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La France et nous… : Seydou Traoré dit tout !

Ancien ministre de l’Agriculture pendant le premier quinquennat d’ATT, Seydou Traoré, plus connu sous le nom de sobriquet de « Seydou criquet », est comme vous allez vous en rendre compte à travers ces lignes, un cadre technique et politique très structuré et très cohérent. Ces propos que nous avons transcrits, il les a tenus lors d’un débat sur « Afriquemediatv », sur le rapport assez houleux entre les autorités transitoires maliennes et la France.

 

La pierre roule vers un changement total et mon illustre prédécesseur vient de faire une analyse qui manque à mon avis de perspective géostratégique et géopolitique. Je m’explique : Modibo Keïta, premier président du Mali, a été évincé par Moussa Traoré parce qu’il s’est opposé à l’Accord monétaire néocolonial du franc CFA. Il avait créé un franc malien. Moussa Traoré a été instrumentalisé pour faire le coup d’état. Lui-même, Moussa Traoré, qui n’avait pas touché à l’Accord de Défense, est resté avec une dynamique avec l’Union Soviétique et avec le même Bah N’Daw comme un des ouvriers de cet Accord de défense avec l’Union Soviétique.

La France qui est jalouse de cet Accord de Défense néocolonial a fait partir justement Moussa Traoré. Ensuite, vient ce qu’on a appelé l’ère démocratique avec Alpha Omar Konaré par une conjonction très orchestrée de la rébellion au Nord du Mali et du mouvement démocratique à Bamako au sud du Mali.

Moussa Traoré a été chassé du pouvoir parce que, malgré tout, il tenait à une coopération avec l’Union Soviétique.  Et cela, s’est conclu par la signature de ce qu’on appelle le Pacte national en 1991. Je veux dire à mon illustre prédécesseur de lire le Pacte national du Mali de 1991 qu’Alpha Omar a signé qui faisait obligation au Mali de démilitariser le septentrion malien pendant dix ans. Et, pendant dix ans, Alpha Omar Konaré a signé l’acceptation de ne pas déployer de militaire dans le septentrion malien. Cela a été la période où se sont développées toutes sortes de trafic d’armes, de drogue et d’actes de consolidation de rébellion.

Alpha Omar a été d’une naïveté extrême en détruisant l’arsenal militaire d’origine soviétique !

Alpha Omar Konaré, dans un souci très naïf de paix et de développement, a détruit l’arsenal militaire de la défense militaire dont l’Union Soviétique avait doté le Mali. Le Mali avait des MIC-21 que la sous-région n’avait pas avec des missiles sol-air. Tout a été détruit à l’époque d’Alpha Omar Konaré. Je suis du parti d’Alpha Omar Konaré, de l’ADEMA-PASJ, nous avons été d’une naïveté extrême et voilà les conditions qui ont favorisé l’implantation de la rébellion au Nord du Mali.

Amadou Toumani Touré quand il est venu au pouvoir, en tant que général, avait trouvé une armée déjà sous équipée.

En 2009 pour faire court, Nicolas Sarkozy qui cherchait sa réélection en 2012, en France, a envoyé un de ses conseillers spéciaux à Koulouba pour demander à ATT trois choses : premièrement l’accord de réadmission pour chasser les immigrés maliens et satisfaire à l’extrême droite. Deuxièmement l’implantation d’une unité militaire au nord du Mali pour dire aux Français nous assurons votre sécurité depuis le Sahel. Et troisièmement le rappel des jeunes touaregs maliens de Kidal qui étaient la garde prétorienne de Kadhafi. ATT a opposé à ses trois requêtes trois non. Le conseiller spécial en quittant Koulouba a dit : nous en tiendrons compte dans nos relations futures.

En 2010, il y a eu toute une campagne médiatique contre ATT, l’accusant de trafiquant de drogue, l’accusant qu’il est en collusion avec la rébellion du nord.

En novembre 2011, il circulait partout en Afrique et dans le reste du monde une carte du Mali divisé en deux, l’Azawad au nord et le Mali au sud.

En janvier 2012, la rébellion éclate.

En 2013, le Plan Requin qui avait été préparé par Nicolas Sarkozy en 2009 pour être déployé, est rebaptisé Opération Serval par Hollande et déployé au Mali avec la bénédiction de Dioncounda Traoré, président de la Transition, président de l’Adema, membre de l’International socialiste comme Hollande et comme Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU.

Voilà comment le Mali a été vendu en 2013 à la France et depuis, les jeunes de l’Azawad qui avaient pris le temps de s’implanter au niveau des organisations internationales des Nations-Unies comme peuple en voie de disparition, ont bénéficié de l’appui du Quai d’Orsay, piloté par Alain Juppé à l’époque et aujourd’hui le funeste Le Drian, pour conduire la rébellion au niveau de l’Azawad.

