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Entretien Exclusif avec Tieman Hubert Coulibaly : « Choguel Maïga n’a pas réussi à se hisser au niveau d’un chef de gouvernement »

Dans un entretien exclusif à bâtons rompus accordé à « L’Indépendant », le président de l’Action Républicaine pour le Progrès (ARP) et de l’Union pour la Démocratie et le Développement (UDD), Tieman Hubert Coulibaly livre sa lecture sur les récents événements et accuse l’actuel Premier ministre, Choguel Maïga d’avoir « créé une grave division entre les Maliens, qui étaient unis pour aider la Transition ». 

 

L’Indépendant : Le bruit a circulé, un moment, qui pensent que vous avez fui la justice dans l’affaire des équipements militaires. Qu’en est-il ?

T.H.C : Je réponds que je ne suis pas en fuite. Comme vous dites, mes détracteurs, mais surtout mes adversaires ont lancé une cabale autour d’un déplacement, somme toute ordinaire en temps normal. Déjà, après que j’aie dû annuler un voyage, une folle rumeur a circulé qui disait que je faisais l’objet d’une interdiction de sortir du territoire. Tout esprit lucide, dans une telle situation, se poserait des questions. Il n’est pas concevable qu’en dehors d’une procédure, il soit interdit à un citoyen d’aller et de venir. Puis après, ayant entrepris un voyage, il a été claironné que j’avais fui devant l’annonce d’un audit. On ne fuit pas devant un audit !

Mon point de vue est que certainement des intentions étaient nourries contre ma personne, mais n’avaient pas encore été mises en œuvre.

Sachez que j’ai occupé le poste de ministre de la Défense et des Anciens Combattants du 8 janvier 2015 au 3 septembre 2016. J’ai été démis de mes fonctions suite à un désordre au sein d’une unité dans le secteur de Boni. Mais depuis cette époque, des adversaires politiques n’ont eu de cesse de m’attaquer, de diffuser des mensonges à mon sujet. J’ai préféré garder le silence parce qu’il m’a semblé que ma mission était supérieure à ma personne. Ce sont les mêmes, renforcés cette fois-ci, par des groupuscules fascistes, qui veulent me réduire. Certains acteurs politiques du moment ont choisi de faire payer aux uns pour ce qu’ils ont été plutôt que pour ce qu’ils ont pu faire. C’est pour cela que des procès sont conduits dans les media et à travers les réseaux sociaux. Cette manière de faire est nocive pour l’Etat de droit et la République. Des gens sont désignés coupables à l’avance et livrés à la vindicte populaire, populiste même, je devrais dire. Non, la manifestation de la vérité se fait ailleurs. Évidemment, je ne manquerais jamais de m’expliquer, en toute confiance, devant les autorités judiciaires ou organismes concernés, le cas échéant.

L’Indépendant : Quelle lecture faites-vous de cette Transition sous le leadership de l’actuel Premier ministre, Choguel Maiga, acteur principal du M5-RFP ?

Tieman Hubert Coulibaly : Ma lecture est simple et commandée par une grande lucidité. C’est un terrible échec. Le Chef du gouvernement désigné par le Colonel Assimi Goïta au lendemain du coup de coude du 24 juin a fourni des efforts extraordinaires pour détruire les opportunités qui lui étaient offertes de conduire efficacement cette mission historique.

Choguel Maiga n’a pas réussi à se hisser au niveau de la position qui doit être celle d’un chef de gouvernement dans le contexte actuel. Il a joué l’exclusion quand il fallait parier sur le rassemblement. Il a choisi la division quand il était impérieux de construire l’unité. Même concernant notre Armée, il a tenu des propos subversifs en évoquant « l’aile patriotique de l’Armée » laissant entendre qu’une autre aile serait renégate. Cela est grave.

Il a catégorisé les Maliens soit en « patriotes » quand il s’agit de lui et ses soutiens ou en « traîtres » pour désigner ceux qui ne sont pas d’accord avec sa gouvernance erratique.

