La bande de présumés escrocs a été prise dans le feu de l’action à Faladié par la gendarmerie du Camp I. Le groupe, composé de 3 nationalités différentes, a extorqué d’importantes sommes d’argent par Orange Money, à des dizaines de personnes en leur miroitant des marchés juteux à l’hôtel Radisson Blu ou à Sheraton.
Le Colonel Abdoulaye Haïdara, chef du Service d’Investigation judiciaire (Sij) du Camp I de la gendarmerie de Dar Salam, a réussi le coup de l’année. Ses agents ont démantelé un gang de cybercriminels ou brouteurs, le jeudi 18 août 2022. Il s’agit vraisemblablement d’un réseau international, qui évolue dans l’escroquerie via Orange Money et dont les ramifications s’étendent dans la sous-région. Les suspects arrêtés sont Togolais, Camerounais et Nigérians.
Le Camp I a été alerté par de nombreuses plaintes émanant de Radisson Blu de Bamako (appartenant à notre compatriote Cessé Komé) et de plusieurs particuliers de différentes catégories socioprofessionnelles. Ces derniers ne se rendaient compte qu’ils ont été floués que lorsqu’ils se retournaient vers Radisson Blu et de Sheraton pour un prétendu juteux marché de fourniture de denrées alimentaires contracté avec des vrais faux fournisseurs escrocs.
Le Colonel Haïdara et ses agents étaient à la recherche du gang depuis plusieurs semaines. Ils sont parvenus à tracer la présence de ces quidams dans un hôtel de Faladié, près de l’Institut national des Jeunes Aveugles (Ija). Mieux, un de leurs comptes Orange Money a été identifié. C’est ainsi que la tête de la bande (un Camerounais), a été formellement reconnue dans une image de vidéo surveillance, au cours du retrait d’argent dans une agence Orange Money en Commune VI.
Toutes ces informations réunies, l’assaut a été donné le jeudi 18 août, dans la matinée, par le Camp I. Le cerveau de la bande portait les mêmes habits (un tee-shirt jaune et une culotte Jean) sur la vidéo enregistrée dans l’agence Orange Money, quelques jours plus tôt. Ce qui l’a confondu, car il tentait de nier les faits.
Au nombre de 5, ils ont été conduits manu militari au Camp I, où les enquêtes sont ouvertes après leurs auditions. Il semble que d’autres membres du groupe (un Ivoirien et un Malien) manquent à l’appel. Ils seraient rentrés en Côte d’Ivoire, selon les aveux des bandits. Le colonel Haïdara ne croit pas en cette version et pense qu’ils sont encore sur le territoire malien.
Arsenal de matériels de cybercriminalité
Le gang a été pris avec un arsenal de matériels de cybercriminalité : 24 téléphones portables, des coupures de billets en Euro et CFA, un riche répertoire téléphonique comportant des noms d’honnêtes citoyens, (directeurs de services et PDG de groupes, opérateurs économiques, hauts gradés de l’armée, de journalistes dont votre fidèle serviteur, etc.), des câbles de connexion, entre autres.
Des plaintes continuent de pleuvoir au Camp I. Beaucoup de commerçants du nord, des banquiers, des femmes opératrices économiques travaillant dans l’agro business, etc., sont tombés dans les mailles de ces filous. Certains ont été spoliés de 500 milles F CFA, d’autres de 3 millions, voire de 30 millions de F CFA. Bien que le décompte des biens issus de leurs forfaits n’est pas encore fini, le préjudice pourrait atteindre plus de 100 millions de F CFA, vu le nombre de personnes arnaquées.
Le mode opératoire des cybercriminels de Bamako consistait à appeler leur cible sur son téléphone. Votre fidèle serviteur mis au parfum par une connaissance de Radisson Blu, n’est heureusement pas tombé dans leur traquenard.
