Les membres de l’Association « Soumaoro Kanté » (Roi du Soso) demande aux historiens que l’histoire de Soumaoro Kanté soit connue dans sa version réelle au bénéfice des générations futures. Car dit-il, ce n’est pas seulement la tradition orale qui peut faire connaitre l’histoire des Kanté.
Ce Rendez-vous du donner et du recevoir s’est tenu à la Maison des Ainés en présence du Pr Drissa Diakité, président de l’association « Soumaoro Kanté », Alfousseyni Kanté, membre de l’association « Soumaoro Kanté » et bien d’autres. Elle a aussi réuni les militants et militantes de ladite association, les descendants des Kanté venus des quatre coins de Bamako et les représentants de la tradition orale.
Afousseyni Kanté a fait un exposé sur l’histoire de Soumaoro Kanté. Pour M. Kanté, l’histoire de Soumaoro Kanté fait l’objet de controverses. Citant un proverbe Moré, « tant que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours en faveur des chasseurs », le conférencier a laissé entendre que « Soumaoro Kanté n’a pas eu d’historien, ce sont les vainqueurs qui ont écrit l’histoire ». Selon lui, « L’histoire sait retenir certains faits et rejeter d’autres. La tradition orale qui est pratiquement la seule source qui parle de Somaoro, pour mieux valoriser les Mandeka et Soundiata va ternir l’image de ce dernier », a déclaré M. Kanté.
Poursuivant son exposé, il dira que « l’histoire est presque toujours au service d’une cause surtout en Afrique. Il est temps que les falsifications soient détectées et corrigées ». Et de s’interroger « Soumaoro Kanté ne serait-il pas une victime de la tradition orale commanditée par les Mandenka ? ».
Le Pr Drissa Diakité, a mis l’accent sur l’aspect historique de la généalogie des Soumaoro. Pour lui, le nom Soumaoro est « Nankama ». Parlant de la personne de Soumaoro Kanté, le Pr a souligné que le roi du Soso serait originaire de Sosso. Et que les indications sur son ascendance familiale restent contradictoires.
« En réalité, il serait vain, en l’état actuel de nos connaissances, de vouloir tracer une biographie complète de Soumaoro Kanté, le Roi-forgeron », a-t-il laissé entendre. Car, ajoute le Pr Diakité, « pas plus que ses origines familiales, les circonstances de son ascension au pouvoir ne sont pas éclaircies…. Plus généralement, les traditionnistes pensent que Soumaoro est un homme prédestiné » (Nankama).
En clair, conclu M. Diakité, « C’est donc un exercice difficile de donner les origines de Soumaoro Kanté ».
Certains le fait descendre de Diarisso ou de Dabi Kemesso, d’autres pensent qu’il vient de Koni, un village situé à quelques encablures de Fana où il serait né dans une grotte. Son lieu de naissance est aujourd’hui un lieu de rencontre et de bénédictions annuelle pour les Kanté et autres. Pour d’autres historiens, le maitre forgeron est un Soninké.
Une autre source enseigne que Soumaoro Kanté est né à Dampa Diarisso dans la Commune Rurale de « Boron Cissé », cercle de Banamba. Cette version est corroborée par la proximité du village de Sosso, village dans lequel repose la maman de Soumaoro Kanté.
Certains généalogistes le rattachent même à « Dinga », ancêtre présumé de Soninko. Il avait selon les traditions de grands pouvoirs magico-religieux qui le plaçait au-dessus des autres forgerons fondeurs, qui manipulaient le feu et fer, deux choses que tout le monde ne maîtrisait pas.
Le redoutable combattant était en avance sur son temps. « L’armée de Wagadu, selon les sources arabes pouvait compter 200 000 guerriers au XIème. Cette armée était composée de fantassins, d’archers et d’une importante cavalerie ».
Entrant un peu en profondeur de l’histoire, le Pr Diakité a expliqué que l’invasion almoravide qui a ébranlé le Sudan occidental et provoqué l’anarchie, va pousser Soumaoro à organiser son royaume le « Sosso » et à essayer de fédérer les anciens royaumes vassaux du Wagadu.
Ambitieux comme tout chef guerrier, il voulait être aussi le maître absolu du Sudan Occidental ce qui aux dires du conférencier « n’était pas du goût des Mandenka ».
Soumaoro mis alors tous les moyens pour faire du Sosso une puissance militaire. Les forgerons fondeurs se mirent à l’œuvre pour fabriquer des armes, la cavalerie épine dorsale de l’armée Sosso fut équipée.
Des questionnements
La tradition orale manding, retenue presque par tout le monde fait de Soumaoro Kanté, un tyran sanguinaire, « celui qui vêtu d’un boubou en peau humaine, coiffé d’un chapeau en peau humaine et chaussé de sandales en peau humaine, envahit le Mali et sema la terreur. Cette version des faits fut retenue pendant longtemps dans la littérature historique du Sudan Occidental ».
Selon les historiens, il a fallu attendre le Colloque de la Fondation SCOA, en 1975 pour que Wa Kamissoko, le Jéli de Krina donne un autre point de vue sur la vie du roi magicien Sosso.
Les conférenciers ont démontré que l’ancêtre réputé des Kanté a fait des gloires sous son règne que les vainqueurs refusent de dire.
« D’après les anciennes, Soumaoro Kanté est le seul roi Africain connu à avoir combattu les Arabes sur leur propre sol dans l’actuel Maroc en 1222, puis il abolira l’esclavage au Ghana après la conquête de l’empire en décembre 1223 ».
Après avoir donné quelques réflexions, sur la vie de Soumaoro Kanté « l’homme aux qualités exceptionnelles », Fousseyni Kanté a invité les chercheurs, les hommes de culture à s’investir davantage pour que l’histoire de Soumaoro Kanté « grand bâtisseur » soit connue dans sa version réelle au bénéfice des générations futures.
« Nous avons besoin d’approfondir cette histoire, nous avons besoin de connaitre cette histoire, ce n’est pas seulement la tradition orale qui peut nous faire connaitre l’histoire des Kanté. Car nous savons toujours que cette tradition orale tourne toujours en faveur du vainqueur », a-t-il conclu.
Yaye A. Cissé
Source: lesechos