Comme c’est souvent le cas ces derniers temps, notre manchette de la semaine dernière (POUR MME KONTÉ FATOUMATA DOUMBIA, FEMME LEADER POLITIQUE : L’Adéma a le choix d’aligner un candidat à la prochaine présidentielle ou disparaître de la scène politique/Le Matin N°573 du mercredi 31 mai 2023) nous a valu des échanges passionnés et très enrichissants sur l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ). Ils sont nombreux ces militants et cadres qui misaient sur «La Ruche» et qui ont pris leur distance par dépit. Mais, on sent encore qu’ils nourrissent le secret espoir de voir l’alliance rebondir sur la scène politique comme la locomotive de la démocratie qu’elle a été dans les années 90-2000.
Votre UNE pose effectivement le problème existentiel de ce parti qui, après avoir gouverné le pays pendant dix ans, s’est finalement retrouvé sans cap précis ou trop calculateur…», attaque un professeur d’université en commentant la Une de «Le Matin N°573» du mercredi 31 mai 2023 ! «Franchement, l’Adema est décevant. Ce parti aurait pu être comme l’ANC (African National Congress ou le Congrès national africain de Nelson Mandela et compagnie) en Afrique du Sud. Hélas», lâche un chroniqueur politique indépendant (nous avons volontairement décidé d’omettre les noms de nos interlocuteurs parce que les échanges étaient informels). «La jeunesse est tombée dans le sillage de certains de leurs leaders.
Et ceux qui sont aux affaires, sont trop ambitieux, mais ils pensent à eux-mêmes d’abord avant le parti», enchaîne-t-il. En effet, du temps du président Alpha Oumar Konaré, on avait repéré un certains nombre de jeunes cadres, très engagés et très brillants avec des convictions fortes et assumées. Ils suscitaient alors l’espoir d’un lendemain réjouissant. Mais, finalement, «ils se sont noyés dans la mare de ces cadres qui ne font la politique que pour occuper des postes», constate amèrement un interlocuteur sur WhatsApp. Et d’ajouter, «certains diront que le choix politique opéré par la Direction du parti (suivisme) ne leur laissait d’autres options que de vendre leurs âmes au diable. Le drame de la démocratie malienne est que les jeunes suivent des mentors (qui ne pensent qu’à leur carrière, donc à leur promotion) au lieu de s’imprégner d’une idéologie et de se battre pour leurs convictions».
Et au finish, déplore-t-il, «ils développent les mêmes réflexes, les mêmes complexes que la vieille garde dont la cupidité et l’avidité empêchent le parti de s’épanouir et jouer pleinement son rôle de catalyseur de la démocratie». «Les Maliens sont fatigués, mais tout le problème vient de vous les dirigeants et cadres de l’Adéma…», a dénoncé le militant Adama Konaté le 25 mai 2023 lors de la conférence-débat organisée pour célébrée les 32 ans de l’Adéma-Pasj. Une opportunité que certains militants ont saisi pour cracher leurs «4 vérités» aux responsables et cadres de «La Ruche» en leur rappelant leur part de responsabilité dans la galère actuelle des Maliens. «Vous devez avoir le courage de dire la vérité aux jeunes officiers par rapport à la gouvernance du pays, au calvaire du peuple… Tout le monde a aujourd’hui les yeux braqués sur l’Adéma. Mais, vousvous taisez en espérant sur d’hypothétiques postes ministériels, des fonctions de Directeur général et pour finalement vendre son âme au diable», a ajouté M. Konaté dont la position rejoint celui de nos interlocuteurs sur les réseaux sociaux et dans certains salons feutrés de Bamako.
Pour notre chroniqueur politique indépendant, «Alpha Oumar Konaré a commis une grosse erreur politique en passant le témoin à Amadou Toumani Touré (ATT, paix à son âme) en oubliant que le pouvoir doit se conquérir et qu’il ne s’offre pas ! D’ailleurs ATT voulait à son tour passer la main à feu Soumi (Soumaïla Cissé) aux dépens de l’ADEMA. Le coup d’Etat de Sanogo (Le Capitaine Amadou Haya Sanogo a renversé le président ATT le 22 mars 2012) a tout foiré. Et cela a finalement profité à Ibrahim Boubacar Kéita dit IBK (paix à son âme)». Depuis la fin du régime d’Alpha Oumar Konaré, c’est comme si «La Ruche» avait volontairement choisi de ne pas contrarier les régimes en place. Pour quelle raison ? Allez-y savoir. Après la prise du pouvoir par feu ATT en 2002, à la question de savoir pourquoi l’Adéma n’opte-telle pas pour l’opposition afin de renforcer le jeu démocratique ?
Le président du parti à époque avait répondu qu’ils n’avaient d’autres choix que de suivre le «Général président» s’ils ne veulent pas se retrouver en prison. Autrement, quand on a le pantalon troué, il faut éviter de grimper sur l’arbre de la place publique si l’on ne veut pas être humilié. Cette frilosité a considérablement affaibli l’Adema qui va progressivement perdre du terrain face à ses enfants nés par césarienne (l’URD et le RPM) qui vont rogner sa base. Le choix de la candidature a toujours divisé au sein de l’Alliance. Et ceux qui n’ont pas voulu se soumettre au diktat du directoire ont été poussés vers la sortie.
Ce fut le cas par exemple du regretté Soumeylou Boubèye Maïga en 2007. «Les jeunes déçoivent beaucoup par leur manque de conviction politique. Mais, nous pouvons miser sur les Femmes pour redorer le blason de ce parti. Avec des Dames de fer de la trempe de Mme Sy Kadiatou Sow, Mme Konté Fatoumata Doumbia, Mme Alwata Ichata Sahi, Mme Katilé Adiaratou Sène, Mme Djilla Aïssata Diallo, Mme Sidibé Mariam Coulibaly, Mme Diarrah Assa Sylla, Mme Cissé Zeïnaba Haïdara… Si les militants acceptent réellement de faire confiance à ces Dames aux différents niveau de responsabilité, je suis convaincu qu’elles peuvent énormément contribuer à remettre sur les rails la vieille locomotive de la démocratie qu’est l’Adéma», souligne un politologue. Naturellement que nos interlocuteurs sont inquiets à l’approche de la prochaine présidentielle. «A ce rythme, l’Adéma mettra du temps à reconquérir la présidence du pays», souligne le chroniqueur politique. «Ils auront du mal à avoir le pouvoir. A moins de miser sur un candidat qui fait l’unanimité au sein du parti.
Et ce candidat, ils n’en ont pas pour le moment», ajoute-t-il. Quid d’un candidat neutre qui n’est pas membre de l’Adema ! «Le parti pourra aligner un candidat consensuel pour sauver les meubles au premier tour. Si ce dernier est recalé, il pourra alors aisément se positionner derrière celui en qui ses dirigeants croient le plus au second tour et qui accepte surtout de tenir compte de son projet de société s’il est élu», conseille notre politologue. Franchement, nous pensons que c’est l’une des meilleures options, sinon si l’option la plus crédible, si les dirigeants de l’Adéma veulent éviter une nouvelle implosion ou une nouvelle césarienne comme celles qui ont abouti à la naissance du MIRIA, du RPM, de l’URD et l’ASMA-CFP !
Moussa Bolly
Source: Journal Le Matin- Mali