Idrissa Touré alias Nani, l’un des porte-étendards du ballon rond a tiré sa révérence à l’âge 80 ans, le 25 octobre dernier à l’hôpital militaire de Kati, des suites d’une longue maladie. Il a été conduit par une foule des grands jours à sa derrière demeure au cimetière d’Hamdallaye, le dimanche 28 octobre, à travers une cérémonie digne de son rang de Chevalier de l’Ordre national et de sportif légendaire du Mali.
Etaient présents à ce dernier grand hommage à Nani, sur le terrain de la commune III du district de Bamako, des membres de la famille, amis et proches de l’illustre disparu, des amoureux du ballon rond, des membres du gouvernement dont le ministre des Sports, Me Jean Claude Sidibé, le président l’Assemblée nationale, Issiaka Sidibé, ainsi que des personnalités religieuses et coutumières. Nani, comme on le surnommait, est considéré par plus d’un comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du sport-roi malien dont le nom résonnera à jamais à travers le temps et l’espace. Il est, selon certains amoureux du football, sans conteste le meilleur ailier que le Mali a connu.
Au cours de cette cérémonie funèbre, le général de brigade, Amadou Sagafourou Guèye, a rendu au défunt, au nom du président de la République Ibrahim Boubacar et toute la nation malienne, un vibrant hommage. Des témoignages de parents, amis et coéquipiers ont défini l’illustre disparu comme un homme d’honneur et de grande fierté nationale.
Issiaka Touré “Nani” a vu le jour en 1938 à Dravela, un quartier populaire de la capitale malienne. Il débute sa carrière de footballeur sous les couleurs du Racing Club de Bamako (Rcb) où il a signé sa première licence en 1957. A l’indépendance du Mali en 1960, le Racing Club de Bamako fusionne avec l’Avenir pour donner l’AS Réal. C’est naturellement qu’il enfile la tunique des Scorpions de Bamako et se révèle être un des hommes forts du dispositif offensif de l’équipe. Avec l’AS Real de Bamako, il gagne 6 des 9 coupes du Mali entre 1961 et 1969. Il joue aussi avec le Stade malien de Bamako la finale de la première Coupe d’Afrique des clubs champions, perdue 1-2 à Accra, le 07 février 1965, face à l’Oryx de Douala. L’année suivante, il perd encore en finale de la même compétition face au stade d’Abidjan.
Au-delà des clubs, Idrissa Nani Touré a aussi écrit de belles pages dans la sélection nationale du Mali où il sera considéré comme l’un des meilleurs ailiers de l’histoire du football malien. Au sein de celle-ci, il a pu établir une grande complémentarité avec des noms comme Abdoulaye Diawara “Blocus” qui continue de l’appeler “Partenaire”ou Karounga Keïta avec qui il répond au sobriquet “associé”. Cette génération de footballeurs d’élite qui comprenait aussi Sidy Diarra, Ousmane Traoré, “Ousmane Bleni”, Cheickna Traoré “Kolo National”, Moriba Dembélé, Mamadou Doudou Diakité, Salif Keïta Domingo ou Yacouba Samabally était admise aux ordres de feu Ben Oumar Sy. Avec l’équipe nationale, Nani connaitra des heures de gloire, notamment lors de la coupe Kwame NKrumah en 1963 où il a été médaillé d’argent. Ou encore lors des 1ers Jeux africains de Brazzaville en 1965 où il est également sorti avec la médaille d’argent.
Après avoir arrêté sa carrière de footballeur en 1973 avec l’équipe nationale et en 1974 avec son club de toujours, l’As Réal, Idrissa Touré “Nani” s’est converti en entraineur. Il mettra ainsi à profit son diplôme d’entraîneur obtenu en 1971 à Leipzig en Allemagne, après 8 mois de formation. Dans ce métier, il fera ses débuts avec l’As Real de Bamako et ensuite avec les équipes nationales du Mali. De 1981 à 1987, avec un intermède à Paris pour une formation, il gagne 3 titres de champion (1981, 1983 et 1986) et échoue deux fois en finale de coupe du Mali (1981 et 1987). Après la défaite en finale de coupe du Mali face au Sigui de Kayes en 1987, il quitte son poste et prend place dans l’encadrement administratif comme secrétaire général du club. Entre temps, il conduit les Aigles après le départ de l’Ukrainien Nikolaï Holovko, en 1982. Il est ensuite assistant de l’Allemand Steve Manfred, avec lequel, ils ne parviendront pas à qualifier les Aigles pour la CAN 1984. Nani a néanmoins pu amener les Aigles en demi-finale de la coupe Amilcar Cabral en 1983 à Nouakchott en Mauritanie. Par la suite, il a conduit l’exceptionnelle génération des Aiglons à la finale du championnat d’Afrique Juniors en 1989, et surtout à la 5e Coupe du monde Juniors en 1989, en Arabie Saoudite. C’était avec de grands noms comme Oumar Guindo, son fils feu Sory Ibrahim Touré Binké Touré, Malick Tandjigora, Boubacar Barry et Mamoutou Tolo, Bouba Diabaté, N’Faly Kanté, Harouna Coulibaly, Boubacar Sissoko, Oumar Sidibé, Mamoutou Kané alias Mourlé et bien d’autres.
Après un nul et de deux défaites pour cette première participation du Mali à la Coupe du monde de la catégorie au Royaume saoudien, il revient au pays et s’occupe de l’administration de son club, jusqu’en 1992 où un différend avec la direction du club, suite au transfert de son fils feu Binkè du Real au Stade malien, l’oblige à quitter son poste. Malgré tout, il ne s’éloigne pas de la vie des Scorpions et fait office, aux côtés d’autres anciens, de gardien du temple jusqu’à ce jour du 28 octobre 2018 où il s’en est allé, laissant dernière lui un monde footballistique malien attristé et nostalgique. Nani est le père des footballeurs Sidi Bekaye Touré dit Papa, feu Sory Ibrahim Touré dit Binkè, Bassala Touré, Cheick Sadibou Touré et Almamy Touré qui évolue actuellement sous les couleurs de l’As Monaco (France).
Dors en paix champion !
Youssouf Koné
Source: Aujourd’hui-Mali