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La nécessité pour le Tchad de trouver un équilibre entre la puissance militaire et l’influence diplomatique (3/4)

Dans une perspective diplomatique, il apparaît que le Tchad déploie un important lobbying pour s’affirmer, non seulement comme interlocuteur de référence en Afrique, mais aussi pour positionner ses ressortissants dans les organisations régionales et internationales. Cependant, le pays peine à convertir sa renommée militaire en puissance diplomatique.

Cet activisme s’accompagne par quelques initiatives nobles telles la « remise à flot[1]» de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) entrée en hibernation depuis la chute de son inspirateur, le guide libyen Mouammar Kadhafi en 2011, ou encore par l’occupation de postes stratégiques, entre autres, le siège de Commissaire de l’Union africaine pour le commerce et le fauteuil de Secrétaire général de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) obtenus en 2013. L’élection au Conseil de sécurité des Nations Unies, tout comme la désignation au Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine en 2014, ainsi que l’obtention de la charge de président de la Commission de l’Union africaine en 2017 traduisant elles aussi l’ambition du Tchad de s’élever au rang de puissance régionale, voire continentale. Cependant, l’incapacité à convaincre pour décrocher la direction du commandement opérationnel de la MINUSMA et surtout l’échec subi par le ministre tchadien des Finances et du Budget Kordje Bedoumra face à Akinwumi Adesina le candidat nigérian lors de l’élection à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD) en septembre 2015, témoignent, au regard des tractations observées pendant le vote, de la difficulté qu’éprouve le Tchad à convertir sa notoriété internationale gagnée « au bout du fusil » en aura diplomatique[2]. En effet, ni le Cameroun, ni le Mali et encore moins la France, l’alliée stratégique, ne votent pour le candidat tchadien à cette élection. Alors que dans le même temps, le Tchad intervenait militairement au Cameroun et au Mali. En réalité, hormis ses compétences militaires, le Tchad a du mal à faire valoir d’autres atouts capables de lui permettre de briller sur la scène africaine. Une réputation régionale qui suscite la défiance Par ailleurs, le Tchad peine à polir une image fortement écornée en raison de son rôle présupposé dans la déstabilisation de la Centrafrique depuis les années 1980 et du fait des manigances fomentées avec différentes factions rebelles pendant la crise du Darfour[3]. Cette exportation de la violence, qui peut être soit le fait des autorités légales soit le résultat des manœuvres des groupes armés instrumentalisés ou en rupture avec le pouvoir de N’Djamena, donne au Tchad l’image d’un pays potentiellement dangereux pour ses voisins. Ainsi, l’intervention tchadienne au Cameroun, pourtant consentie et réclamée par le Président Paul Biya, fait malgré tout l’objet de suspicions au sein de l’opinion qui soupçonne le Tchad de nourrir des desseins inavoués[4]. Suivant la même logique, les organisations de la société civile nigériane comme Every Nigerian Do Something (ENDS) ou Bring Back Our Girls (BBOG) soutient que les autorités tchadiennes sont complices de Boko Haram. Des soupçons de collusion se fondant principalement sur la proximité entre Idriss Deby et certaines personnalités, certes controversées, mais ayant pignon sur rue au Tchad. Parmi les personnalités décriées, il y a tout d’abord Mahamat Bichara Gnoti, un proche d’Idriss Deby arrêté au Soudan avec des missiles anti aériens, Ali Modu Sheriff, l’ancien gouverneur du Borno (Nigéria) de 2003 à 2011 désormais installé à N’Djamena, mais qui par le passé s’était servi de Boko Haram pour écarter ses rivaux et gagner les élections régionales[5]. À l’international, l’image du Tchad ne change pas Cette image ambivalente du Tchad semble également être à l’origine du décret migratoire du gouvernement américain de septembre 2017 qui interdit aux ressortissants tchadiens l’accès au territoire des États-Unis avec pour motif que le Tchad « ne partage pas de manière adéquate les informations concernant la sécurité du public et le terrorisme »[6]. En conséquence, il lui sera demandé de se conformer dans un délai de cinquante jours aux critères édictés par Washington en matière de coopération sécuritaire. La levée de ce décret d’interdiction qui survient quelques mois plus tard en avril 2018, bien qu’assortie du satisfecit des autorités américaines relatives aux « progrès significatifs »[7]réalisés par le Tchad pour mettre ses normes de sécurité au niveau exigé par les services américains, ne manque pas de jeter le discrédit sur l’image du pays que les autorités tentent pourtant d’améliorer à travers leur engagement dans la lutte contre le terrorisme. Hissein Brahim Taha, le ministre tchadien des Affaires étrangères, a exprimé par la suite la position des autorités tchadiennes, « On accuse la présence de Boko Haram, d’AQMI, de Daech… nous réfutons ces thèses, c’est inacceptable, c’est même révoltant (…) Tout le monde sait notre engagement dans la lutte contre ces mouvements, qui ne sont pas au Tchad. Alors, nous mettre avec la Corée du Nord et le Venezuela, c’est quand même révoltant. J’espère que nos amis américains s’en rendront compte et retireront le Tchad de cette liste »[8]. Quoi qu’il en soit, le Tchad demeure un partenaire privilégié pour le contre-terrorisme en Afrique globalement et au Sahel en particulier, mais sa participation au sein de la Force Conjointe du G5 Sahel risque d’accentuer ses imperfections si certaines mesures de gouvernance ne sont pas préalablement envisagées. Les auteurs Stéphane Bertrand Andenga est analyste au sein du 2r3s (Réseau de Réflexion Stratégique sur la Sécurité au Sahel) et doctorant à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC). David Vigneron est Secrétaire général du 2r3s (Réseau de Réflexion Stratégique sur la Sécurité au Sahel) et docteur en géographie. Ezept Valmo Kimitene est expert associé au 2r3s (Réseau de Réflexion Stratégique sur la Sécurité au Sahel) et docteur en géographie.

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