Le funeste Le Drian qui, il y a à peine six mois lorsque la France a été battue par la Syrie et l’Union Soviétique, annonçait qu’il y aurait un axe de terroristes de Damas au Sahel.

Qui va faire le transport des terroristes de Damas au Sahel si ce n’est pas la France ?

Aujourd’hui la France n’a accepté sur son sol que les mineurs, les enfants des terroristes qui sont hors de jugements, tout le reste a été transporté dans le sahel.

Le centre du Mali, la région de Mopti, est caractérisé par une stabilité et une intégration sociale à nulle pareille entre peuls et dogons. C’est la France qui a créé la distanciation avec ces djihadistes. Ils vont tuer les peuls avec quelques-uns qui parlent dogon, ils vont tuer les dogons avec quelques-uns qui parlent peul et le feu a pris. Et comme Dieu ne dort pas comme on le dit chez nous, un mercenaire français a été pris la main dans le sac en Centrafrique avec des armes de guerre, avec des dollars, des euros, du viagra…La France n’en a plus fait mot, la presse malienne non plus et c’est honteux. Aujourd’hui, des jeunes militaires patriotes Assimi Goïta, Malick N’Diaw, Sadio Camara, Modibo Koné, ont pris leurs responsabilités pour dénoncer l’accord colonial de défense en voulant diversifier le partenariat avec l’Union Soviétique. J’ai été le seul, le premier au Mali à dire que le choix de Moctar Ouane comme Premier ministre est l’un des plus mauvais. J’étais ministre avec lui sous ATT, c’est un francophile assumé. Bah N’Daw est complexé par son statut et sa posture et c’est Moctar Ouane qui l’a emmené de son sillage de la France.

Aujourd’hui, ces jeunes colonels ont dit non. Ils ont dénoncé l’Accord de défense. Voilà pourquoi on veut les punir et punir le Mali. Si je rejoins cette lutte aujourd’hui, c’est justement parce que les vrais problèmes sont posés à savoir : devons-nous rester dans les accords coloniaux ou en sortir ? Les juristes maliens aujourd’hui, sont montés au créneau parce que tous les anciens ambassadeurs sont au Mali à Bamako, pour faire de l’agitation populaire. Ils veulent opposer la Constitution et la Charte à ces jeunes militaires. J’ai fait un appel dans ce sens dans la presse malienne, sur Internet, à nos juristes pour dire accepterons-nous de rester dans un cadre constitutionnel de 1992 qui date de l’époque napoléonienne ? A l’époque de Napoléon, le Noir n’était même pas considéré comme un être humain.

Le discours de Victor Hugo de 1879 sur la colonisation

Victor Hugo, illustre littéraire que nous avons étudié disait : « Allez-y prendre l’Afrique ! l’Afrique appartient à qui ? À personne ! ».

150 ans après, Sarkozy répète la même chose exactement à Dakar avec un président sénégalais. Les présidents sénégalais ont toujours été les valets de la France avec Houphouët-Boigny. Et Dioncounda Traoré, dans la même lancée, a offert le Mali à François Hollande. Nous disons non ! Si je rejoins aujourd’hui cette lutte M5 RFP et les colonels, c’est justement parce que les accords coloniaux sont en jeu et que je suis un panafricaniste convaincu.

Je reviens sur la scène pour dire non à la France !

Aujourd’hui tout le monde se demande mais pourquoi vous revenez sur la scène politique ? Je dis, je reviens parce que les vraies questions sont posées, le vrai débat est là.

Et depuis étudiant, président des étudiants et stagiaires maliens en Belgique, je n’ai fait que cette lutte panafricaine. Je reviens sur la scène pour dire non à la France, pour dire non à l’empire colonial renaissant.

Figurez-vous qu’en 2014, à Durban, lors d’une réunion internationale sur les ressources minières, la Banque mondiale s’est donné la prérogative de créer un fonds accordé par le secteur privé et elle-même d’un montant de 1 milliard de dollars. La Banque mondiale a donné près de 200 millions de dollars et les sociétés minières devaient compléter cela pour faire une réactualisation des cartes des ressources minières de l’Afrique. Mais de quel droit ?

Nos ressources minières si nous devons les ré-inventorier, c’est nous africains qui devons le faire. Maintenant à partir de ce fond, chaque puissance est en train de se repositionner pour conquérir sa parcelle, nous disons non ! Voilà le contexte dans lequel doit être analysée la situation au Mali. Cette situation a une spécificité et malheureusement, une partie de nos parents touaregs de Kidal ont été instrumentalisés au Quai d’Orsay, à travers un mouvement de libération de l’Azawad, un Azawad fictif.

