Après l’audience qui s’est tenue lundi dernier devant la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako pour examiner la demande de mise en liberté provisoire du Général Amadou Haya SANOGO, ladite Chambre a délibéré hier mardi 28 janvier 2020 son délibéré : la liberté provisoire pour le général Amadou Haya SANOGO et une quinzaine de ses codétenus.
Après plus de 6 ans de détention (arrestation et inculpation, depuis le 27 novembre 2013), l’ancien chef de la junte militaire de Kati recouvre la liberté provisoire au terme d’une bataille judiciaire acharnée de ses conseils et d’une forte mobilisation d’une partie de l’opinion nationale acquise à sa cause sur les réseaux sociaux.
Liberté provisoire ou liberté définitive, s’interrogent des observateurs avertis qui fondent leur hypothèse sur une libération sur deux postulats.
Le premier, c’est la dynamique de réconciliation nationale au nom de laquelle le Gouvernement trinque à la même table que d’anciens chefs de guerre dont certains sont loin d’avoir les mains immaculées. Cette réconciliation vaut particulièrement pour l’Armée déchirée à un moment de son histoire laquelle a besoin de se retrouver pour mener le seul combat qui vaille en ce moment : débarrasser le Mali des aventuriers des Groupes armés terroristes venus ‘’semer le chaos dans nos villages, dans nos villes, et répandre la désolation dans chacun de nos foyers’’. Pour une telle mission historique, argumentent-ils, il faut une armée république où la fraternité d’armes, loin d’un vain mot, est un sacro-saint principe.
Le second postulat c’est qu’en raison du climat de détente, mais en sus du nombre d’années passées en prison sans condamnation, ces années de détention devraient représenter la peine au terme d’un procès de forme. Ce qui aurait pour double avantage de respecter la légalité, mais également de conforter le Mali qui a clairement affirmé qu’il n’extradera pas ses citoyens à la CPI. Une ‘’parodie’’ de jugement, du fait qu’il n’existe nulle part de double peine, extraira ainsi, en bonne et due forme, l’ancien chef des putschistes des griffes de la justice internationale.
Ainsi, que le procès se tienne ultérieurement (pour la forme) ou qu’on oublie simplement de l’organiser, la liberté provisoire pourrait être définitive puisque dans l’un comme dans l’autre cas de figure, il ne retournera pas à la case prison.
Comme dans le schéma d’une justice transitionnelle reposant sur les trois piliers que sont la reconnaissance, la réparation et l’engagement de non-réédition des faits, les familles des victimes devraient bénéficier d’une réparation financière dont le montant donne lieu aux spéculations les plus aventurées.
Comment la décision de mise en liberté provisoire est accueillie au sein de l’opinion nationale ? À vrai dire, elle est diversement reçue. Pour certains, elle est la consécration de la faillite de la justice malienne ; pour les organisations de défense des droits de l’homme, ce qu’il faut, c’est plutôt un procès équitable sans plus tarder ; pour d’autres, en l’occurrence ses soutiens, la liberté provisoire n’est qu’une forme de justice envers quelqu’un qui a l’objet d’une longue détention sans jugement. Pour une dernière catégorie de citoyens, encore tenaillée vraisemblablement par la rancune, la place de l’ancien chef putschiste n’est nulle part ailleurs qu’en prison.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : Info-Matin