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Inauguration du Mémorial ACTe à Point-à-Pitre : UNE ŒUVRE SINGULIERE

Le Centre caribéen d’expression et de mémoire de la traite et de l’esclavage, une œuvre architecturale unique au monde se veut un lieu d’expression sur l’esclavage, phénomène partagé par l’humanité depuis des millénaires

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Une journée de mai 2015. Nous sommes à Point-à-Pitre, une commune française en Guadeloupe. Il est environ 15 heures et le soleil est radieux. Le thermomètre affiche les trente degrés. Le visiteur malien qui débarque dans la petite agglomération en provenance de Bamako où il a laissé derrière lui des températures au dessus de 40 degré n’est donc pas dépaysé. Ni du point de vue chaleur, ni au plan humain puis que 72 % de la population est composé de Noirs ou de mulâtres descendants des anciens esclaves amenés ici par la traite négrière. C’est tout juste si le visiteur malien qui foule ce sol pour la première fois est subjugué par la nature luxuriante et la beauté des eaux turquoises propres aux Caraïbes, bordant l’agglomération.
Petit précis géographique. Point-à-Pitre est la capitale économique de la Guadeloupe, un petit territoire des Antilles bordé par la mer des Caraïbes et l’Océan Atlantique. La Guadeloupe est située à 6200 kilomètres de la France métropolitaine, à 600 km au nord des côtes du Venezuela, à 700 km à l’est de la République Dominicaine et à 2200 km au sud-est des Etats-Unis.
Elle se compose d’îles et îlets dont deux majeures habitées : la Grande-Terre et la Basse-Terre. L’île prend le nom de Guadeloupe lorsque Christophe Colomb y aborde le 4 novembre 1493, et la baptise ainsi en hommage à la vierge protectrice des navigateurs « Santa Maria de Guadalupe ».
Depuis la réforme constitutionnelle en France de 2003, qui a supprimé les appellations DOM et TOM, la Guadeloupe est un DOM ROM (Département d’Outre-mer numéro 971 et Région d’Outre mer). Elle est donc à la fois une région administrative et un département français d’Outre-mer, mais l’expression DOM reste utilisée aujourd’hui.
C’est vers la capitale économique de ce département français qu’ont convergé ce week-end plusieurs chefs d’Etat africains et des Caraïbes pour inaugurer avec le président français un monument unique au monde : le Mémorial ACTe, petit nom digeste du très officiel Centre caribéen d’expression et de mémoire de la Traite et de l’Esclavage. En plus du chef de l’Etat français et des dirigeants africains et caribéens, plusieurs autres personnalités ont assisté à l’événement historique dont la secrétaire générale de la Francophonie Michaelle Jean.

