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« Goumin » : une mélancolie dévastatrice

A travers les récits mélancoliques de Sékou et Awa, la blogueuse Fatima Hope explique la mécanique du « goumin », qui signifie un chagrin d’amour dans un langage argotique populaire en Côte d’Ivoire.

 

 

Colère, angoisse, tristesse, manque d’appétit, manque de l’autre, pleurs et repli sur soi. Voici les compagnons fidèles de tout « goumin ». En nouchile terme désigne un chagrin d’amour. Un goumin laisse le plus souvent un souvenir amer. Il survient à la suite d’une rupture, d’une tromperie ou d’un amour à sens unique. De façon plus ou moins intense, en fonction de l’attachement et l’investissement dans la relation.

Chaque rose a ses épines

« Je rencontre Rose à la fac. Belle, intelligente et particulièrement courtisée, je suis d’abord un simple spectateur des échecs cuisants de mes rivaux avant de pouvoir la conquérir. Originaire de la Côte d’Ivoire et installée au Mali à cause de la crise sécuritaire, la santé financière de ses parents se dégrade au point qu’elle envisage d’arrêter l’université. J’ai vraiment le sentiment d’avoir trouvé la bonne, je n’hésite donc pas à lui remettre mes frais de scolarité annuels afin qu’elle valide sa dernière année. Master en poche, perspective de boulot bien enclenchée, nous décidons d’officialiser notre relation. Nous partons donc à Abidjan pour les pourparlers liés aux fiançailles. Samedi soir, sortie en discothèque avec Franck, un ami d’enfance de Rose qui nous a beaucoup aidés tout au long de notre séjour.

Après quelques verres, qui l’ont particulièrement éméché, Franck tente d’embrasser Rose à plusieurs reprises. Surpris et irrité, je suis la scène incrédule depuis le fond de la pièce. J’essaye de me calmer et place son geste sous le coup de l’alcool. Le lendemain, ne tenant plus, je l’interpelle et le fustige pour son comportement déplacé de la veille. Franck m’informe être en couple avec Rose depuis des années. Il ajoute même avoir payé ses études. Le même soir, je la confronte avec les SMS que je trouve en fouillant son téléphone. Elle m’explique être restée avec lui pour se garantir une certaine sécurité financière. Moi, elle m’aime. Elle me le hurle au visage et s’écroule à mes pieds. Je l’aide à se relever et sors de la pièce.

A mon retour à Bamako, c’est le défilé des médiateurs. Amis et familles interviennent. J’ai le cœur en miettes, mais je campe sur ma position. Je ne peux plus revenir en arrière. Quelque chose s’est brisé en moi cette nuit-là, et depuis je n’arrive plus à refaire confiance », Sékou, 30 ans.

Sourire ravageur

« Regard ténébreux et sourire ravageur, il avait tout pour me plaire. Un an et huit mois que ça dure. Vingt mois que je vis un rêve éveillé. Il est 19h, un dimanche. Ma cousine débarque. Elle me supplie de l’accompagner au dîner de mariage d’une amie de la fac. Elle ne tarit pas d’éloges sur la robe de la mariée et me montre une photo. Je découvre les mariés. Ce regard, ce sourire, je le reconnais d’emblée. Le téléphone me tombe des mains, ma vision se brouille. Mon monde s’effondre. Aboubacar s’est marié ! C’est la seule phrase que j’arrive à prononcer. Ma descente aux enfers commence.

Deux jours plus tard, ma cousine me conduit urgemment à l’hôpital pour des douleurs abdominales et une perte anormale de sang. J’apprends dans la foulée ma fausse couche d’une grossesse que je n’avais jamais soupçonnée. Lessivée mentalement et physiquement, je le retrouve posté devant ma porte en rentrant de l’hôpital. Il se confond en excuses et m’explique avoir été forcé par sa famille et me réitère son amour infini.

Mon cerveau se déconnecte. Je vois ses lèvres bouger, mais je n’entends aucun son. Au bout de ce qui semble être une éternité, j’arrive à articuler : “Tu l’as tué!“ Toute la rage contenue en moi se libère enfin. Je crie, griffe, pleure de douleur et de rage. Suivent des mois de dépression et encore plus de reconstruction. Plus qu’un cœur brisé, j’ai dû faire le deuil d’un être qui n’a jamais vu le jour. », Awa, 27 ans.

Un goumin n’est pas toujours anodin. Il va au-delà de quelques larmes et d’un manque d’appétit. Il laisse parfois une empreinte aux racines profondes et à la douleur destructrice. Attendons-nous à sortir de la vie des autres avec la même attention qu’on s’y est glissés.

Source : Benbere

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