L’appelant se présente sous différents noms chaque fois qu’il communique avec un client. Il s’identifie tantôt comme M. Diakité, tantôt Yacouba, etc. A certains, il dit être un ancien cuisinier exerçant à Radisson Blu de Bamako, qui a eu une promotion interne en étant nommé responsable marketing et communication, après une formation à Paris. A d’autres, il se présente comme responsable d’approvisionnement ou chef cuisinier du même hôtel ou de Sheraton. Selon les témoignages de certaines victimes, il s’agit d’une équipe bien organisée composée de femmes qui jouent le rôle de secrétaires, d’un individu qui se présente comme un Français avec un accent français et qui serait le patron, qui sélectionne et valide toutes les commandes lancées.
Le faux M. Diakité ou Yacouba, pour appâter sa victime, allie l’utile à l’agréable en lui proposant de passer le jour et l’heure qui lui conviennent, prendre un pot avec lui à l’hôtel avec des plats et des jus faits maison. C’est après qu’il lui miroite un marché mirobolant de fourniture de denrées alimentaires (pomme de terre, poisson, viande, fonio, légumes frais et condiments bio, huile, riz, lait, etc.) avec un préfinancement de l’hôtel allant de 15 à 20 millions de F CFA.
Mais chose curieuse, lui il peut joindre son correspondant, mais demeure injoignable sur le même numéro. Tous ses appels se passent avec un nouveau numéro, le précédent étant sur répondeur. Il dit toujours qu’il était déchargé à cause de ses nombreux appels et sollicitations.
Lorsqu’il gagne la confiance de son correspondant, en lieu et place du préfinancement proposé, il le convainc de faire lui-même le premier pas avec des acomptes. Une fois le marché conclu par échanges téléphoniques, le brouteur demande un paiement par Orange Money. Dès que la somme convenue est versée, l’escroc disparaît dans la nature. Le tour est joué. Il demeure introuvable jusqu’à ce jeudi 18 août, où la bande est tombée.
Une autre bande appréhendée à Abidjan
Une autre bande opérant dans le broutage (un phénomène qui a vu le jour en 2000), avec le même mode d’opération, a été appréhendée le 29 juillet dernier, à Abidjan par la « Section d’Analyse des Traces technologiques » de la « Cellules Enquêtes numériques » de Côte d’Ivoire. Le cerveau de la bande nommée Seumga Landry (lui aussi Camerounais) a été mis au frais. Il a été arrêté avec un important répertoire téléphonique comportant les noms du personnel du ministère ivoirien de l’Economie et des Finances, 3 téléphones sans puce, plusieurs cartes de visite, 3 agendas.
M.Landry qui s’est présenté à sa victime comme le responsable restauration de l’Hôtel Radisson Blu d’Abidjan (du même Cessé Komé), a été arrêté au cours d’un retrait dans une agence Orange Money à Abidjan, suite à la plainte d’une dame à qui il avait subtilisé plus de 5 millions de F CFA, payés par Orange Money. Ladite somme a été aussi versée pour un marché de fourniture de vivres et de non vivres à l’hôtel Radisson Blu d’Abidjan.
Après Abidjan, l’étau se resserre sur les arnaqueurs de Radisson Blu de Bamako et de Sheraton. Le gang est-il définitivement mis hors d’état de nuire ? Que non. Le vendredi, soit 3 jours après l’arrestation de 5 d’entre ces brouteurs, des personnes ayant été contactées pour des supposés marchés ont appelé à Radisson Blu. Elles aussi ont été informées qu’elles ont à faire à des arnaqueurs et que l’hôtel disposant de sa base de données de fournisseurs ne passe jamais par d’autres voies pour s’approvisionner en vivres et non vivres.
En tout état de cause, après les investigations, le Procureur de la République près le tribunal de la Commune III prendra le relais du Camp I pour faire toute la lumière sur cette cybercriminalité, qui a ruiné les affaires de plus d’un Malien.
Affaire à suivre.
Abdrahamane Dicko
Source: Mali Tribune