Volodymyr Zelensky s’est dit prêt à parler d’une neutralité de l’Ukraine, sous conditions. Ce terme est toutefois bien difficile à définir.
UKRAINE – Nouveau round de pourparlers entre la Russie et l’Ukraine. Au 34e jour de la guerre, les négociateurs des deux pays se retrouvent ce mardi 29 mars à Istanbul, en Turquie, pour tenter de trouver une issue au conflit. Et pour la première fois, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est dit favorable à une négociation autour de la “neutralité” de son pays.
Qu’est-ce que cela signifie? Selon la Convention de La Haye signée en 1907, un État neutre renonce à s’impliquer dans les conflits et son territoire est “inviolable”. Dans les faits, il n’y a pas de définition claire, et autant de modèles de neutralité que de pays neutres.
L’un des points saillants reste toutefois le non-engagement dans des alliances militaires et l’absence de bases militaires étrangères sur le sol du pays concerné. La neutralité signifie donc pour l’Ukraine de renoncer à entrer dans l’Otan, alors qu’elle a inscrit cet objectif dans sa constitution en 2019. Le président Zelensky avait déjà reconnu mi-mars que l’adhésion de son pays à l’Alliance de l’Atlantique Nord n’était pas réalisable.
Une neutralité “suédoise” ou “autrichienne”
Après cette déclaration qui répond à l’une de ses exigences, la Russie avait cru judicieux de proposer une neutralité à la suédoise ou à l’autrichienne. Grâce à cette politique, la Suède n’est pas entrée en guerre depuis plus de deux siècles et s’en félicite.
La neutralité est toutefois un concept évolutif. La Suède a abandonné la neutralité “stricte” en 1992 et se décrit aujourd’hui comme non alignée en temps de paix, visant la neutralité en temps de guerre. Preuve de la malléabilité de sa neutralité, Stockholm a rejoint l’Union européenne en 1995, a noué des liens avec l’Otan et a augmenté significativement son budget militaire depuis la guerre de Crimée en 2014.
Quant à l’Autriche, sa “neutralité permanente” lui a été imposée par les Soviétiques en 1955 et est inscrite dans sa Constitution. Ce statut lui a permis d’accueillir de nombreuses négociations pendant la Guerre froide, ainsi que celles pour le traité sur le nucléaire iranien signé en 2015.
Comme en Suède, le concept évolue en Autriche: le pays a rejoint l’UE et pris des sanctions contre la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine. Mais son budget militaire reste l’un des plus faibles d’Europe.
Kiev a refusé d’emblée ces deux modèles. “L’Ukraine est maintenant en état de guerre directe avec la Russie. Par conséquent, le modèle ne peut être qu’ukrainien”, a déclaré le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Mykhaïlo Podoliak.
Des garanties de sécurité
Si un “modèle ukrainien” devait aboutir, ce ne serait pas sans garanties. L’Ukraine a déjà prévenu qu’un référendum devra être organisé si la neutralité était envisagée, sans oublier des garanties de sécurité. Cela signifie par exemple qu’un pays ou une organisation soient prêts à protéger l’Ukraine en cas d’attaque, ou la possibilité pour le pays de développer un système de défense national.
Mais en réalité, difficile de voir les pourparlers aller jusque-là. Pour Marie Dumoulin, directrice du programme Europe élargie à l’European Council on Foreign Relations (ECFR) interrogée par L’Express, “aucune des parties ne semble disposée à accepter des compromis. Zelensky prend les Russes à leur propre jeu en disant qu’il est prêt à négocier les sujets qui intéressent la Russie officiellement”.
Carole Grimaud-Potter, interrogée il y a quelques jours par Le Huffpost, n’était pas très optimiste non plus. D’après elle, la question de la neutralité ne pourra jamais aboutir tant qu’un cessez-le-feu ne sera pas acté. Pour l’instant, les combats et les bombardements continuent, à l’est comme à l’ouest du pays.
Source: Huffingtonpost.fr