C’est un véritable bras de fer qui se joue actuellement à huis clos à l’ONU : les États-Unis tentent d’imposer leur candidat à la tête de la Minusma et plaident pour une baisse des effectifs de l’opération de maintien de la paix. Deux exigences que refuse Paris.
C’est une candidature américaine qui n’a pas manqué de hérisser les diplomates français. Ne mâchant pas ses critiques sur le représentant spécial du secrétaire général (RSSG) des Nations unies pour le Mali, le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, Washington tente depuis plusieurs semaines d’imposer son propre candidat à la tête de la mission onusienne : David Gressly. Actuel n°2 de la Monusco, la mission de l’ONU en RDC, le diplomate américain est un familier des arcanes onusiens et du contexte malien. Avant de rejoindre la Monusco, David Gressly était à la tête du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Mali.
Qui pour remplacer Annadif ?
Si un départ de Mahamat Saleh Annadif, ancien ministre des affaires étrangères tchadien et RSSG au Mali depuis 2015, semble quasi acté, le nom de son potentiel successeur fait l’objet d’intenses tractations. Paris ne cache pas ses réserves sur David Gressly et plaide pour une candidature africaine. Depuis quelques jours, le nom de l’actuel sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix pour l’Afrique, la Guinéenne Bintou Keita, circule au sein de plusieurs missions diplomatiques new-yorkaises. Ex n°2 de la Minuad, celle-ci n’est en revanche pas vraiment candidate pour le poste. Autre nom avancé : l’ancien directeur du département paix et sécurité de l’Union africaine (UA), le Mauritanien El Ghassim Wane. Fin connaisseur du Sahel, le diplomate avait démissionné à l’été 2019 de son poste de chef de cabinet du commissaire de l’UA, Moussa Faki Mahamat.
Washington veut une échéance de retrait sur trois ans
L’autre front diplomatique sur lequel s’écharpent Washington et Paris est celui du texte de la résolution du renouvellement de mandat de la Minusma. Les négociations commencées il y a une dizaine de jours se déroulent dans un climat pour le moins tendu. Les diplomates américains souhaitent que la résolution mentionne une « échéance de retrait » à trois ans. En d’autres termes, Washington entend introduire de façon inédite un plan de désengagement graduel de la mission onusienne. Une demande à laquelle Paris, qui assure la rédaction de la résolution, est jusqu’à maintenant très fermement opposée.
Sur le plan opérationnel, Washington se montre tout aussi intransigeant et affiche une vive opposition à la descente des soldats de la Minusma dans le centre du Mali. Le mandat initial de l’opération de l’ONU se limite théoriquement au nord du pays, mais, face à la dégradation de la situation sécuritaire dans le centre malien, la France plaide depuis plusieurs mois au Conseil de sécurité pour un déploiement partiel dans le centre. Enfin, Washington reste très sceptique sur les mécanismes de coordination existants entre la Minusma et le G5 Sahel, que les États-Unis ne soutiennent que du bout des lèvres.
Audit et baisse de budget
Dès février, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo avait donné le ton en dépêchant à Bamako une mission du département d’Etat composée de diplomates et militaires chargés de mener un véritable « audit » de la mission onusienne. La délégation américaine s’était notamment entretenue avec Mahamat Saleh Annadif le 13 février avant de rejoindre les quartiers de la Minusma à Gao, dans le nord du pays. Le constat dressé par le rapport de mission n’avait pas été tendre, fustigeant notamment les coûts de fonctionnement de la mission de l’ONU pour des résultats jugés limités.
Ayant fait campagne contre les budgets « exorbitants » des opérations de maintien de la paix des Nations unies, Donald Trump s’efforce de mettre cette mesure en pratique. Son équipe diplomatique devrait plaider pour un retrait d’un millier de Casques bleus sur les 11 200 que compte la Minusma. In fine, Washington espère pouvoir obtenir une baisse de 10 % du budget
Source : Africa Intelligence