Ce mardi matin l’Imam Cheick Mahmoud DICKO était convoqué par le Parquet de la Commune V à se présenter au Camp I de la Gendarmerie de Bamako. L’information qui est confirmée par la Coordination de ses associations et mouvements de soutien à l’Imam DICKO prend très vite les allures d’une infox lorsqu’à la mi-journée les réseaux font état d’une très discrète visite du ministre des Affaires compliquées Tiébilé DRAME à l’Imam DICKO. Objet : lui dire que sa convocation est annulée, que le Gouvernement qui ne partage pas sa convocation lui présente toutes ses excuses pour la méprise.
Mais avant, les partisans instrumentalisés et manipulés du leader religieux, appréhendant une incarcération de l’ancien président du Haut conseil islamique, avaient déjà envahi le domicile et le Tribunal pour jouer les boucliers humains. L’Imam qui savoure son quart d’heure de popularité et de gloire sort pour faire un tour d’honneur avant de rentrer sans pouvoir s’adresser à ses fans. Chose dont son porte-parole Kaou DJIM se chargera.
L’épisode palpitant qui a tenu en haleine le tout Bamako pour restera dans les annales de l’histoire de la démocratie et de l’Etat de droit du Mali. En effet, en plus de l’éternel conflit entre libertés constitutionnelles (d’opinion, d’expression et de manifestation) et la préservation de l’ordre public, il y a dans cette affaire plusieurs lectures qui font chanceler le bons sens. Au-delà de plusieurs zones d’ombre, beaucoup de questions sont à ce stade sans réponse, en tout cas de réponses confirmées.
Comment dans un régime démocratique, s’agissant d’une affaire judiciaire concernant un leader religieux c’est le ministre des Affaires étrangères et non le ministre de la Justice ou celui des Cultes qui est fait missi-dominici ? L’Imam Mahmoud DICKO est-il devenu une puissance étrangère ou le Président IBK ne fait que se servir de son extraordinaire talent de médiateur et de conciliateur ? On crédite sur ce registre l’ancien « petit monsieur » d’avoir été outre l’artisan de la réconciliation de son nouveau patron avec le puissant Chérif de Nioro qui avait clairement dit qu’il n’achèvera pas son second mandat au pouvoir, mais sans appeler à la violence et récemment la clôture de l’incident diplomatique avec Paris.
Comment un Parquet d’instance peut-il se donner la liberté, dans les conditions qui sont celles du Mali, de convoquer un leader religieux comme Mahmoud DICKO sans se référer à sa hiérarchie ? S’il est raisonnable de penser que la justice a été aux ordres, comment comprendre que la reculade du régime soit due à la mobilisation des partisans de DICKO, comme dans le cas de Sinko et Ras bath ? Mais comment mettre ce rétropédalage en parallèle avec la récente détermination de la justice à poursuivre sans état d’âme et sans se préoccuper des imbrications et des interférences politiques ? Les cas des activistes du régime et de notre confrère Tiégoum Boubèye, frère de lait de l’ancien Premier ministre du régime ou d’un autre marabout Bandjougou DOUMBIA emprisonné à ce jour à la prison centrale de Bamako pour incitation à la violence sont édifiants à ce propos.
Quelle nouvelle face Malick COULIBALY va-t-il afficher face à ce peuple qui a cru en lui, lui, le justicier qui accepte sans broncher qu’un de ses collègues aille désavouer un de ses procureurs ? Le silence du Garde des sceaux indiquera le rythme, sinon la vitesse désormais de la justice dans notre pays. Il s’agira d’acter une fois pour toute dans quelle République sommes-nous : une démocratie fondée par la Constitution du 25 février 1992 dans laquelle la loi est la même pour tous ou une nouvelle République hybride où les grands sont au-dessus des lois et de la survie de la République ! Quelle sera la réaction des juges à la veille de ces législatives déjà très compliquées à organiser ?
La mission de Tiébilé DRAME auprès du très respecté Imam qui appelé ses partisans vendredi prochain à sortir avec des armes blanches met-elle fin au contentieux voire au bras-de-fer politico-religieux ? Ce serait une injure à l’intelligence de Mahmoud DICKO de croire qu’il va prendre comme argent comptant les dénégations du régime sur sa convocation et mettre un terme à son projet suite aux excuses surprenantes du régime. Pour preuve, son porte-parole Kaou DJIM (qui a souvent été désavoué par son mentor) a annoncé le maintien de la manifestation pour ce vendredi et a indiqué qu’il s’agit bien de demander la démission du Président et le départ de son régime. A quoi donc ont-elles servi les excuses du régime à Mahmoud DICKO que beaucoup de Maliens considèrent comme un aplatissement que rien n’imposait à un gouvernement légitime et souverain ?
Faute de réponse, est-il envisageable de penser que tout ceci n’est qu’un affligeant coup de bluff pour distraire le peuple ? Selon d’autres sources, point d’excuses, le ministre Tiébilé DRAME n’a présenté à l’Imam DICKO. Les extrapolations largement relayées seraient loin de la mission dont Tiébilé DRAME était chargée auprès de l’Imam. La version a-t-elle été avancée pour sauver la face à l’Imam ? L’orchestration de la manifestation serait dans ce cas une fuite en avant et une manœuvre dilatoire pour échapper aux mailles de la justice.
Il se raconte aussi que point ne s’agit d’une capitulation de la part du Gouvernement, mais juste d’un contretemps. L’Imam ne s’est pas rendu à la convocation parce que ses partisans l’en ont empêché. A la justice de trouver le temps et les moyens idoines de le faire comparaître. Les deux parties ont-elles convenu d’y travailler ? L’hypothèse n’est pas farfelue, car les partisans de l’Imam DICKO affirment sur les réseaux que bien que le Gouvernement a retiré la convocation, le très respecté Imam tient à s’y rendre. Pourquoi, quelqu’un qui a lancé son mot d’ordre déjà et qui est protégé par ses partisans prendra-t-il le risque d’aller se livrer à la justice ?
Hier après-midi, le très respecté Imam Mahmoud DICKO lui-même a confirmé l’abandon des poursuites, dans une déclaration qui a circulé sur les réseaux.
Faute d’une déclaration officielle du Gouvernement sur la question ou du ministre Tiébilé DRAME sur le renoncement du gouvernement à poursuivre dans cette affaire, il serait prudent de prendre tout ça avec des pincettes. Tout ça pourrait en effet relever d’un grand bluff quoique sur un sujet sensible.
Le feuilleton pourrait donc durer jusqu’au vendredi.
Affaire à suivre.
Par Bertin DAKOUO
INFO-MATIN