Par la faiblesse idéologique, politique et militaire du Mali, un accord a été imposé. Maintenant, la France joue à la division nord-sud au Mali. J’en appelle aux frères touaregs du MNLA, du CMA, de faire attention. Aujourd’hui en France et en Europe, les familles Denis Sassou Nguesso, Bongo, Obian Nguema sont pourchassées pour soi-disant des biens mal-acquis. Qui pouvait penser à cela il y a 20 ans ? Personne !

Il faut que nos frères dits de l’Azawad fassent attention. Ils vont être utilisés comme des kleenex et une fois usagés on va les jeter à la poubelle. Restons dans cette dynamique du Mali et du panafricanisme parce que Modibo Keïta, père de l’indépendance du Mali, a été partie prenante du bloc de Casablanca avec Nasser, Kwameh Krumah, Sékou Touré, pour une Afrique unie politiquement avec un gouvernement central, dès la création de l’OUA.

Qui est-ce qui les ont combattus ? Le groupe de Monrovia. Et qui constituait ce groupe de Monrovia ? Un certain Senghor, un certain Houphouët-Boigny, dont les fils et les petits-fils aujourd’hui en Côte d’Ivoire et au Sénégal, veulent nous imposer une monnaie (‘’éco’’ bâtard) parce qu’une puissance économique de l’Afrique de l’Ouest, le Nigéria, a réfléchi avec l’ensemble des pays africains pour une souveraineté monétaire, pour une dépendance économique. Et pour torpiller cela, Macron se rend en Côte d’Ivoire avec ADO, Macky Sall, pour malhonnêtement imposer cet éco. Donc le contexte malien doit être lu, à l’aune des accords coloniaux que les jeunes colonels, Assimi Goïta, Diaw, Koné, Wagué, Camara, ont eu le courage de combattre.

Opposé par principe au coup d’Etat, pourquoi je soutiens la junte ?

Je n’ai jamais été pour un coup d’Etat, mais si un coup d’Etat est pour nous donner une souveraineté africaine et panafricaine, je suis pour et je m’y engage. Tous les chefs d’Etats maliens qui ont été balayés ou qui ont accédé au pouvoir l’ont été en acceptant ces accords coloniaux et Moussa Traoré, et Alpha Oumar Konaré, et Amadou Toumani Touré, et même IBK qui ont tous voulu s’y soustraire, n’ont pas pu.

IBK, quand il a voulu s’opposer à l’accord d’Alger, quand il a voulu être le vrai IBK, on lui a sorti l’affaire Tomy dans la presse nationale et internationale.

Quand, aujourd’hui, la CEDEAO et la France menacent la junte pour que le pouvoir soit attribué à un civil, elles savent de quoi elles parlent. Mais qui sont ces civils ?

Ils sont à cinq ou six catégories : des binationaux, Ils veulent peut-être remettre le pouvoir à un binational malien-français, à un civil malien qui a des immeubles et des comptes en France du fait de la corruption sur lequel ils peuvent faire pression, ou bien peut-être à un civil qu’ils ont décoré d’une médaille française ou peut-être à un civil ambitieux qui veut l’aval de la France pour être président du Mali en 2023. Nous disons non !

Commandeur de l’Ordre du Mérite agricole de la France…

Je suis Commandeur de l’Ordre du Mérite agricole de la France et je ne l’ai jamais cherché. A partir de cette interview, qu’ils viennent prendre leur décoration. Tant qu’on ne respecte pas mon pays, mon peuple, je dis non !

C’est Jacques Chirac en visite au Mali qui m’a fait Commandeur de l’Ordre du Mérite agricole de la France. Je vous assure et je n’ai jamais rien demandé, je n’en ai pas besoin, je ne l’ai pas utilisée [Ndlr : la médaille], je n’en ai pas joui et je ne veux pas en jouir.

Figurez-vous que l’armée malienne devait être équipée à hauteur de 1200 milliards ; ces fonds ont été détournés et aujourd’hui et la justice malienne est incapable de mettre le grappin sur les auteurs. Pourquoi ? Parce que ces auteurs ont leurs entrées en France à l’Elysée, dans les services de renseignements français. Mais où allons-nous ? Les Ivoiriens disent : « On est où là ? » Je suis aujourd’hui dans cette dynamique parce qu’explicitement les accords coloniaux ont été mis en cause et les catégories dans lesquelles la France veut recruter, je les ai citées, mais j’ai oublié la catégorie des anciens officiers de l’armée française qui ont lutté pour qu’il n’y ait pas une armée nationale malienne. Les fils et les petits-fils de ces officiers sont aujourd’hui actifs au Mali sur le terrain politique. Quand on dit de transférer le pouvoir aux civils, voilà les personnes auxquelles ils pensent, et nous disons non !

Transcrit par Moulaye Hassane Haïdara 

SourceLe Challenger

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