Par populisme, il a engagé le Mali dans une voie sans issue en détruisant les acquis de notre politique extérieure, oubliant que notre géographie nous commande d’éviter l’isolement et se refused’être le champ d’affrontement de puissances étrangères.

Complètement incapable d’apporter une solution politique pour avancer depuis qu’il est chef du gouvernement, il a entrepris de brocarder ceux qu’il désigne comme « anciens dignitaires » pour masquer l’incapacité de son gouvernement. Mais quelle amnésie collective pourrait faire oublier quelui-même a été depuis Espoir 2002,  moult fois ministre avec ATT et IBK, voilà un homme qui, devenu Premier ministre, a pensé qu’il était judicieux de jouer de menace en direction des acteurs politiques pour les faire plier. Il a fini par brûler tous les ponts sur lesquels il est passé et avance droit vers la catastrophe. Choguel Maïga a fait dérailler la transition malienne. Il créé une grave division entre les Maliens qui étaient unis pour aider la transition quand lui la combattait. Il est complètement habité par le démon de la division.

Cependant comme le dit une sagesse populaire Bamanan, « un mot pour le molosse mais aussi un autre pour l’os ». Celui qui a choisi de nommer Choguel Maiga est responsable du blocage politique actuel, comptable de l’échec et de l’inanité de son option. Le Colonel Goïta est solidaire des errements du chef du Gouvernement. Il se retrouve dans la même impasse. Mais c’est le résultat de son choix et de ses propres décisions.

 

L’Indépendant : Le Premier ministre Choguel Maiga a tenu récemment des propos désobligeants contre les acteurs démocratiques de 1991. Après l’Adema Association, le Parena et l’ADEMA-PASJ,  Qu’avez-vous à lui répondre ?

T.H.C : Ce n’est pas la première fois qu’il tient des propos désobligeants, voire méprisants. Il n’a pas arrêté d’être dans des postures belliqueuses et menaçantes en tenant des propos comminatoires en direction de ses interlocuteurs politiques.

Il oublie que c’est grâce aux accélérations de l’histoire intervenues en 1991 et leurs acquis que lui et ses commensaux ont pu avoir le droit, la capacité et surtout les nerfs pour occuper les rues et affronter le pouvoir renversé en août 2020. Je suis au regret de constater que la compilation des propos du chef du Gouvernement a un étrange parfum de revanche et de rancune. Ce qui est curieux, voire impressionnant, ce sont ses volte-face, son langage multiple et ses reniements successifs. Ici encore, il faut noter son esprit de division qui oppose les acteurs des grandes périodes politiques de notre histoire. Il faut noter également la contradiction et le paradoxe qui l’amènent à emprunter le boubou de Modibo Kéïta pour faire l’apologie du régime qui pourrait avoir des comptes à rendre sur le sort de ce dernier. Du reste, Modibo Keita portait le boubou ce n’est pas le boubou qui portait Modibo ! Pour réconcilier les Maliens, il faut accepter que nous tous, acteurs politiques, sommes héritiers de nos devanciers, de tous nos devanciers. Ce faisant, nous gardons ce qu’il y a de bien et corrigeons les sources d’échec. La rancune et la revanche amènent à falsifier l’histoire ! Vous rendez vous compte que certains esprits égarés prescrivent de dissoudre les partis politiques…. Quelle audace !

L’Indépendant : C’est un secret de polichinelle, l’on se dirige inéluctablement vers la prorogation de la transition. Des sanctions de la CEDEAO ont été prises à l’encontre des autorités de la transition. L’UE aussi annonce des sanctions contre elles. Quel regard portez-vous à cette situation ? Doit-on aller vers les élections?

