Le 5 juin 2020, il y a deux ans, trois organisations de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS), l’Espoir Mali Kura (EMK) et le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) tenaient au Boulevard de l’Indépendance un grand rassemblement pour réclamer la démission du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces patriotiques (M5-RFP) naissait avec d’autres organisations politiques et de la société civile. L’Imam Mahmoud Dicko en devient l’autorité morale. Pendant plus de deux mois, le M5-RFP s’active à travers plusieurs manifestations à la fois pacifiques et violentes, y compris au sein des Maliens établis à l’extérieur.
Deux ans après la gigantesque mobilisation contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta, les espoirs sont-ils comblés ? Les idéaux de la lutte ont-ils été abandonnés ? Chacun a sa réponse. Le Président IBK a été renversé par un coup d’Etat militaire sous la conduite du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Après des mois de cogitation ayant abouti à l’arrestation du Président de transition désigné par les Colonels du CNSP, la Primature a été confiée au M5-RFP en la personne de Dr Choguel Kokalla Maïga.
La lutte unit, le pouvoir divise ! Le M5-RFP qui a fait rêver le peuple est en lambeaux. Le climat interne au sein du mouvement insurrectionnel s’est beaucoup détérioré depuis la nomination du Président du Comité stratégique au poste du Premier ministre.
Déjà, les premières fissures sont apparues dès les lendemains du coup d’Etat du 18 août 2020. Issa Kaou Djim, Nouhoun Sarr et d’autres ont pris très tôt leur distance d’avec le M5-RFP. L’ex-n°10, non moins coordinateur de la CMAS a déclaré même déjà en septembre 2020 que «le M5-RFP est mort de sa belle mort». Un climat de méfiance s’est installé entre le mouvement et son autorité morale.
Le 21 octobre 2020, le Mouvement démocratique et populaire (MDP) annonce sa sortie du M5-RFP déclarant ne plus se reconnaître dans l’orientation du Comité stratégique : «Le comité stratégique a failli, il est passé à côté de la plaque depuis la tenue de la Concertation nationale au cours de laquelle les forces vives de la nation ont adopté la Charte de la transition. Le fonctionnement du Comité stratégique est anti-démocratique ».
Le 16 mars 2021, la Plateforme «Reconstruire Baara ni Yiriwa» de Dr Mahamadou Konaté officialise son départ du M5-RFP en ces termes : «Nous avons quitté le M5-RFP et ce, depuis le 16 mars dernier. Il y a eu des divergences d’approche avec le Coordinateur du Comité stratégique par rapport à la manière de prendre les décisions du mouvement».
Le samedi 14 mai 2022, Cheick Oumar Sissoko, éjecté de la tête d’EMK quelques jours auparavant par un groupe de cadres, dénonce une prise en otage du M5. «La 2e contribution d’EMK pour la réussite de la Transition a porté sur le renforcement de notre outil de lutte, M5 pris en otage et sur la voie d’abandon de ses idéaux. Avec des personnalités et des organisations membres fondateurs nous avons tenté de maintenir notre organisation mère sur ses principes d’organisation et son idéal pour le Mali. Peine perdue ! Des méthodes de voyou ont bloqué la machine. Nous sommes obligés de dire que nous ne reconnaissons pas ce Comité Stratégique et son Président», a déclaré l’ancien ministre de la Culture au cours de ladite assemblée générale d’EMK.
Certains membres du FSD comme le MODEC de Konimba Sidibé et Karoual international d’Abdoul Touré ne sont plus en odeur de sainteté avec le Comité stratégique.
Le jeudi 02 juin 2022, la Plateforme Anw Ko Malidron dirigée par Mme Sy Kadiatou Sow a mis fin à sa participation au Comité stratégique du M5-RFP en dénonçant un «instrument au service d’un seul homme et son ambition personnelle».
Ce qui arrive actuellement au M5-RFP n’est guère surprenant. Car tout opposait ses différentes composantes. À l’exception, bien sûr, de cette volonté de combattre le régime de feu Ibrahim Boubacar Kéita. La lutte unit, le pouvoir divise !
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger