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Entre Nous : La bourde inexcusable d’Aliou Boubacar Diallo

«Franchement, je pense que vu le contexte social de crise au centre du Mali, avoir aujourd’hui un Premier ministre peuhl et un président de l’Assemblée nationale dogon peut participer à la cohésion sociale et un retour rapide de la paix». Ces propos ont été tenus dans les colonnes du quotidien national «L’Essor» n°19160 du mardi 12 mai 2020 par Aliou Boubacar Diallo, élu à Kayes, non moins président d’honneur de l’ADP-Maliba. L’ancien candidat à l’élection du président de la République s’exprimait en marge de l’élection du président de l’Assemblée nationale de la 6ème législature.

De tels propos venant de la part d’un homme comme Aliou Boubacar Diallo aspirant à la magistrature suprême et se présentant comme une alternative crédible, ne doivent pas et ne peuvent pas passer, surtout dans un pays comme le Mali. Une bourde inexcusable. Une sortie ratée. Celui qui aspire à devenir président de la République ne doit pas dire cela. L’opérateur économique-politicien a peut-être oublié ce proverbe selon lequel «il faut tourner sept fois sa langue dans la bouche avant de parler». En français plus facile, il faut bien prendre le temps de réfléchir avant de parler afin de ne pas risquer de regretter ce qu’on dit.

Après la subite incursion des termes «nord» ou «sud» dans les discours même des plus officiels, voilà l’introduction des ethnies dans l’octroi des postes au sein des institutions de la République. On le sait. L’utilisation de ces termes est devenue, depuis belle lurette, un fonds de commerce, une curieuse forme de séduction, une arme de chantage de la part d’une catégorie de citoyens de ce pays au détriment de la cohésion sociale et du vivre-ensemble. Que ceux qui exploitent si insidieusement la fibre régionaliste ou ethnique arrêtent leurs machinations !

Non, Monsieur Aliou Boubacar Diallo ! Cette lecture biaisée, voire fausse de la situation dans la région de Mopti n’est pas digne de quelqu’un qui ambitionne de diriger le Mali. Les problèmes que connaissent les cercles de la région de Mopti et une partie de celle de Ségou ne sont pas ethniques. Ce sont des bandes criminelles qui profitent de la faillite de l’Etat pour attiser les violences intra et inter communautaires. Et ces bandes mafieuses ont enrôlé les éléments de toutes les ethnies dogons, bozos, peuls, dafing, bambara, etc.

Non seulement Aliou Boubacar Diallo doit retirer ses propos, mais en plus, la direction de l’Essor doit présenter ses excuses pour avoir failli à son devoir de responsabilité sociale. Un organe qui mesure toute sa responsabilité en ces moments d’incertitude et d’angoisse ne publie pas des inepties du genre. En juin 2011, l’ORTM a censuré une question embarrassante posée par une animatrice de la radio «Patriote» au président Amadou Toumani Touré lors de sa traditionnelle conférence de presse à l’occasion du 8 juin. Elle a voulu savoir pourquoi le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de la Justice, le Directeur général des Douanes viennent tous du nord. Sans hésiter, la direction de l’ORTM a pris la responsabilité de ne pas diffuser de tels propos.

Pour combattre des dérives comme celles-ci, la presse doit continuer à dénoncer afin de ne pas semer davantage les graines de la division. Au journal « Le Challenger », nous sommes contre toutes manœuvres qui visent à favoriser ou à valoriser le jugement de tel ou tel cadre sur la base de son nom de famille ou de son origine. Nous estimons que des termes comme «cadre du nord », «cadre du sud », «femme du nord», «femme du centre», «femme du sud», «élu du nord», «élu du pays dogon» doivent disparaître à jamais des discours. L’utilisation de ces termes équivaut à un cancer qui se propage à une vitesse exponentielle dans le corps social au Mali et qui risque de devenir un vaste champ de ruines. Que Dieu nous garde !

Chiaka Doumbia/

Source: Le Challenger

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