«À quelque chose malheur est bon». Cet adage sied bien à la situation actuelle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) face à la crise politique née au Niger, suite au coup d’État qui a mis fin au règne de Mohamed Bazoum.
Ainsi créée par ces initiateurs, en vue d’une mutualisation des efforts et des moyens pour soutenir chaque État membre qui se trouverait en difficulté dans les domaines économique, social, politique et sécuritaire, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est devenue aujourd’hui, comme beaucoup se plaisent à le dire, un véritable syndicat des chefs d’État. Elle apparaît aujourd’hui comme une sorte d’épée Damoclès entre les mains des puissances étrangères pour protéger les chefs d’État dociles et engagés à protéger leurs intérêts. Peu importe ce que tu peux être et comment es-tu venu au pouvoir, si tu fais l’affaire de ces impérialistes, tu peux être assuré de la pérennité de ton pouvoir même si cela doit se faire au détriment des intérêts de ton peuple.
Par contre, gare à celui qui leur désobéirait et qui se mettrait au travers de leurs intérêts, elles sont prêtes à tout pour t’infliger la punition dont tu ne seras pas prêt à oublier sitôt. C’est pourquoi les coups d’État qui conduisent au renversement d’un régime acquis à leur cause ne sauraient être acceptés ni tolérés. Ainsi, dès qu’il y a coup d’État, leur machine qui est la CEDEAO se met en marche pour tuer dans l’œuf ce poussin rebelle. C’est ce qui justifie les agissements de l’organisation sous-régionale vis- à-vis de ces coups d’État intervenus en Guinée Conakry, au Mali et au Burkina Faso.
Si le coup d’État en Guinée Conakry a bénéficié d’un certain laxisme de la part de ces chefs d’État, le cas du Mali a été perçu comme une gifle à laquelle il fallait répondre avec la plus grande fermeté afin de dissuader toutes autres tentatives. C’est pourquoi contre toutes les lois et dispositions internationales, y compris les siennes, elle s’est aventurée à infliger contre le Mali des sanctions illégales, illégitimes et inhumaines. Tel un coup d’épée dans l’eau, ces sanctions au lieu d’asphyxier le peuple malien et les pousser à la révolte contre les nouveaux dirigeants, ont plutôt fait vibrer leurs fibres patriotiques.
Ainsi, durant plus de sept à huit mois, le peuple malien a tenu face aux conséquences désastreuses de ces sanctions et mieux, au lieu de prendre sa distance vis- à- vis de ses nouveaux dirigeants, il leur a plutôt témoigné d’un soutien sans faille. Au moment où ces chefs d’État de la Communauté réfléchissaient sur ce qu’il fallait faire pour déloger les cinq (5) colonels qui ont pris le pouvoir à Bamako et rétablir ce qu’ils appellent l’ordre constitutionnel, intervient la même chose au Burkina Faso et par deux fois comme au Mali. Au lieu de réfléchir et tirer les leçons du cas malien, les chefs d’État de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest se sont enlisés dans leurs stratégies de sanctions inhumaines et contre productives.
En prenant les mêmes sanctions contre le Burkina Faso, ils ont favorisé le rapprochement des nouvelles autorités du Burkina Faso à celles du Mali et par ricochet les deux peuples. De ce fait, ils se sont retrouvés face à des peuples déterminés et prêts à en découdre avec eux pour protéger leurs nouvelles autorités qu’ils considèrent comme leur libérateur. Ce qui portera un coup dur à la crédibilité de l’organisation sous régionale.
Elle a désormais à faire non pas avec ceux qu’elle appelle les putschistes mais avec un peuple survolté qui ne lui porte plus aucune confiance, pire qui la considère comme un club de chefs d’État au service d’une puissance étrangère et qui serait prêt à tout pour le maintenir dans la domination de cette dernière. Ainsi, telle une adrénaline, nous assistons çà et là à travers toute l’Afrique l’émergence et la propagation d’une certaine idéologie panafricaniste, souverainiste se traduisant par l’affirmation d’appartenance de tous les Africains à un destin commun.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour ces chefs d’État de la CEDEAO fut surtout le cinquième coup d’État dans l’espace communautaire en trois (03) ans, intervenu au Niger. Cette fois-ci, ces braves chefs d’État n’ont pas misé sur les sanctions. Après avoir paralysé le pays avec des sanctions qui vont jusqu’à la coupure d’électricité et l’interdiction d’entrée des produits pharmaceutiques, ils ont décidé d’en finir une fois pour toute avec cette histoire de coup d’État dans leur espace en décidant d’une intervention militaire pour restaurer selon eux l’ordre constitutionnel. Mais, hélas, leur déception fut grande, car ils ne s’attendaient pas du tout à cette solidarité agissante de la part des autres pays qui vivent dans la même situation, à savoir la Guinée Conakry, le Burkina Faso et le Mali à l’endroit de ce peuple nigérien qu’ils cherchaient à étouffer, soutiens venant non seulement des autorités mais aussi des peuples de ces trois pays à l’endroit des peuples frères du Niger. Une solidarité qui s’est manifestée par le soutien militaire de ces deux pays au Niger mais aussi et surtout le soutien humanitaire venu du Burkina Faso qui s’est traduit par l’acheminement dans ce pays des dizaines de camions remplis de céréales destinés à leurs frères Nigériens.
En dehors de ces trois (03) pays voisins directs, nous assistons à des manifestations de soutien et de solidarité des peuples de toute l’Afrique entière en faveur du peuple nigérien et tous les autres peuples victimes des sanctions de la CEDEAO. Comme pour répondre à l’appel du philosophe allemand «prolétaires de tous les pays unissez-vous !». Nous dirons à notre terme «Tous les pays victimes des sanctions illégales, illégitimes et inhumaines de la CEDEAO, unissez-vous !».
Du coup , nous osons penser que nous nous dirigeons inéluctablement vers le déclin d’une CEDEAO qui a totalement perdu non seulement ses repères mais aussi et surtout sa raison d’être au profit d’une nouvelle Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui prendrait sa source dans les profondeurs des aspirations et préoccupations des peuples africains et qui, réunissant des Africains soucieux du bien-être des populations africaines, agirait dans le sens de la défense des intérêts vitaux des peuples africains et la sauvegarde non seulement de leur souveraineté, mais aussi et surtout de leur dignité.
Daouda DOUMBIA
Inter De Bamako