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Dr Mamadou Bakaye DEMBELE : « La réquisition des magistrats : le gouvernement dans une posture d’illégalité manifeste » !

Nul besoin d’aller en Chine pour dire que la terre tourne autour du soleil. La loi n°87-48 AN-RM du 10 Août 1987 relative aux réquisitions de personnes, de biens et de services n’a pas vocation à s’appliquer à cette situation de grève des magistrats. La lecture de l’article 1er de cette loi 87 ne laisse aucun doute sur son domaine d’application, réservé aux « seuls cas prévus par les lois sur l’organisation générale de la défenseet sur les états d’exception. »  La première expression « l’organisation générale de la défense » renvoie à la sécurité, la défense de l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions. La seconde expression « les états d’exception », mentionne la doctrine majoritaire, est la situation dans laquelle l’Etat, confronté à un péril grave, ne peut assurer sa sauvegarde qu’en écartant l’application de certains droits des citoyens.

La réquisition des magistrats ne répond ni à un besoin de sauvegarde de l’intégrité du territoire ni à celui de protection de la population contre les agressions. Donc le contexte de l’organisation générale de la défense peut être rapidement écarté, sans autre forme de commentaire. S’agissant des états d’exception les deux principales caractéristiques sont : d’une part, l’existence d’un péril grave menaçant la survie de l’Etat et d’autre part, l’inexistence d’un moyen de sauvegarde autre que la suspension de l’exercice de certains droits des citoyens. Utiliser la notion d’états d’exception pour justifier la réquisition des magistrats ne résiste pas à une analyse sérieuse pour la raison de l’inexistence des deux éléments caractérisant la notion. Premier élément de la notion : l’existence d’un péril menaçant la survie de l’Etat, la grève des magistrats ne menace aucunement la survie de l’Etat malien, mais plutôt un facteur qui renforce l’Etat de droit au Mali par consolidation de l’indépendance de la justice. Deuxième élément de la notion : l’inexistence d’un moyen de sauvegarde autre que la limitation de l’exercice de certains droits des citoyens, cette deuxième branche de la notion peut être aussi écartée car il existe une solution autre que la réquisition. L’Etat a pris un engagement ferme de modifier la grille salariale dans un délai fixe et bien d’autres, c’est le non respect de ces engagements qui a déclenché cette grève actuelle des magistrats. Le gouvernement fautif ne trouve aucun moyen de réparer les conséquences de ses propres fautes à l’égard des magistrats et des justiciables que d’imputer la charge aux victimes.

Rendre la justice exige du juge des connaissances techniques, mais aussi qu’il soit de bonne foi. Pour cela, il est extrêmement risqué de réquisitionner le juge pour juger contre sa volonté, car étant en grève. La réquisition même étant légale, le juge qui refuse l’exécution, la sanction qu’il devrait écoper pour ce refus doit être prononcé par lui-même. En d’autres termes, si le juge refuse l’exécution de la réquisition, il doit se sanctionner lui-même. Si le refus est d’un seul juge, la solution n’est point difficile à trouver, mais lorsqu’il s’agit de l’ensemble de la corporation la menace de sanction devient une illusion. De toute évidence, les deux pouvoirs s’affrontent, le pauvre peuple paye les frais.

La seule solution qui s’offre à l’Etat malien c’est de régler les doléances des magistrats sinon les juges aussi bien que les justiciables illégalement détenus sont fondés à saisir la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

Si la réquisition n’est pas possible dans le cas d’espèce, car les conditions d’application  n’étant pas réunies, ce qui serait possible c’est la poursuite du ou des auteur (s) de la réquisition conformément à l’article 26 de la loi 87 ci-dessus visée.

Dr Mamadou Bakaye DEMBELE, enseignant-chercheur en droit privé, USJPB

Mali24

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