La rétrocession par la MINUSMA du camp de Ber aux Forces Armées Maliennes a été le facteur déclencheur des hostilités entre FAMA et CMA. Depuis les tensions ne font que monter d’un cran jusqu’à devenir une guerre totalement ouverte entre deux entités d’une même nation. Avant les hostilités militaires une guerre de communication semble prendre le dessus. Pour la CMA, les FAMA ont attaqué l’une de leurs positions à Ber. Se référant au cessez-le feu signé en 2014 la CMA revendique cette entité comme faisant partie de son territoire, celui de l’hypothétique Azawad et par conséquent elle semble être en droit de la défendre.
Tandis que pour les FAMA, malgré l’accord de paix les conclusions des rapports entre la MINUSMA et le Gouvernement font état de la rétrocession de tous les camps que la Mission Onusienne occupe aux FAMA. Différence de lecture et d’approche entre deux parties liées par le sang, l’histoire, la géographie, la culture et surtout un Accord. Toutes ces valeurs n’ont nullement empêché les affrontements. Et face à la puissance de feu des FAMA les combattants de la CMA ont dû fuir Ber pour aller se préparer aux hostilités qu’elle a enclenché avec la triple attaque du Bateau et de deux camps militaires dont celui de Gao. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que c’est le début de la reprise des hostilités entre deux parties d’une seule et même entité, n’en déplaise aux va-t’en guerre.
Le hic est que ce combat semble non seulement réveiller les vieux démons de la haine, mais aussi de la guerre entre frères d’un même pays, alors même que l’ennemi commun à ces deux est le terrorisme. Pour rappel les affrontements de ces quelques jours ont fait plus d’une centaine de morts dont les 2/3 sont des civils innocents. Et cela dans plusieurs attaques terroristes que l’on pourrait attribuer à la CMA et ses supplétifs Djihadistes, suivies des ripostes cinglantes de l’armée malienne. En effet, cette reprise des hostilités semble donner un coup de massue pour ne pas dire enterrer définitivement l’Accord pour la paix et la réconciliation signé en 2015. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir si tous les ressorts qui ont fait de ce vieux pays millénaire une nation sont-ils tous cassés au point de ne pas trouver un compromis dynamique et éviter le bain de sang. Les deux parties liées par cet Accord vont-elles céder aux discours va-t’en guerriers de ceux qui ne vivent que de crise ?
Face au péril djihadiste une union sacrée s’impose entre les enfants d’un même pays, pour non seulement former un bloc compact qui aura valeur de rempart contre les ennemis de la paix et de la concorde que sont les terroristes, mais aussi et surtout pour ne pas multiplier les fronts. Donc il n’est jamais trop tard pour bien faire, les deux parties doivent accepter de reprendre la voie du dialogue afin d’aboutir à un règlement pacifique de la crise qui les oppose. La guerre ne doit être que l’ultime solution et cela lorsque toutes les recettes échoueront. Vieux pays de dialogue et de compromis le Mali ne pourrait jamais manquer des ressources humaines compétentes pour juguler cette crise. Il est alors urgent d’entreprendre toutes les démarches qui concourent à la culture de la paix. Pourquoi ne pas faire l’économie du temps, des moyens militaires et des ressources humaines pour le consacrer à la lutte véritable contre les ennemis communs aux deux parties, à savoir les narcoterroristes qui sont encore plus dangereux. Que l’on comprenne que même en cas de victoire des FAMA sur les ex rebelles, c’est le Mali qui perdra, car une guerre a plus d’inconvénients que d’avantages surtout quand elle est fratricide. A ce rythme il n’est nullement à exclure que la CMA affaiblie n’établisse une relation, même contre nature, avec les terroristes pour combattre les FAMA. En effet, quand les ex-rebelles se rendront compte qu’ils ne feront pas le poids devant les Forces de défense et de sécurité du Mali, ils pactiseront avec le diable pour faire du mal. Ainsi pour éviter un embrasement général de la zone le gouvernement devra gérer avec tact la crise qui l’oppose à la CMA en reprenant la voie du dialogue.
En définitive, le Mali faisant face à une crise multidimensionnelle a besoin de toutes les intelligences pour la juguler. La paix étant le sous bassement de tout développement, il n’y a aucune alternative pour l’atteindre si ce n’est par le travail, l’union des cœurs et d’esprits, le dialogue fécond et parfois le compromis, mais jamais la guerre.
Youssouf Sissoko
L’Alternance