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Euro 2020 : Gaoussou Drabo, «l’Italie et l’Espagne avaient les meilleures équipes»

Dans cette interview, l’ancien ministre de la Communication et des Nouvelles technologies, journaliste sportif et chroniqueur décrypte, entre autres, le parcours et le sacre de l’Italie, la bonne prestation de certaines équipes, le coche raté par l’Angleterre, l’échec de la France, championne du monde en titre

 

L’Essor : L’Euro 2020 s’est achevée dimanche avec le sacre de l’Italie. Selon vous ? les Italiens avaient-ils la meilleure équipe du tournoi ?

Gaoussou Drabo : à défaut d’être la meilleure équipe, la sélection italienne est sans doute l’une des meilleures équipes et certainement avec l’Espagne, le team qui a plus dominé en qualité la compétition. L’Italie a l’avantage sur l’Espagne d’avoir été meilleure bien plutôt parce que l’Espagne n’a trouvé son style, son véritable envergure que dans ses deux derniers matches (quart de finale et demi-finale, ndlr).

Pour moi, l’Espagne est l’équipe qui a eu la progression la plus intéressante. Elle a commencé de manière très laborieuse la phase de poules avec deux matches nuls. Je crois que l’entraîneur Luis Enrique cherchait une manière de trouver une juste utilisation de ses meilleurs arguments. Il avait une équipe jeune, très technique et dans un premier temps, il a privilégié la conservation du ballon et l’offensif sans pointe. Il a ensuite évolué vers une double combinaison qui lui permettait à la fois de rester sans pointe en utilisant notamment Dani Olmo en poste avancé et avec une formule qui utilisait de pointe notamment Moreno et Morata. Du point de vue de la qualité de jeu, je crois que l’Espagne, notamment contre l’Italie, a produit le meilleur football, le plus varié et le plus léger.

L’Italie a une solidité tactique qui lui est coutumière, qu’elle joue l’offensif ou qu’elle joue un système beaucoup plus fermé, il y a une grande discipline tactique et une grande maîtrise des différents aspects que peut revêtir une partie. Roberto Mancini, le sélectionneur de l’Italie, a adopté une démarche de sélection qui est assez proche de celle de Luis Enrique, ne pas regarder les noms, les clubs. Par exemple, lorsque vous prenez un joueur comme Locatelli, il vient de Sassuolo, qui est une petite ville à côté de Rome. Maintenant, Mancini, qui est un entraîneur avec des convictions offensives, a voulu en même temps garder la rigueur de comportement tactique de joueurs avec une très grande liberté donnée notamment aux attaquants.

Il a eu la très bonne idée de donner une grande responsabilité à un joueur comme Chiesa qui est quelqu’un d’extrêmement doué mais quelqu’un d’extrêmement inconstant. Il en a fait pratiquement au fil des matches-ça ne s’est pas fait d’un seul coup-un leader d’attaque. Je crois que l’Italie, du point de vue de la qualité, est légèrement en dessous du dernier match de l’Espagne. Mais du point de vue de la constance dans l’expression de son style, elle est certainement au-dessus de l’Espagne et à ce titre, on peut accepter qu’elle soit la meilleure du tournoi.

L’Essor : Qu’avez-vous aimé dans cette équipe d’Italie ?

Gaoussou Drabo : Sa faculté d’adaptation. Contre l’Espagne, elle a eu son match le plus difficile. Là où elle n’a pas accepté la domination, mais elle a subi pendant presque tout le match et elle a eu la chance de marquer la première et c’est ce qui lui a permis de résister. Mais je crois que le principal épisode qui a montré sa capacité d’adaptation, c’est la finale, elle-même.

Dans la finale, on a vu deux Italies. L’Italie qui a subi dans la première demi-heure de la première période, tous les chocs physiques que lui a imposés l’Angleterre, qui a été à plusieurs reprises au bord de la rupture, mais qui ne s’est vraiment jamais affolée. La deuxième Italie s’est exprimée pendant toute la deuxième période et pendant toute la première période des prolongations.

Lorsque l’Angleterre a voulu jouer la conservation du ballon, en ce moment, on a vu que l’Italie s’est déployée et l’équipe a recouvré le football tel que Mancini l’aime, c’est-à-dire beaucoup d’initiatives et une participation dans les phases offensives de tous les éléments. La preuve, sur le but de l’égalisation, tout l’axe central de l’Italie est impliqué de manière absolument directe.

