Même s’il est difficile d’évaluer le Premier ministre en l’absence de déclaration de politique générale du gouvernement, les actions politiques fortes de cette année militent en faveur d’une reconduction du Dr. Boubou Cissé, pour continuer et parachever le processus de réformes politique et institutionnelle en cours dans notre pays.
Le Premier ministre appuyé d’un gouvernement certes pléthorique, a réussi à : organiser le Dialogue national inclusif (DNI) qui a jeté les bases d’un Mali réconcilié avec lui-même, réconcilié avec son peuple et faisant face aux urgences de l’heure ; lancer les prémices d’une lutte implacable contre la corruption avec les dossiers en cours au Pôle économique ; organiser les élections législatives pour doter notre pays d’une Assemblée nationale, même si de fortes contestations légitimes sont portées sur les résultats définitifs proclamés par la Cour constitutionnelle ; accélérer le retour symbolique de l’armée nationale reconstituée à Kidal, la prise en charge des défis de stabilisation du centre avec une structure dédiée à la question qui est à l’œuvre nuit et jour ; assurer la relative accalmie sur le front social hormis la grève des enseignants dont les négociations sont toujours en cours.
Au plan politique, on peut noter l’organisation du Dialogue national inclusif qui a permis la formulation des principales attentes, inquiétudes et espérance du peuple malien en résolutions et recommandations pour stabiliser et atténuer les conséquences des nombreuses crises qui secouent le pays. Dans cette logique, le nouveau gouvernement que le Dr. Boubou Cissé dirigera sans doute, devra remédier à cette exigence constitutionnelle d’une déclaration de politique générale. Laquelle déclaration, pour rester conforme aux attentes du peuple malien dans sa large majorité doit avoir comme colonne vertébrale, les résolutions et recommandations issues du Dialogue national inclusif.
L’organisation des législatives a mis fin au débat sur la légalité et la légitimité de l’Assemblée nationale dont le mandat a été plusieurs fois prorogé. La révision constitutionnelle dont la nécessité est admise par tous, si elle doit se tenir, comme en 2017, doit réunir certaines conditions préalables à savoir : le rétablissement de l’intégrité du territoire pour le respect de l’article 118 de la Constitution du 25 février 1992 ; le retour de l’Etat à travers l’armée nationale et les services sociaux de base dans les zones de conflit, l’exercice effectif de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national par la révision de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, la conduite concertée du processus de paix et de réconciliation…etc.
La fermeture des frontières pour cause de la pandémie du Covid-19 a contraint l’Etat à prendre des initiatives de relance de l’économie nationale. Malgré le fait que les effets positifs des précédents efforts du gouvernement en termes de relance économique avec l’apurements de la dette intérieure à hauteur de 200 milliards de F CFA en 2019 aient été annihilés par la crise sanitaire actuelle, un second apurement très prochain de la dette intérieure de plus de 110 milliards de nos francs, permettra d’améliorer la trésorerie de nos entreprises, en plus des autres mesures de soutien à l’activité économique et réduire par là le chômage.
Même si les défis demeurent énormes avec un système de corruption endémique, des pratiques de clientélisme dans les passations de marchés publics, le chômage chronique des jeunes et des femmes, une croissance économique revue en baisse pour l’année 2020, on assiste à la réduction significative de la dilapidation des ressources publiques due essentiellement au fait que le Premier ministre cumule à la fois la Primature et le ministère de l’Economie et des Finances. Cela a contribué à engager une bonne dynamique de rééquilibrage du budget d’Etat entre fonctionnement et investissement et par la même occasion rassurer les PTF.
Dans le cadre de l’apaisement du Front social par le dialogue et la refondation du cadre légal et réglementaire du monde du travail, le gouvernement de mission conduit par Dr. Boubou Cissé a pu désamorcer une série de grèves dont les plus significatives sont celle des travailleurs du chemin de fer Bamako-Dakar.
La grève des enseignants déclenchée en janvier 2019 a trouvé une issue à travers un protocole d’accord signé le 18 mai 2019 qui prévoit le paiement en deux tranches, d’une indemnité de logement aux enseignants. Un décret d’application de cette mesure a même déjà été signé par le Premier ministre en ce début d’année 2020. Cela avait permis de sauver de justesse l’année scolaire 2018/2019.
Outre ces résultats forts encourageants, le défi actuel demeure le règlement du bras de fer autour de l’application de l’article 39 de la loi portant statut du personnel enseignant, qui oppose le Premier ministre aux syndicats de l’éducation. Le paiement des arriérés de salaire des enseignants pourrait servir de catalyseur pour cette nouvelle phase de négociation qui s’ouvre avec le syndicat “synergie“.
Au centre, outre la création du Cadre Politique de Gestion de la crise du Centre, les visites du chef du Gouvernement ont permis d’avoir une relative accalmie avec la signature de plusieurs accords communautaires.
Par ailleurs, seul bémol, malgré l’exécution de la loi d’orientation et de programmation militaire (Lopmi), demeurent les difficultés sur le retour de l’Administration dans les zones de conflit et le manque de lisibilité et de résultats sur le terrain.
Au Nord, si on assiste à une forte baisse des tensions entre groupes armés et les FAma, l’arrivée, le 13 février 2020 à Kidal d’un contingent de 600 soldats maliens de l’Armée nationale reconstituée est tout un symbole du retour de l’administration et de l’Etat au Nord. Par ailleurs, la récurrence des attaques terroristes au Nord mais surtout au Centre, l’enlèvement du chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé par des groupes terroristes non identifiés depuis plus de 50 jours, démontrent si besoin est, l’étendue des efforts à déployer par le gouvernement pour incarner les engagements régaliens du retour de l’Etat et ses services sociaux de base dans les zones de conflit.
Comme un véritable programme d’action gouvernemental, les futurs chantiers du prochain gouvernement Dr. Boubou Cissé, sont : Poursuivre les réformes politiques par l’organisation d’un référendum en vue de la révision de la Constitution, l’inclusivité et la participation de l’ensemble des forces vives de la Nation à ce processus de révision constitutionnelle,
Le redéploiement de l’Administration et des services sociaux de base dans les zones affectées par l’insécurité dans les plus brefs délais.
La relecture de certaines dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, selon les mécanismes prévus à l’article 65 dudit Accord et une campagne intensive de communication en vue de faciliter l’appropriation nationale de l’Accord révisé et de son processus de mise en œuvre.
Dr Etienne Fakaba Sissoko
Professeur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion,
Chercheur au Centre de Recherche et d’Analyses Politiques, Economiques et Sociales du Mali-CRAPES.
Source: Mali Tribune