qu’une fois la date de l’interrogatoire fixé. En attendant, l’enquête préliminaire suit son cours.
Un échange de bon procédés ?
Ben Souk est un ancien député ivoirien du parti de Guillaume Soro, adversaire du président Ouattara, dont de nombreux membres ont été arrêtés voire condamnés ces derniers mois pour « tentative d’atteinte à la sûreté de l’État » ou « complot ».
L’arrestation de Ben Souk, marié à une Malienne et qui résidait donc au Mali, est-elle un moyen pour Bamako de réchauffer ses relations avec le voisin ivoirien, mises à mal par le coup d’État militaire d’août 2020 ? D’obtenir, par échange de bons procédés, l’extradition de Karim Keita, fils de l’ancien président IBK réfugié à Abidjan et réclamé par la justice malienne sur un autre dossier ? Certains observateurs s’interrogent, Maître Kalifa Yaro reste prudent.
« Allez savoir ! Je ne sais pas moi. Ces derniers temps, des mandats d’arrêts sont émis comme ça. Je suis avocat, je suis lié à la loi, je n’ai pas besoin de savoir ce qu’il se passe entre M. Ouattara et la junte militaire au pouvoir au Mali, cela ne me regarde pas. Nous, nous contestons la détention. »
En dépit de ces interrogations, rien ne permet de lier les autorités politiques maliennes à cette procédure judiciaire.