La Cour de Justice de l’UEMOA vient de rendre une ordonnance portant suspension des sanctions adoptées par la Conférence des Chefs d’État de l’UEMOA contre le Mali le 9 janvier 2022. Dans son verdict rendu ce jeudi 24 mars, la Cour de la justice de l’UEMOA a instruit la suspension des sanctions économiques et financières prises par les chefs d’État de l’UEMOA contre le Mali le 9 janvier dernier au sommet à Accra. En effet, la cour a jugé recevable la requête de l’État malien.
Cette décision intervient à la veille du sommet extraordinaire de la CEDEAO prévu ce vendredi 25 mars à Accra au Ghana et auquel le président de transition Assimi GOITA a été invité.
C’est une décision qui change la donne pour le Mali et redistribue les cartes entre Assimi GOÏTA et les chefs d’État ouest-africains.
Alors que ce vendredi 25 mars, la CEDEAO tient un sommet extraordinaire à Accra, la Cour de justice de l’UEMOA vient de suspendre les sanctions économiques adoptées contre le Mali le 9 janvier.
Face à la volonté des autorités actuelles de prolonger la transition pour 5 ans supplémentaires, conformément aux conclusions des Assises nationales de la refondation tenues en décembre 2021, les chefs d’État ouest-africains avaient décidé de mesures économiques et financières très dures contre notre pays.
Parmi lesquelles : le gel des avoirs du Mali à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ; celui des entreprises publiques et des organismes parapublics maliens ; la suspension du pays de toute assistance financière des institutions internationales, etc.
Recours
Des sanctions contestées par l’État malien qui a diligenté un collectif d’avocats pour les faire annuler. Le 21 février dernier, ledit collectif a déposé deux recours dénonçant leur illégalité absolue. Il vient donc d’obtenir gain de cause.
Le Mali, par l’entremise du collectif des avocats, a fait valoir que les textes de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) prévoient qu’elle ne peut solliciter ni recevoir de directives ou d’instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des États membres de l’UEMOA, de tout autre organisme ou de toute autre personne. Elle ne peut donc être utilisée pour asphyxier un État membre.
Caractère illégal illégitime
Même si la décision de la Cour n’est pas encore définitive, la suspension de ces sanctions donne, en partie raison que gouvernement du Mali sur le caractère illégal et illégitime de ces sanctions qui ne sont basées sur aucun texte communautaire ni de l’UEMOA, ni de la CEDEAO.
D’ailleurs, avant le tribunal de l’UEMOA, c’est le président nigérien, Mohamed BAZOUM, qui avait été le premier à dénoncer publiquement l’absence de dispositions communautaires permettant à la CEDEAO de prendre de telles sanctions contre un pays membre.
Lors de la conférence de presse commune tenue le vendredi 9 juillet 2021 à Paris, entre Emmanuel MACRON et Mohamed BAZOUM, le président nigérien affirma sans ambages que c’était une violation, si la mesure passait. Des soupçons qui ont été, en grande partie, confirmés par la dernière sortie du président français suite à la suspension de deux Français au Mali. « J’en appelle à la CEDEAO, l’UA pour prendre les décisions qui conviennent (…) pour qu’à la fois les violences et (…) le déni de l’information et du droit des journalistes à librement informer puissent cesser. J’en appelle à la CEDEAO pour prendre les décisions qui conviennent et que la France appuiera », avait-il déclaré le 16 mars dernier sur une chaîne française.
Des vices de forme
Au-delà du caractère illégal et illégitime, les sanctions de l’UEMOA souffrent d’un vice de forme criard. Et pour cause, ces sanctions relatives à la situation ayant été prises hors espace communautaire, notamment à Accra qui n’est pas un pays membre de la zone franc.
Une situation juridique que n’a pas manqué d’exploiter les avocats de l’État du Mali à Ouagadougou dans le cadre cette requête en annulation desdites sanctions introduite par le Mali.
En tout cas, en matière de gouvernance financière, les principes veulent qu’une Banque centrale comme la BECEAO ne doive pas être soumise aux diktats des autorités politiques de l’espace. En terme clair, la BCEAO est censée être indépendante du pouvoir politique que représente l’ensemble des gouvernements des États de l’Union. Or, dans cadre des sanctions contre le Mali, la Banque centrale a clairement obéît aux injonctions des Chefs d’État.
Position de force
Cette décision n’est pas définitive, souligne un ancien magistrat malien, car elle n’est que suspensive, selon lui. « Cela ne présage pas de la décision définitive que prendra la Cour de justice de l’Uemoa », précise-t-il.
Reste qu’elle est une première victoire de taille pour le Mali et son Peuple tant les sanctions mettent le pays en difficulté économique.
Le Mali doit tirer les conséquences
Au regard de ce qui précède, nombreux sont les observateurs qui croient dur comme fer que les Chefs d’État de CEDEAO n’aient visiblement autre choix que de lever ces sanctions vidées de leurs substances après la décision de la Cour de la CEDEAO.
Elle qui avait adossé ces sanctions sur les décisions de l’UEMOA se trouve sans outils juridiques pour maintenir une pression maximale sur le Mali.
L’invitation adressée au président de la transition sus-dessus évoqué plaide en faveur d’une telle décision.
Mais quel que soit, la décision que la CEDEAO prendra dans la matinée de ce vendredi, le Mali doit tirer les conséquences de cette situation en court, moyen et long termes.
En clair, ces sanctions seront levées pour permettre aux pays de soufrer après plus de deux mois souffrance et de ralentissement des activités économiques. Ce qui serait une bonne nouvelle en cette veille de ramadan.
À moyen terme, l’État doit exiger des dommages et intérêts après une longue période d’incapacité à honorer ses engagements à cause des sanctions.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source : Info-Matin