Raul Castro, premier secrétaire du Parti communiste cubain (PCC), a dénoncé mardi le retour des Etats-Unis à une politique hostile envers l’île socialiste, à l’occasion du 60e anniversaire de sa révolution. « A nouveau, le gouvernement des Etats-Unis semble prendre le chemin de la confrontation avec Cuba et présenter notre pays pacifique et solidaire comme une menace pour la région », a déclaré l’ex-président (2008-2018) lors d’un discours prononcé face au cimetière de Santiago de Cuba (sud-est), où repose son frère Fidel, décédé fin 2016. Washington et La Havane avaient entamé en décembre 2015 un rapprochement historique, rétablissant leurs relations diplomatiques après des décennies d’hostilité, mais l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, début 2017, a sonné le glas de cette réconciliation.
Tout en maintenant l’embargo économique imposé depuis 1962, M. Trump accuse Cuba de faire partie, avec le Venezuela et le Nicaragua, d’une « troïka de la tyrannie ». « Une fois de plus, ils veulent rendre Cuba coupable de tous les maux de la région », a regretté Raul Castro, 87 ans, vêtu de son uniforme militaire et parlant d’une voix enrouée. « Je réitère notre disposition à cohabiter de manière civilisée malgré les différences, dans une relation de paix, respect et bénéfice mutuel avec les Etats-Unis », a-t-il ajouté, accusant « l’extrême droite en Floride », où vivent de nombreux exilés cubains, d’avoir « confisqué la politique des Etats-Unis envers Cuba ».
M. Castro s’exprimait à l’occasion des 60 ans de la révolution cubaine, qui a été une indéniable source d’inspiration pour la gauche en Amérique latine mais est aujourd’hui fragilisée par la crise économique et l’isolement politique, la région ayant largement viré à droite. Hasard du calendrier, l’anniversaire coïncidait avec l’investiture au Brésil du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui a promis que le drapeau de son pays ne serait « jamais rouge » et dit vouloir lutter contre les gouvernements du « dictateur cubain » Miguel Diaz-Canel et du « dictateur vénézuélien » Nicolas Maduro. Ce dernier a été un des rares dirigeants étrangers à saluer La Havane en ce jour historique, en louant « 60 ans d’indépendance, de courage et de dignité ».
Les présidents bolivien Evo Morales et nicaraguayen Daniel Ortega ont aussi envoyé leurs félicitations. Maduro, Morales et Ortega sont les derniers survivants d’une vague rose qui avait conquis l’Amérique latine, avant de fortement refluer ces dernières années: avant le Brésil, l’Argentine, le Chili ou encore le Pérou ont basculé à droite. Même sur l’île, « l’héritage historique de la révolution cubaine semble très usé, tant d’un point de vue politique qu’économique », estime Jorge Duany, directeur de l’Institut de recherches cubaines de l’Université internationale de Floride.
Car Miguel Diaz-Canel, président depuis avril, ne jouit pas de la même légitimité historique que les frères Castro. A 58 ans, il est plus jeune que la révolution.
Pour le dissident Vladimiro Roca, la révolution « va s’éteindre sous son propre poids »: « D’abord, la jeunesse en a marre, elle ne croit en rien de tout ça, et ensuite (la révolution) n’a plus aucun soutien à l’étranger ».
Porteuse de grandes avancées sociales dans la santé et l’éducation, la révolution castriste avait séduit la population cubaine, au sortir de la dictature.
Mais elle a vite été critiquée par la communauté internationale sur les droits de l’homme et les prisonniers politiques (une centaine selon les organisations dissidentes). Economiquement, elle est à bout de souffle: la croissance stagne autour de 1%, insuffisante pour couvrir les besoins de la population, soumise aux pénuries alimentaires. Et La Havane ne peut guère compter sur un coup de pouce de ses alliés alors que le Venezuela, en crise, peine à l’approvisionner en pétrole. Soutiens politiques, la Russie et la Chine ne sont pas disposés à subventionner ce pays comme l’a fait l’Union soviétique pendant 30 ans. « Un défi, c’est l’économie, qui est asphyxiée », a reconnu Raul Castro, accusant une fois de plus l’embargo américain, qui a coûté l’an dernier « 4,321 milliards de dollars » à Cuba.
Il a appelé à réduire les dépenses inutiles, à diversifier les exportations mais aussi à « encourager les investissements étrangers » qui « ne sont pas un complément, mais un élément fondamental » pour relancer l’économie.
L’Essor