T.H.C : Les sanctions auraient pu et auraient dû être évitées. Au nom de mon parti l’UDD et en ma qualité de président de l’ARP, j’ai constamment appelé à l’inclusion et à la transparence des agendas. Malheureusement, je n’ai pas été entendu. Plusieurs autres responsables politiques, désireux d’aider, de bonne foi, ont échoué à sensibiliser les dirigeants du jour à la nécessité de jouer franc-jeu. Par finir, les esquives et les manœuvres dilatoires ont été perçues par tout le monde. Plus d’un an après le coup d’Etat, il est évident que rien n’a été fait dans le sens qui était prévu. Le plus grave, c’est par une lettre envoyée à la CEDEAO que les Maliens apprennent que leur gouvernement n’a pas l’intention de respecter le calendrier prévu.

C’était tellement simple de se parler entre Maliens, y compris pour constater l’échec et définir les nouvelles conditions pour réussir la transition ! Au lieu de cela, l’attelage actuel a rusé, puis manipulé et menacé, etc. Aujourd’hui, le Colonel Goïta tente de se rattraper en rencontrant les organisations politiques pour sauver ce qui peut l’être. Il demeure que le stratagème des Assises Nationales de la Refondation conçu pour valider et déclencher un processus de prolongation puis de confiscation ne passera pas. Mon opinion est claire là-dessus et nous l’avons exprimée collectivement dans le mémorandum du Cadre d’Echange pour une Transition Réussie. Je rappelle qu’à l’époque, nous avions écrit à l’ensemble des autorités pour les rencontrer. Seul le Colonel Diaw, président du CNT nous avait reçu. Le président de la Transition et le chef du Gouvernement nous ont ignorés.

Oui le délai de février est compromis. Mais dans quelles conditions réunir les critères du succès ?Comment déterminer un nouvel agenda ? Comment redevenir crédibles aux yeux du monde ? Ce sont là les questions qui sont posées.

L’Indépendant : Le retrait de la Force Barkhane se fait progressivement du Mali. Des bases stratégiques, notamment Tessalit ont été confiées aux Forces Armées Maliennes. Pensez-vous qu’elles soient prêtes à s’assumer ?

T.H.C : Plusieurs fois j’ai dit que l’évolution de Barkhane s’inscrivait dans le sens de l’histoire. Pour des raisons politiques internes et stratégiques, le partenaire qu’est l’Etat français engage cette décision. Contrairement à ce que certains ont dit, cela n’est pas arrivé sans préavis. Depuis le sommet de Pau, il en a été question. Notre armée a besoin du soutien de nos amis. En priorité ceux du G5 Sahel. Il est dommage qu’au lieu de renforcer l’articulation de la force conjointe, nos gouvernements se perdent dans des options qui ne porteront jamais fruit. Il faut également investir dans l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Notamment son pilier Défense et Sécurité. Cela me semble plus pertinent que le choix qui consisterait à parier sur des ressources militaires non étatiques. L’autre point qui nous aidera à stabiliser et pacifier notre territoire, c’est une action forte pour réaliser quelques-uns des projets contenus dans l’annexe 3 de l’accord. Il faut faire très attention à ces aspects dont dépend notre unité nationale et se rappeler toujours que nous, Maliens, ne devons jamais être isolés et coupés de nos voisins. Nos lignes de défense vont bien au-delà de nos frontières.

L’Indépendant : Même si elles ont été reportées sine die pour manque d’inclusivité, les Assises Nationales de la Refondation vont se tenir bientôt. Pourquoi l’ARP ne souhaite pas y participer ?

T.H.C : Le report indique que ce qui se passe n’est pas conforme à ce qui devrait être. Nous avons demandé l’inclusivité sincère, nous avons prévenu contre les risques de rupture que comporte la démarche actuelle. Nous nous sommes vus traités de forces insignifiantes vendues à l’étranger, d’anciens dignitaires aigris, comploteurs. Mais cela n’est pas vrai évidemment. Quand dans un processus vous êtes stigmatisés préventivement et que cela semble joué à l’avance, vous êtes obligés de vous abstenir.

Mohamed HAIDARA

Source : L’Indépendant

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