Chiellini qui a été un peu bousculé lors qu’il a voulu monter, mais Bonucci a surgi comme un avant-centre pour marquer le but égalisateur. Italie, vous la reconnaissez très facilement, la maîtrise technique de tous ses membres, l’envie de combattre même lorsque l’adversaire essaie de la plier, elle peut reculer, mais en résistant très fort sans jamais paniquer. L’Italie a une faculté d’adaptation à l’adversaire qui fait qu’elle ne subit jamais entièrement un match et tôt ou tard, il suffit qu’il y ait un relâchement de l’adversaire pour qu’elle essaie aussitôt de reprendre son jeu offensif.

L’Essor : à votre avis, qu’est-ce qui a été déterminant pour l’Italie ?

Gaoussou Drabo : Son habilité à exploiter les erreurs de l’adversaire. Elle a inscrit son but égalisateur dans la meilleure période pour elle, au moment où l’Angleterre, d’une manière paradoxale et absurde, a essayé de jouer la montre. Et à ce moment, l’Italie n’a pas hésité à prendre des risques, lorsque vous avez votre axe central qui va marquer le but égalisateur, ça veut dire que vous acceptez de prendre des risques très élevés pour essayer de rétablir l’équilibre de la partie. Mancini a pris une équipe qui était complètement à terre pour ne s’être pas qualifiée à la dernière Coupe du monde.

Lorsqu’on connaît l’Italie, c’est un scandale. Qu’elle joue bien ou qu’elle joue mal, elle arrive toujours à se tirer d’affaires et aller dans une phase finale de l’Euro ou dans une phase finale de la Coupe du monde. Mancini a été courageux pour ne pas baser son bassin de recrutement sur les grands clubs. Il n’a pas hésité à aller plus loin à chercher des joueurs dont la mentalité de battant et le haut niveau technique correspondaient à sa vision du football.

Il aurait pu essayer de dire, il me faut me limiter aux joueurs qui ont une expérience internationale parce qu’un tournoi final est une compétition particulière dans laquelle il y a d’autres paramètres qui entrent en jeu plutôt que la seule valeur du joueur ou bien son envie de gagner. Je crois que Mancini a été le maître à penser et le maître à monter d’une équipe qui est extrêmement valeureuse.

L’Essor : Peut-on dire que l’Angleterre a raté sa finale ?

Gaoussou Drabo : L’entraîneur Gareth Southgate s’est sabordé lui-même. Tel qu’il avait fait entamer le match par son équipe en imposant tout le poids physique de ses joueurs à l’Italie et en maintenant un niveau raisonnable d’offensif, il était pratiquement parti pour gagner. Marquer très tôt et avoir une équipe généreuse dans l’effort, ça vous fait deux bons arguments pour maîtriser une finale. Mais en deuxième période, il a complément fait déjouer ses joueurs.

Je ne pense pas que ce soit les joueurs qui étaient timides ou craintifs jusqu’au point de vouloir replier. Mais Gareth Southgate a fait jouer son équipe comme il l’a fait jouer au premier match de l’Angleterre contre la Croatie. C’est-à-dire, ouvrir la marque et en deuxième période, ne plus jouer du tout même lorsqu’on se retrouve en position favorable.

Il a fait jouer également ses joueurs comme il l’avait fait en deuxième période contre le Danemark où l’Angleterre au lieu de s’intéresser à marquer un troisième but qui lui aurait assuré la qualification, s’est intéressée à préserver le but d’avance qu’elle avait sur les Danois. Il faut ajouter à cela le choix pratiquement incompréhensible et absurde à la limite, des tireurs de penalty dans l’épreuve des tirs au but.

Que vous donnez les troisième et quatrième tirs à deux jeunes joueurs qui n’ont pratiquement pas touché le ballon et que vous donnez le dernier tir à un jeune joueur qui n’a encore rien prouvé sur la scène internationale, c’est vraiment étonnant de la part de l’entraîneur anglais. Et ça ne répond pas du tout à la structure qu’utilisent d’habitude, les entraîneurs pour montrer les tireurs, les plus sûrs sont toujours au début et à la fin de l’épreuve.

L’Essor : Vous attendiez-vous à voir l’Angleterre en finale ?

Gaoussou Drabo : Très sincèrement, je ne le pensais pas. Je pensais que l’Angleterre pouvait progresser, le tableau n’était pas très dur, parce que le principal obstacle qu’elle aurait rencontré, c’était l’Allemagne. Je pensais que même contre une équipe bien organisée comme le Danemark, il était possible que la sélection anglaise tombe. Simplement parce que l’Angleterre ne se fait pas remarquer par la qualité de son fond collectif, elle ne se fait pas non plus remarquer par une identité de jeu évidente.

