Le carrefour des jeunes de Bamako a servi de cadre ce samedi 17 mars 2018 à une conférence de presse organisée par la voix du peuple malien aux Nations Unies. Cette conférence était l’occasion pour les conférenciers d’expliquer la nature et l’origine des guerres que connait le Mali.
Cette conférence de presse a servi de cadre pour informer les hommes de médias sur l’origine et la nature de la crise malienne. « La crise au Mali est montée de toute pièce. Elle est née de la volonté manifeste des autorités françaises voulant pérenniser le colonialisme jusqu’à la fin des temps chez les peuples dominés »,affirme Siriki Kouyaté, conférencier et porte-parole de Yiriba Koro. Cette phrase dégage d’entrée de jeu la nature de la crise dans maints pays africains.
Pour arriver à une meilleure compréhension des crises que traverse le Mali, les conférenciers remontent les faits jusque dans la nuit des temps. Ces crises trouvent leur origine dans les années 1958-1960. Le projet de création d’une Organisation Commune des régions sahariennes (OCRS) ayant fait échec à cause du refus des indépendantistes, la France a alors proposé trois choix aux peuples colonisés : devenir des Territoires ou des Départements d’outre-mer en intégrant la République française, devenir des États associés ou encore devenir des États totalement indépendants.
Partant de là, le Mali a opté pour la seconde proposition jusqu’en 1960, année à laquelle les Maliens pensaient enfin retrouver leur indépendance totale. Or, cette possibilité est inadmissible aux yeux des Français. La tendance socialiste adoptée par le Mali était contraire aux visions du colonisateur. En conséquence, De Gaulle, président français à l’époque, n’a pas tardé à envoyer son Premier ministre, André Malraux pour dire aux Maliens toute sa désapprobation face à la politique de son ex-colonie à son égard.
Alors, la première République du Mali commettait un crime sans le savoir puisque De Gaule avait tenu à annoncer ceci lors d’une conférence tenue en janvier 1944 à Brazzaville : « Pour les territoires coloniaux, il ne saurait être question du self-Gouvernement, même dans un avenir lointain et la France poursuivra cette politique de refus avec détermination. »
C’est dans ce cadre que la France adopte une « politique de noyautage ». Celle-ci va commencer par la convention de Bourem du 15 septembre 1907 qui donna naissance à la création d’une tribu des Iforas et la rupture de celle-ci avec les Iwillimidens de Fihrun Ag Alansar. Ce dernier opposé à la politique française sera assassiné par la France et des Touareg à leur service. Cet acte divise la communauté touareg. C’est ce qui va conduire aux « guerres par procuration » ou « guerres proxy » que les coupables appelleront la rébellion touareg. « La question de minorité sur le plan ethnique au Mali est un faux débat », martèlent les conférenciers. Le Mali a toujours su gérer la diversité ethnique sans problème. Alors, il n’y a aucun doute, la France joue à la « politique du diviser pour mieux régner ou déstabiliser les régimes. »
Cette « politique de noyautage » a été mise en œuvre par le colonisateur depuis 1957. C’est ce qui explique l’envoi de Mohamed Maouloud, un cadi. L’objectif était la création d’un État dans l’État malien. Mais ce projet avait été un échec grâce à la cohésion de tous les Maliens. Nonobstant ces efforts conjugués des Maliens, l’OCRS sera créé dans le but de donner aux populations une vie décente. Mais cela n’était qu’un leurre. Cela peut se voir dans cette déclaration de Max Lejeune, ministre français, évoquée par les conférenciers: « Dans quelques années, la France, aidée par des concours extérieurs arrivera à obtenir son ravitaillement en carburant et deviendra directement après les USA et URSS la 3e puissance énergétique mondiale. »L’opposition de la République Modibo Keita a conduit cette entreprise colonisatrice à l’échec. C’est ainsi qu’en 1958 le Gouverneur des colonies Messmer, Mohamed El Mehdi revendiquait l’indépendance de la « République des Lithamés » afin de « soustraire les nomades blancs à la domination de leurs anciens esclaves noirs. »
Ce projet conduira vers 1963 à une rébellion qui sera appelée la révolte d’Illadi Ag alla Albacher à Kidal. Cette rébellion avait pour objectif injuste de venger la mort de son père tué le 15 juillet 1954 par un sergent français Huguet. « C’est une véritable entreprise terroriste qui venait de naître ; une criminalité transnationale qui a vu le jour », déclare Siriki Kouyaté.
La population de Kidal ayant refusé l’adhésion à cette entreprise subit des massacres en nombre considérable. Aux dires des conférenciers, c’est ce refus qui explique la cessation de toutes ces hostilités entre 1964 à 1989, année à laquelle Iyad Ag Ghaly va rentrer dans la danse avec l’attaque de Tidermène et de Ménaka.
Enfin, il a été souligné qu’à travers tout ce processus, de la création de l’OCRS jusqu’au problème Azawad avec l’avènement d’Iyad, le Mali s’est laissé avoir. C’est dans ce contexte que les conférenciers ont tenu à rappeler les hommes des médias cette pensée d’Amadou Traoré : « La méthode pour recoloniser un pays : instrumentaliser un gros désordre et lui proposer une aide. Résultat : on est gagnant sur toute la ligne. Le plus triste, c’est la misère qui perdure dans le pays colonisé. Belle partie de poker menteur ! »
La question de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale de 2015 n’a pas sauté aux yeux des conférenciers. Cet accord signé sans l’aval du peuple malien et qui leur fait prendre dans leurs propres pièges. À cet égard, les conférenciers rappellent les propos de Nicolas Normand, diplomate français, qui trouve que cet accord est « une forme de prime à la violence au profit des rebelles. »
En dehors de cette conférence de presse qui était un cadre d’information des hommes de médias sur les objectifs de leur organisation et aussi un appel lancé à la communauté internationale pour qu’elle réagisse en faveur de ces peuples victimes d’une politique de recolonisation, d’autres activités sont dans le viseur de « ces populations de Yiriba Koro » qui font porter la voix du peuple malien.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays-Mali