Acteur majeur du Mouvement démocratique, Soumeylou a été de tous les combats pour les causes justes. Spécialiste des manifestations populaires contre la dictature sanguinaire du Boucher de Bamako, Soumeylou s’est toujours tenu aux avant-postes du sursaut pour la liberté et la dignité des Maliens. Journaliste de profession et policier dans l’âme, Soumeylou, organisateur hors pair des mouvements anti-dictature, traçait les itinéraires et détectait les moindres couacs ou infiltrations. Son talent et son esprit méthodique ont plusieurs fois permis d’éviter les pièges du dérapage dont la dictature prenait la scabreuse habitude de parsemer le chemin des militants pro-démocratiques.
Homme de dossier, Soumeylou a eu un parcours professionnel et politique singulier. Tour à tour et avec brio, il est passé de la rédaction du journal Soundiata, avant la chute de la dictature sanguinaire de Moussa Traoré en 1991, au cabinet du Président Alpha Oumar Konaré, puis à la Sécurité d’Etat, avant d’entamer une carrière presqu’ininterrompue de ministre des Affaires étrangères ainsi que de la Défense. Exercice ministériel à répétition qui le conduira dans le fauteuil délicat de Premier ministre.
Homme politique de renom, fin stratège, Soumeylou était tantôt aimé, tantôt craint, mais toujours respecté à cause certainement de sa profonde connaissance de la politique et des différents acteurs politiques, sociaux et syndicaux du Mali. Membre fondateur du Parti Adema PASJ, Soumeylou y a occupé plusieurs postes jusqu’à la vice-présidence. En 2013, il a créé le parti ASMA-CFP. Il œuvrera plus tard pour un rapprochement avec la formation Adema PASJ, hélas ! sans succès.
Accusé, dans un rapport produit par le bureau du Vérificateur Général, d’être impliqué dans des malversations dans l’affaire dite de « l’achat de l’avion présidentiel », Soumeylou affirma, dans son mémoire, en réponse aux accusations, que « le Président de la République, IBK, était informé en temps réel. » « Autrement dit, a-t-il insisté, c’est le Président qui a conclu ces négociations. »
Or, ce qui interroge dans ce dossier, c’est qu’à aucun moment, la vérité de Soumeylou n’a eu voix au chapitre dans un pays où l’on prétend actuellement faire prévaloir l’Equité. Allez savoir ! Allez comprendre !
Après les 2 coups d’Etat dans notre pays, Soumeylou sera inculpé pour, entre autres, cette même affaire. Soumeylou a toujours clamé son innocence et a souhaité pouvoir se défendre devant la Justice et devant le peuple malien. Malade et incarcéré sans jugement, Soumeylou a su, c’est là un autre de ses mérites, garder la tête de sa dignité haute face à l’adversité politique.
Emus de son sort médical, ses avocats, sa famille et ses compagnons ont demandé son évacuation à l’extérieur afin qu’il bénéficie de soins plus appropriés. En vain ! Celui qui s’est battu toute sa vie contre la dictature et en particulier contre le tristement célèbre bagne mouroir de Taoudenit, après 30 ans de démocratie, a fini sa vie dans une prison, et sans jugement ! Inacceptable ! Soumeylou est parti finalement libre sans pouvoir dire au peuple ses vérités. Mais ce n’est que partie remise. La seule chose commune à tous les vivants, c’est la mort ; et chacun y prendra sa part, au moment venu.
Repose en paix, Soumeylou. Tu n’as pas vécu inutile !
Hamidou Konaté
Source: Les Échos- Mali