Elle a des qualités, c’est-à-dire un noyau de joueurs techniques, extrêmement doués, jeunes et audacieux, c’est-à-dire les Rashford, Sterling et un avant-centre intelligent, Harry Kane, tout le reste, ce sont des bons joueurs de devoir, surtout l’arrière-garde. C’est une équipe solide et dangereuse, lorsque vous lui laissez le champ pour s’exprimer mais ce n’est pas une équipe qui peut gérer toutes les situations tactiques. Quand l’adversaire pose un problème tactique compliqué à cette équipe d’Angleterre, elle perd les normes. C’est pour cela que je ne pensais pas que l’Angleterre était favorite pour jouer la finale bien que le fait de disputer presque tous ses matches à Wembley l’avantageait.

L’Essor : Quelles sont les équipes qui vous ont séduit dans cet Euro, après l’Italie et l’Espagne ?

Gaoussou Drabo : J’ai une préférence pour des équipes qui n’étaient pas favorites, qui n’avaient pas d’abord un bon fond de jeu et qui n’avaient aucun complexe vis-à-vis de l’adversaire. Vous avez par exemple la République tchèque, le Danemark et la Suisse. Ce sont des équipes qui ont peut-être deux ou trois individualités marquantes.

Tout le reste, c’est vraiment de très bons joueurs de clubs. Des entraîneurs très consciencieux qui ont bien travaillé sur le fond de jeu de l’équipe et qui ont inculqué à leurs joueurs la conviction que tout est jouable dans l’Euro. Il n’y a pas eu de victoires accidentelles ou victoires volées, si vous regardez le déroulement des matches, vous vous rendez compte qu’effectivement, ces équipes qui étaient supposées être le second poteau, méritaient de sortir certains favoris.

L’Essor : Y a-t-il des joueurs qui vous ont impressionné sur le plan individuel ?

Gaoussou Drabo : C’est étonnant mais je mets en haut de ma liste, les défenseurs centraux de l’Italie, c’est-à-dire Bonucci et Chiellini. Parce que c’est des joueurs qui ont entendu toutes sortes de commentaires sur eux. Les gens disaient qu’ils n’avaient plus leur place en équipe nationale, qu’il fallait les laisser de côté. Ce sont des joueurs qui n’ont jamais été des vedettes comme Beckenbauer. Ils sont de bons ouvriers, on a vu qu’ils ont tenu tous les matches, ils se sont adaptés à tous les adversaires qui n’étaient pas des adversaires faciles à maîtriser et qu’ils sont tous les deux impliqués dans un épisode majeur qui est l’égalisation contre l’Angleterre.

Ça veut dire que ce sont des joueurs qui ont joué jusqu’au bout parce qu’ils aiment jouer et qu’ils ont enviede terminer leur carrière sur un trophée et qui ont envie d’entraîner leurs jeunes partenaires. C’est pourquoi, je leur mets au-dessus parce que c’est une paire qui n’est pas habituelle, qui est assez inattendue quand même. Je crois que le gardien de l’Italie également, Donnarumma a joué un rôle majeur dans la qualification de son équipe dans deux séances des tirs au but. Et Chiesa est un technicien hors pair et vraiment un combattant.

Le petit Pedri, l’Espagnol de 18 ans, c’est quelqu’un que Luis Enrique n’a pas hésité à mettre au milieu de terrain dans un rôle de distributeur et lui sans aucun problème, s’adapte et il joue pratiquement comme un vieux briscard. Je crois que beaucoup de gens s’étonnent sur M’Bappé mais Pedri, c’est un phénomène. Pour moi, Harry Kane est un avant-centre atypique qui s’est beaucoup bonifié à Tottenham et en équipe nationale.

Si Gareth Southgate avait eu le courage de rester dans un schéma offensif, il aurait permis à son équipe de gagner. Parce que vous l’avez vu lors de la finale, en première période, Kane a été non seulement un excellent homme de pointe mais également un organisateur de mouvements offensifs de son équipe. Il distribue bien et il garde bien le ballon, c’est un avant-centre polyvalent.

L’Essor : La France était l’un des pays les plus attendus de l’Euro, mais les Bleus sont tombés dès les huitièmes de finale. Qu’est-ce qui n’a pas marché pour les champions du monde en tire ?

Gaoussou Drabo : Je crois que la France a mal digéré sa Coupe du monde. Lorsqu’elle a gagné la Coupe du monde, elle a eu des remarques des deux derniers adversaires qu’elle a rencontrés, c’est-à-dire la Croatie et Belgique. Les deux adversaires ne l’ont pas caché, ils ont dit qu’ils ne peuvent pas contester la victoire de la France, mais que du point de vue de la qualité du football qu’elle a produit, la sélection française ne méritait pas d’être championne du monde.

