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Entretien avec le chef de la tribu Kel Antassar, Abdoul Majid Ag Mohamed Ahmad dit Nasser: « L’application intégrale de l’accord est la seule alternative pour favoriser le retour de la paix au Nord du

Selon le chef de la tribu Kel Antassar – l’une des plus importantes dans la région de Tombouctou – Abdoul Majid Ag Mohamed Ahmad dit Nasser, la situation sécuritaire a récemment connu une forte dégradation. Pour lui, seule une application stricte et intégrale de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger peut mettre fin à l’insécurité grandissante qui sévit dans le pays, particulièrement dans les régions du Nord et du centre. Il a déclaré que sa tribu ne cesse de s’investir pour le retour de la paix dans la région de Tombouctou. Raison pour laquelle elle est devenue la cible des extrémistes. C’est ainsi que plusieurs de ses chefs de ont été enlevés ou exécutés.

Comment se porte la tribu Kel Ançar dont vous êtes le chef ?

Nasser : La tribu se porte à merveille. Il n’y a aucun problème à part ce qui ne va pas dans l’ensemble du pays. La situation nous interpelle tous aujourd’hui.

Quels sont vos rapports avec le mouvement « Congrès pour la Justice dans l’Azawad » (CJA) qui se présente comme la branche armée de la tribu ?

Nasser : Il n’y a aucun problème entre le CJA et la tribu. Le CJA n’est pas seulement constitué de la tribu Kel Ançar, c’est un mouvement composé de toutes les tribus de la zone. Certes, le chef de l’état-major et le président du CJA sont de la tribu, pour autant cela ne signifie pas que le mouvement soit constitué exclusivement de Kel Ançar. Je crois que le soutien accordé à ce mouvement par la tribu, vient du fait que le CJA a toujours prôné pour le retour de la paix. Ce qui a d’ailleurs été accepté par toutes les communautés de la zone. C’est un mouvement qui contribue significativement au retour de la paix dans la zone de Goundam et de Tombouctou. De ce fait, il n’est pas seulement soutenu par les communautés sédentaires, mais aussi celles des nomades. Encore une fois, je répète qu’il n’y a aucun problème entre le CJA et la tribu Kel Ançar.

Comment vous appréciez l’état de la mise en œuvre de l’accord qui a accusé un grand retard ?

Nasser : L’accord a pris trop de temps. Je pense que les parties signataires sont en train de fournir de grands efforts. Je pense aussi qu’elles ont intérêt à diligenter l’application de l’accord. Pour ce faire, il faut que toutes les parties s’engagent de bonne foi. Il faut que tout le monde se donne la main pour que l’accord soit appliqué puisque ce n’est pas du tout facile. Nous pensons qu’il y a des non-dits dans l’application de cet accord. Il y a certaines dispositions si on les applique à la lettre, une partie de la population malienne va se révolter. Les élections s’approchent à grands pas et si l’on n’accélère pas la cadence, on risque de passer à côté. Je pense que ces derniers temps, on a noté des progrès dans l’application de l’accord, donc il y a de l’espoir. Mais ceux qui n’ont pas l’information commencent à être découragés. Par contre, ceux qui ont les bonnes informations remarquent qu’il y a de grandes avancées. D’aucuns pensent que l’Etat a oublié l’accord au profit des élections. D’autres disent qu’ils n’accepteront pas d’aller aux élections avant que l’accord ne soit appliqué. Ils veulent la modification de la loi sur les collectivités avant de prétendre à cantonner les combattants. Selon mes sources, les choses avancent puisque le principe de la modification de la loi a été accepté. Une fois que cette loi est modifiée, je suis sûr qu’on ira plus vite dans l’application de l’accord. C’est surtout ce point qui constitue la pomme de discorde entre les parties de l’accord. Il faut que l’Etat malien montre la bonne volonté qu’il veut appliquer l’accord surtout la loi concernant les collectivités.

Pour des responsables de la CMA, le contenu de la loi sur les collectivités est différent de ce que dit l’accord. Une fois que l’Etat fera un pas dans la modification de cette loi, le reste sera plus facile. Il faut que l’Etat montre la bonne volonté pour que les autres acceptent la tenue des élections au Nord. Si les groupes armés n’acceptent pas que les élections soient organisées sur cette partie du pays, il sera très difficile pour l’Etat de les organiser. Çà sera la pagaille totale. Et si les élections ne se tiennent pas au Nord, l’opposition va monter au créneau pour dire que le pays est divisé. Et malheureusement, ce que nous craignons risque d’arriver à savoir la séparation du pays. Il vaut donc mieux pour tous que l’accord soit appliqué et aller ainsi sereinement aux élections.

Le CJA a décidé de lever le blocus imposé autour de la ville de Tombouctou. Est-ce à dire que tous les revendications de ce mouvement ont été satisfaites ?

