Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, reste silencieux depuis le début de la grève illimitée du SAM (Syndicat Autonome de la Magistrature) et du SYLIMA (Syndicat Libre de la Magistrature). Que cache donc ce silence ?
Les deux syndicats de magistrats observent une grève sans interruption depuis le 29 juillet 2018, au lendemain du 1er tour de l’élection du Président de la République. Depuis cette date, la justice n’est pas rendue correctement au Mali. Des prisonniers restent en détention sans jugement et des citoyens ordinaires n’arrivent plus à obtenir certains documents administratifs pour la constitution de leurs dossiers. La preuve, de nombreux candidats aux élections législatives ont été obligés de déposer des dossiers incomplets. Le gouvernement dirigé par le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, a engagé un bras de fer avec le SAM et le SYLIMA en prenant un décret pour réquisitionner une catégorie de magistrats.
Jusque-là, en dépit de la gravité, voire du pourrissement de la situation, le Président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature, garant constitutionnel de l’indépendance de la justice, reste muet comme une carpe. Que cache donc ce silence du premier magistrat du pays ? Pourquoi le Chef de l’Etat ne s’implique pas comme ce fut le cas lors du dernier préavis de grève du SYNTADE ? IBK continue-t-il de voir derrière ce mouvement des magistrats une motivation politique ? Difficile de répondre à ces interrogations.
Dans une déclaration rendue publique le 10 octobre dernier au cours d’une assemblée générale, les syndicats des magistrats ont souligné le silence du Président de la République. Selon des sources crédibles proches de la présidence de la République, une demande d’audience des membres élus du Conseil supérieur de la magistrature dort, depuis 15 jours, sur le bureau du Chef de l’Etat. Pourquoi cette demande reste sans suite ?
Pourtant, il urge pour le Président IBK de s’impliquer personnellement afin de trouver une solution à cette situation qui n’a que trop durer.
<strong>Le décret de réquisition attaqué ce matin devant la Cour Suprême </strong>
Les syndicats des magistrats déposent ce lundi une requête contre le décret pris par le Premier ministre pour réquisitionner une catégorie de magistrats sur la base d’une loi de 1987. Cette loi prise sous la dictature du général Moussa Traoré est considérée par les magistrats comme désuète. Leur requête ouvre une autre phase dans ce bras de fer qui oppose le pouvoir exécutif au pouvoir judiciaire.
<strong>Le gouvernement va s’expliquer devant la presse </strong>
Le gouvernement de la République va s’expliquer, au cours d’un point de presse ce lundi, sur cette grève des magistrats. La rencontre sera l’occasion pour l’exécutif de revenir sur les efforts consentis en faveur du corps de la magistrature. Dans une déclaration en date du 9 octobre signée par le Ministre du Travail et de la Fonction Publique, chargé des relations avec les institutions, Mme Diarra Raky Talla, le gouvernement a annoncé que de 2017 à nos jours, 2 535 537 856 F CFA ont été déboursés au profit du personnel de la magistrature. On peut citer entre autres l’alignement de la Cour Suprême sur les institutions de même niveau, l’extension aux magistrats de la prime de sujétion pour risque de 10% du salaire de base, l’extension aux magistrats du décret n°2014-0837/P-RM du 10 novembre 2014 fixant les taux mensuels de certaines primes et indemnités allouées aux fonctionnaires et agents de l’Etat, l’augmentation de la grille indiciaire de 10%, la fixation de l’indemnité de logement à 110 000 FCFA en 2017 et à 125 000 FCFA en 2018. Il y a aussi la revalorisation supplémentaire de l’indemnité de judicature de 300 000 FCFA à 375.000 FCFA /mois selon les grades. Les magistrats bénéficient de toutes les mesures d’ordre général comme par exemple l’augmentation de la valeur du point d’indice de 20%.
<strong>Le Président de la Cour Suprême déserte son bureau </strong>
Le Président de la Cour Suprême, Nouhoun Tapily, serait actuellement dans une position difficilement tenable. Ce haut magistrat, au crépuscule de sa carrière, est probablement devant le tribunal de sa propre conscience. Il est accusé par les syndicats de magistrats d’avoir pris fait et cause pour le gouvernement dans ce bras de fer.
Contre l’avis de la chambre consultative de la Cour suprême, le Président Tapily a déclaré que la grève illimitée sans service minimum est illégale. La correspondance que le Président de la Cour Suprême a envoyée au Premier ministre a été enregistrée à la Primature à 7h 14 minutes.
Le SAM et le SYLIMA demandent officiellement sa démission de ses fonctions de Président de la Cour Suprême. Ils demandent aussi que le Président de la haute juridiction du pays soit poursuivi pour forfaiture. Probablement affecté par cette situation, Nouhoun Tapily, selon des sources crédibles, a déserté son bureau la semaine dernière pendant quelques jours.
Chiaka Doumbia
Source: Le Challenger