DES ATROCITES LONGTEMPS OCCULTEES. Le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta était arrivé samedi en fin d’après-midi à Pointe-à-Pitre, accompagné d’une délégation comprenant trois ministres : Mahamadou Diarra (Justice et Droits de l’Homme), Cheickna Seydi Ahmady Diawara (Aménagement du territoire et Population), Mohamed Ag Erlaf (….).
« La mémoire inspire l’avenir », tel est l’esprit qui sous-tend la construction de ce monument à la mémoire de la traite négrière et de l’esclavage. Mais en fait, des Amérindiens à la traite négrière, le Mémorial ACTe, oeuvre architecturale singulière qui se déploie sur plus de 3 hectares, se veut un lieu d’expression sur l’esclavage en général, phénomène partagé par l’humanité depuis des millénaires et qui se poursuit encore aujourd’hui. En 2014, les ONG estimaient que 36 millions de personnes étaient asservies dans des conditions assimilables à l’esclavage, prouvant ainsi que le problème est d’une incontestable réalité.
« L’esclavage des nègres fut un crime contre l’humanité. Son ampleur a durablement affecté le continent africain. Il est aussi un des éléments constitutifs des sociétés caribéennes qui de nos jours encore sont marqués de ses stigmates et de ses inductions. Il est important de faire connaître l’histoire des traites et des esclavages non seulement pour témoigner des atrocités commises et trop longtemps occultées, mais également pour rétablir nos ancêtres dans leur humanité et pour honorer leurs résistances », écrit l’ancien ministre français des Outre-Mer, député et président de la Région Guadeloupe, Victorin Lurel. C’est la Région Guadeloupe qui a porté le projet. Son initiative est d’autant plus pertinente que la France est l’un des acteurs principaux de la traite. Certes derrière l’Angleterre et le Portugal, mais loin devant les Etats-Unis. Du XVIe au XIXe siècle, de 600 000 à 800 000 Africains furent déportés en Amérique du Nord, et 1,6 million dans les Antilles françaises.
Si l’on ne peut accuser la France d’être à la traîne par rapport aux autres nations esclavagistes pour reconnaître le grand tort fait par la traite et l’esclavage, il aura fallu du temps dans l’Hexagone pour ouvrir ce que le général Charles de Gaule appelait « la boîte à chagrin ». Mais depuis 2003, la France à travers la Loi Taubira du nom de la députée guyanaise, considère l’esclavage comme un crime contre l’humanité.
En 2012, c’est la ville de Nantes qui inaugurait, un mémorial sur les berges de la Loire. Premier du genre en Europe, le parcours commémore l’abolition de la servitude sur le sol des colonies françaises, décidée sous la IIè  République par un décret du 27 avril 1848.
Contrairement à bien d’autres initiatives mémorielles, la culpabilisation des nations esclavagistes n’est pas le propos du Mémorial ACTe. Il ambitionne plutôt d’apaiser la mémoire douloureuse de la traite et de l’esclavage. Le Centre veut faire vivre la mémoire et la réconcilier avec l’histoire.

54 MLILIARDS FCFA. Revenons au Mémorial ACTe qui a été inauguré hier. Il est dressé à l’entrée de la baie de Pointe-à-Pitre. Son emplacement est symbolique en lien direct avec la traite négrière. Le choix du lieu s’est porté sur le site de l’ancienne usine de sucre Darbousier, la plus grande unité sucrière des Petites Antilles. « Silver roots on black box », « des racines d’argent sur une boîte noire », c’est le schéma architectural du Mémorial. La façade noire est un hommage aux victimes de la traite et de l’esclavage. La constellation quartzée représente des millions d’âmes échappées. La résille argentée à l’image des racines du figuier enserre les bâtiments et les unit en couvrant d’une arche la place de la commémoration. Une passerelle monumentale de 150 mètres de long culminant à 12 mètres, ceinture le bâtiment principal depuis sa face maritime jusqu’au « Morne mémoire » (où sera cultivé un jardin comme le faisaient les esclaves des plantations sucrières lors de leur rares moments de liberté) et sa table d’orientation. Une promenade littorale, un escalier monumental conduisant à la mer et un parvis paysager complètent l’ensemble.
« En portant ce projet, la Guadeloupe entend contribuer à la construction d’une mémoire universelle et partagée de l’esclavage. En effet, travailler sur la mémoire collective, élément de nature immatérielle, c’est également la doter de lieux, de repères matériels, de balises identifiables et accessibles non seulement aux individus que lie une histoire commune, mais aussi à tous ceux que cette histoire invite à la réflexion », dit Victorin Lurel.
C’est en octobre 2004 que celui-ci prit la décision politique de construire un mémorial sur la traite et l’esclavage. En 2005, un comité scientifique fut créé pour préciser les contours du projet scientifique. En janvier 2008, était désigné parmi 27 candidatures, le groupement lauréat du concours international de maîtrise d’œuvre, lancé en juin 2007 par la Région Guadeloupe. Le mandataire de ce groupement est l’atelier guadeloupéen Berthelot/Mocka-Celestine (BMC).
Le 27 mai 2008, lors de la commémoration du 160 anniversaire de l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe, était posée la première pierre du Mémorial et c’est en mars 2013 que débuta la construction. Le coût du Mémorial, dont les travaux ne sont pas totalement achevés, se chiffre à 83 millions d’euros (environ 54 milliards de Fcfa) dont 40 (environ 26 milliards Fcfa) supportés par la Région.
Le Centre sera ouvert au public le 7 juillet prochain.

S. TOGOLA
Envoyé spécial.

SOURCE : L Essor

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