Dans la nuit du 16 au 17 mai 2022, le ministre porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maiga habillé en tenue militaire, le ton solennel, a lu, sur les antennes de la chaine nationale, un communiqué dénonçant une tentative de coup d’Etat qui se serait déroulé du 11 au 12 mai 2022. Selon le porte-parole du gouvernement, c’est un groupuscule d’officiers et de sous-officiers anti progressistes maliens soutenus par un Etat occidental qui a tenté un coup d’Etat. En la forme, toute prise de pouvoir par des moyens autres que la voie des urnes doit être condamnée par tout bon démocrate et républicain, y compris celle du 20 Août 2020 par le CNSP. Car un coup d’Etat par définition étant un renversement du pouvoir par une personne ou un groupe de personnes de façon illégale souvent brutale ne saurait s’accommoder des principes démocratiques où le peuple exerce librement sa souveraineté. Donc tout coup d’Etat est anti constitutionnel et anti démocratique.
Maintenant celui du 11 au 12 mai 2022 dont le communiqué de dénonciation et de condamnation a été lu une semaine après le forfait nous amène à nous poser beaucoup de questions de compréhension. La première est celle de savoir pourquoi les autorités ont attendu presqu’une semaine pour dénoncer cette tentative de coup d’Etat ? La seconde question est qu’en la matière une tentative de coup d’Etat est d’autant plus grave qu’un simple communiqué qui ne donne ni de précisions de taille concernant les auteurs encore moins les mobiles, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur le vrai-faux coup d’Etat ? La troisième question et pas la moindre est celle de savoir si toutes ces manouvres n’ont pas pour but de restreindre les marges de liberté en mettant le pays sous un état de siège qui ne dit pas son nom ? Le Mali, isolé diplomatiquement, asphyxié financièrement et harcelé par les terroristes, fait aujourd’hui face à son destin historique, celui d’un pays isolé qui est en brouille avec presque tous ses voisins immédiats. Aujourd’hui, les ingrédients d’une crise sociopolitique sont visibles et faute des solutions idoines, le pays ne sera pas à l’abris des remous. Donc afin de prévenir à une éventuelle grogne sociopolitique, les autorités mettent des gardes fous pour étouffer toute velléité révolutionnaire. Donc le Mali est en train de s’acheminer infailliblement vers une zone de turbulence. Le vrai-faux coup d’Etat fomenté à dessein aurait pour but de semer la psychose.
Qu’on ne s’y trompe pas la crise politique consécutive au coup d’Etat, couplée à la crise sociale gravissime, due non seulement à la guerre Russo-Ukrainienne, mais aussi et surtout aux sanctions de la CEDEAO- UEMOA et face à une gestion catastrophique de ces crises par le gouvernement, il est fort à parier que les jours à venir seront tumultueux. Les syndicats ont déjà commencé à fourbir leurs armes. En effet, l’Union Nationale des travailleurs du Mali, UNTM, la Synergie des enseignants, regroupant ceux du fondamental et les enseignants du secondaire, pour ne citer que ces deux grandes structures représentant les 2/3 des travailleurs du Mali, ont déjà annoncé les couleurs. Les autorités de la transition ont désormais du plomb dans les ailes et nombreux sont les observateurs qui pensent que cette troisième tentative de coup d’Etat n’est ‘rien d’autre qu’une manœuvre dilatoire consistant à tuer dans l’œuf toute velléité révolutionnaire et à semer la psychose au sein de l’opinion. Les tenants du pouvoir ont désormais la peur dans le ventre, car mesurant les conséquences d’une grogne sociale, ils utilisent toutes sortes de subterfuges pour désamorcer la bombe sociale. En tout cas que le peuple dispose d’une arme fatale qui est celle de manifester pour exprimer son mécontentement. Cette arme peut arriver à bout de tout régime. C’est pourquoi il est fort probable que ce coup d’Etat soit ce moyen pour faire taire les forces hostiles.
En somme, il ne serait pas surprenant de voir les autorités de la transition prendre des mesures drastiques pour interdire, au mieux des cas, toutes manifestations ; sinon au pire des cas empêcher ou mater toute rébellion vis à vis de l’autorité. Il est temps de trouver un large consensus des forces vives de la nation afin de tracer une nouvelle trajectoire permettant à notre pays de sortir de cette gravissime crise
Youssouf Sissoko