Nasser : Le gouvernement malien a donné entière satisfaction aux doléances du CJA depuis qu’il a levé le siège de Tombouctou. Certains points ont été satisfaits, d’autres non. C’est vrai que tous n’est pas appliqué comme il faut, mais la majeure partie l’a été. Le CJA détient une place au DDR, une autre à l’intégration, deux conseillers spéciaux. Il ne restait qu’une place aux autorités intérimaires, et pour cela l’Etat malien a fait savoir au CJA qu’il était impossible de revenir sur le décret qui est déjà signé. On ne peut pas tout avoir dans une négociation.

L’on constate depuis un certain temps que le terrorisme prend de l’ampleur à telle enseigne que nul n’est épargné. Comment la tribu conçoit cette situation ?

Nasser : La tribu Kel Ançar est une partie intégrante de la République du Mali. Elle voit les choses comme tous les autres citoyens. Tout ce qui touche l’Etat malien, le touche aussi. L’insécurité au Nord va crescendo dans la Nord du pays. Il y a des attaques partout. La tribu est aussi victime c’est ce qui explique l’enlèvement de ses chefs de fractions dont certains sont souvent exécutés. Elle est attaquée et maltraitée comme le sont tous les Maliens. La tribu subit les mêmes problèmes auxquels la population est confrontée au Nord. Aujourd’hui, l’insécurité crève les yeux de tous les Maliens. Même à Bamako, on n’est pas à l’abri de l’insécurité. La tribu Kel Ançar est victime de la même façon que le sont toutes les populations maliennes.

La seule façon de vivre tranquille au Nord, c’est que l’accord soit appliqué dans son intégralité. Une fois que l’accord est appliqué, tout le monde sera tranquille. Mais on ne peut signer l’accord et que les parties ne veuillent pas l’appliquer de bonne foi. Le retard pris dans la mise en œuvre de l’accord est à la base de l’insécurité. Imaginez les combattants qui sont sur leurs bases depuis des années et ne sont pris en compte par personne, ils sont donc vulnérables à tout. Il faut bien qu’ils vivent de quelque chose. C’est ce qui en partie explique cette montée de l’insécurité. Tu ne peux pas cantonner des milliers d’hommes en arme et l’accord est signé depuis près de trois et qu’eux n’en voient pas les fruits. Ces gens doivent bien survivre. C’est ce qui fait que souvent ils entrent dans des pratiques peu orthodoxes. Donc, le retour de la sécurité au nord est lié à la bonne application à l’accord. Si l’accord est appliqué on n’entendra plus parler de terrorisme ni de banditisme. Aujourd’hui, puisque l’accord n’est pas appliqué on ne sait pas qui est qui. Difficile de distinguer le bon grain de l’ivraie. La population malienne aussi bien que l’armée ne sait pas faire la part des choses. Chaque fois, les gens commettent des forfaits et soulèvent des drapeaux de mouvements signataires. Cette situation crée des doutes dans la tête de tout le monde. Il faut que l’Etat applique l’accord rapidement pour qu’il y ait la paix. Pour y parvenir, il faut que les gens déposent les armes. On ne peut aborder des élections avec des gens qui circulent illégalement avec des armes. Pour qu’ils déposent les armes, il faut appliquer l’accord. Ce n’est que par cette voie qu’on pourra aller sereinement aux élections. Pour organiser des élections fiables, il faut que l’administration soit déployée dans toutes les communes. Il faut aussi que les populations soutiennent l’Etat et l’armée. Même la meilleure armée du monde si elle n’a pas les populations avec elle, il lui sera difficile de remplir ses missions régaliennes. Il faut mettre la population au service de l’armée et il faut que l’armée rassure les populations. Pour ce faire, même les déserteurs doivent être rappelés. Il faut une armée reconstituée. L’armée doit accepte ses déserteurs si c’est le prix à payer pour avoir la paix. Il faut que toutes les composantes du pays soient représentées dans l’armée. L’armée malienne c’est pour tout le monde. Même la France ne peut sécuriser le Nord.

Quel est votre dernier mot pour clore cet entretien ?

Nasser : Il faut aussi réconcilier les communautés entre elles et éviter de s’en prendre à la population pour ne pas faire de frustration. Les peulh sont plus difficile à gérer. Si on trouve une solution au problème peulh, tout le reste sera facile. Ceux qui défendent les intérêts du pays, il faut les motiver. Pour réussir le processus de cantonnement, il est nécessaire d’éviter les erreurs du passé. En effet, ceux qui ont déposé les armes doivent être sécurisés et non pas les laisser dans la nature. Pour cela, il faut les amener dans les grands centres urbains autrement leur vie sera en danger.

 

Source: kibaru

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