Lors de son entretien sur France 2 et TF1, dimanche, le chef de l’Etat a annoncé que les 1 500 soldats français présents dans le pays plieraient bagage d’ici à la fin de l’année, comme le demandait la junte militaire.
Sous la contrainte, Emmanuel Macron a changé d’avis. Alors qu’il martèle depuis des semaines que seul le président Mohamed Bazoum, renversé fin juillet par des militaires, représente “l’autorité légitime” au Niger, il a annoncé, dimanche 24 septembre, le retour “dans les prochaines heures” de l’ambassadeur de France à Niamey, Sylvain Itté, dont les putschistes demandait le départ. Invité des journaux de 20 heures de France 2 et TF1, le chef de l’Etat a ajouté que les troupes françaises se retireraient également du pays : “Nous mettons fin à notre coopération militaire avec le Niger”, a déclaré Emmanuel Macron. Les 1 500 militaires français présents sur place partiront “dans les semaines et les mois qui viennent”, et leur retrait sera totalement achevé “d’ici à la fin de l’année”, a-t-il assuré.
Depuis le coup d’Etat, Paris refuse de reconnaître la légitimité de la junte militaire qui a pris le pouvoir. Et avait, jusqu’ici, fait la sourde oreille aux exigences des généraux de Niamey, qui ont placé la France dans leur collimateur dès leur arrivée au pouvoir. Ils ont d’abord dénoncé des accords de coopération militaire, début août, et ont qualifié d’“illégale” la présence des soldats français déployés au Niger dans le cadre dans la lutte contre les jihadistes au Sahel. De nombreuses manifestations en faveur du départ de ces troupes ont eu lieu ces dernières semaines à Niamey. Les militaires ont ensuite exigé, fin août, l’expulsion de l’ambassadeur de France, Sylvain Itté. Deux demandes auxquelles Paris a finalement accédé dimanche.
Un diplomate prisonnier de son ambassade
En ordonnant le retour de son ambassadeur, Emmanuel Macron met fin à une situation intenable. Sylvain Itté et son équipe, qui étaient enfermés dans l’ambassade française, ne bénéficiaient plus de l’immunité diplomatique et risquaient l’expulsion dès lors qu’ils en sortiraient. Ils voyaient en outre leurs réserves s’épuiser : “On empêche de livrer la nourriture. [Sylvain Itté] mange avec des rations militaires”, rapportait Emmanuel Macron lui-même, le 15 septembre. Le président de la République décrivait le diplomate comme “pris en otage”, affirmant qu’il n’avait “plus la possibilité de sortir” et était “persona non grata” au Niger. Joint par TF1/LCI, Sylvain Itté avait néanmoins assuré que lui et son équipe étaient “en sécurité à l’intérieur de l’ambassade”.
Entre les putschistes et l’ambassadeur de France, la situation s’était fortement dégradée. Le 25 août, la junte lui avait donné 48 heures pour quitter le pays. Un ultimatum rejeté par Paris. La tension était montée d’un cran, le 31 août, lorsque les autorités militaires ont demandé à la police de procéder à son expulsion et ont levé son immunité diplomatique. Les véhicules qui circulaient à proximité de l’ambassade de France étaient fouillés, y compris les véhicules diplomatiques. Grâce à l’article 22 de la Convention de Vienne, un traité de l’ONU sur les relations diplomatiques, les locaux de l’ambassade sont cependant “inviolables”.
“Nous n’avons pas, spontanément, le désir d’obéir aux injonctions d’autorités putschistes, que nous ne reconnaissons pas. Nous n’avons aucune raison de le faire”, avait réaffirmé la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, le 15 septembre sur LCI. Mais Paris, qui comptait sur une intervention de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour rétablir l’ordre constitutionnel et rendre le pouvoir au président déchu Mohamed Bazoum, n’avait plus guère d’options pour se maintenir au Niger.
Un nouveau coup dur pour la lutte contre le terrorisme
Dimanche soir, le président français a ainsi déclaré mettre fin à la “coopération militaire avec les autorités de fait du Niger, car elles ne veulent plus lutter contre le terrorisme”. “Nous ne sommes pas là pour être les otages des putschistes” qui sont “les amis du désordre”, a estimé Emmanuel Macron, soulignant que les attaques jihadistes faisaient “des dizaines de morts chaque jour au Mali”, et qu’elles avaient repris de plus belle au Niger.
Pour Thierry Vircoulon, coordinateur de l’Observatoire sur l’Afrique centrale et australe à l’Institut français des relations internationales (Ifri), interrogé par Le Parisien, cette décision de retrait est un “aveu d’impuissance” français. “Les putschistes mettent la France dehors et le président de la République n’a pas d’autre option que de retirer ses troupes. Sinon, cela s’appelle une occupation militaire”, analyse celui qui estime que “la France n’a plus aucun avenir au Sahel” et que sa “guerre contre le jihadisme est officiellement terminée“.
Ce retrait des 1 500 militaires français basés au Niger, qui était l’un des derniers alliés de Paris au Sahel, intervient après ceux du Mali et du Burkina Faso, où la France a déjà été poussée vers la sortie par des juntes hostiles. Après dix années d’opération militaire antiterroriste dans la région, la présence française se limitera désormais au Tchad, où elle compte 1 000 soldats.
Pourtant, l’opération Barkhane “a été un succès”, a assuré Emmanuel Macron dimanche, rappelant que Paris était intervenu à la demande du Mali, du Burkina Faso et du Niger. “Sans celle-ci, la plupart de ces pays auraient déjà été pris par des califats territoriaux et des jihadistes”, a martelé le chef de l’Etat, dans un discours très virulent à l’égard des juntes au Sahel. “La France, parfois seule, a pris toutes ses responsabilités, et je suis fier de nos militaires. Mais nous ne sommes pas responsables de la vie politique de ces pays et on en tire toutes les conséquences”, a-t-il concédé.
Un délai très court pour achever le retrait militaire
Reste que le retrait des troupes françaises du Niger représente un défi logistique important : il faut rapatrier les militaires, mais aussi les véhicules de combat et autres moyens matériels lourds. En 2022, il avait fallu six mois à la force Barkhane pour quitter le Mali. Au Niger, la France se donne moitié moins de temps.
De leur côté, les militaires au pouvoir à Niamey ont célébré, dimanche soir, “une nouvelle étape vers la souveraineté”. “Les troupes françaises ainsi que l’ambassadeur de France quitteront le sol nigérien d’ici à la fin de l’année. C’est un moment historique qui témoigne de la détermination et de la volonté du peuple nigérien”, ont-ils réagi dans un communiqué lu à la télévision nationale. “Toute personne, toute institution ou structure dont la présence menace les intérêts et les projections de notre pays devront quitter la terre de nos ancêtres qu’ils le veuillent ou non”, poursuit le texte. Autre preuve des tensions très vives entre Paris et Niamey, le régime militaire avait interdit, quelques heures avant l’interview d’Emmanuel Macron, son espace aérien aux avions français.
franceinfo avec AFP