Les Belges et les Croates étaient persuadés qu’ils jouaient mieux. Mais les Français n’ont pas tout à fait intégré la vérité qu’il y avait dans ces remarques et au fil des années, avec leur titre, ils se sont installés dans une position de sénateur. Lorsque je dis sénateur, je veux dire que les joueurs étaient beaucoup moins motivés qu’il y a trois ans, ils se voyaient plus beaux qu’ils ne l’étaient. Ils pensaient notamment avec le retour de Benzema que le trophée leur était naturellement destiné parce que l’équipe s’est renforcée avec de nouveaux joueurs intéressants.

Mais ils n’ont pas vu que le groupe des joueurs leaders n’était pas aussi motivé qu’il y a trois ans. Lorsque vous lisez la presse française après l’élimination, vous voyez que dans l’internat des joueurs, il y avait énormément de problèmes et que l’entraîneur lui-même n’arrivait plus à maîtriser le groupe des leaders. Si je dis leader, il s’agit des Pogba, Griezmann et M’Bappé qui, malgré son jeune âge, s’est intégré dedans. L’erreur principale qu’on a attribuée à Didier Deschamps, c’est-à-dire contre la Suisse, est de disputer la première mi-temps dans un système 3-5-2 qui a été le système le plus catastrophique.

Ce système n’était pas un choix de l’entraîneur, c’était pratiquement les joueurs leaders qui ont poussé le technicien pour qu’il accepte ce système. Ceux qui l’ont convaincu d’aller vers ce système ont été les premiers défaillants dans son animation. L’équipe, les leaders s’est relâchée, tout comme l’entraîneur lui-même alors qu’il pensait tenir ces gens en main. Tout cela, combiné fait que la France est tombée face à une équipe mieux organisée et surtout qui avait envie de jouer au football.

L’Essor : Quels commentaires faites-vous du niveau d’ensemble des pays qui ont participé au tournoi ?

Gaoussou Drabo : On peut évoquer un facteur qui n’a pas été souligné par les observateurs. Lorsque vous regardez le comportement du corps arbitral, il s’est comporté comme si l’Euro était une compétition anglaise. En Angleterre, vous voyez des contacts, des fautes qui ne sont pas sifflées alors qu’elles le seraient par exemple en France.

L’UEFA a dû donner aux arbitres la consigne de laisser jouer au maximum et les joueurs s’en sont rendus compte. Lorsqu’un joueur simule la blessure ou un choc, alors qu’il n’a rien reçu, on le laisse sur le gazon terminer sa propre comédie. On a vu plusieurs fois l’arbitre faire signe de continuer de jouer alors qu’il y avait un joueur couché sur le terrain et 9 fois sur 10, l’arbitre a raison parce que le joueur se redresse un peu après.

Lorsque vous savez tout ça, vous perdez l’habitude de simuler, de vous laisser tomber et d’essayer de casser le rythme du match lorsque l’adversaire vous domine. Vous essayez au contraire de jouer au mieux de votre potentiel. Je crois que la consigne qui a dû être donnée par l’UEFA, a favorisé l’intensité des rencontres et nous a permis de voir de très belles rencontres dans la plupart des matches qui ont été disputés.

L’Essor : Un mot sur la Copa America et la victoire de l’Argentine qui permet à Lionel Messi de soulever enfin son premier trophée avec l’Albiceleste ?

Gaoussou Drabo : Dans la Copa America, il y a eu une brève parenthèse chilienne, ensuite, les choses sont revenues un peu à la normale. Les deux grandes nations, l’Argentine et le Brésil sont revenues à l’avant-plan et dans ce cas, c’est rare qu’il ait des surprises.

L’Argentine a un nombre respectable de victoires, mais pas Messi, je crois que c’est ça un peu le drame de ce joueur. Lorsque vous l’entendez dire qu’il arrête la sélection, il a l’impression que l’opinion publique sportive argentine est très injuste à son égard. à la Coupe du monde 2018, il n’a pas été très brillant parce qu’il n’était pas en forme, mais en 2014, il a pratiquement porté à bout de bras l’équipe. C’est lorsque physiquement il a perdu son tonus que l’équipe a perdu.

Il ne comprenait pas très bien cette réputation de super joueur qui ne donne pas le maximum de lui-même en équipe nationale. Je crois que c’est un peu tard, mais ce n’est pas trop tard, que la justice sportive vienne rétablir Messi dans la qualité du grand joueur qu’il est et c’est une très bonne chose pour lui. Messi a été désigné co-meilleur joueur de la compétition avec Neymar, ça prouve que les deux ont eu l’orgueil nécessaire pour tenir tout leur rang pendant tous les matches et ça, c’est indispensable dans une compétition comme la Copa America.

Boubacar THIERO

Source : L’ESSOR

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