Le Centre pour la lutte antitabac en Afrique (CTCA), en collaboration avec African Capacity Building Foundation (ACBF), a organisé virtuellement pendant trois jours, une conférence africainesur la lutte contre le tabac et pour le développement sous le thème : «Afrique sans tabac, un appel urgent à l’action commune».
La conférence inaugurale intervient à un moment où l’Afrique est accablée par une épidémie de tabagisme qui mine la santé publique et freine le développement socio-économique du continent. La conférence vise à soutenir les initiatives nationales et régionales de lutte antitabac et à contribuer à la diminution de la prévalence du tabagisme et de l’exposition à la fumée de tabac afin de réduire la charge de morbidité et de mortalité due au tabac. Elle veut aussi insuffler une nouvelle énergie à la lutte antitabac sur le continent africain mais aussi dans le monde entier et permettra d’harmoniser et de promouvoir l’apprentissage croisé et le partage de la recherche et des pratiques.
Au cours des travaux, différents thèmes ont été abordés. Il s’agit, entre autres, de la politique et mise en œuvre de la lutte antitabac, expériences et défis, l’économie et financement de la lutte antitabac, études de rentabilité et de coûts-avantages, régimes fiscaux efficaces, commerce illicite, ingérence de l’industrie du tabac, l’intégration des stratégies de lutte antitabac, expériences et défis, les tendances en matière de tabagisme, suivi, évaluation et surveillance, moyens de subsistance alternatifs et environnement, le tabagisme et Covid-19.
L’exemple de l’Ouganda et du Kenya Le professeur Emmanuel Nnadozie de l’ACBF a déclaré que le tabac menace la main-d’œuvre actuelle et le futur de l’Afrique. Pour lui, ce danger pour le développement durable de notre continent était la motivation de sa structure à rejoindre le mouvement antitabac. Ce conférencier a salué l’échange d’apprentissage entre les pays africains, le renforcement significatif des cadres juridiques pour la lutte antitabac. Il a particulièrement noté le rôle des tribunaux en Ouganda et au Kenya dans la «protection des politiques publiques contre les intérêts particuliers» en rejetant les contestations de l’industrie du tabac à la législation antitabac.
Quant au président de la conférence, professeur William Bazeyo, il a décrit la conférence continentale comme la réalisation d’un rêve amorcé lors de la création de la CTCA, il y a 10 ans. En définissant un programme de recherche clair pour la communauté africaine de lutte antitabac, la CTCA avait créé les conditions de cet événement unificateur. Pour lui, des statistiques alarmantes indiquent que nous ne sommes pas en train de gagner la guerre contre les maladies évitables dues au tabagisme en Afrique.
Derrière chaque maladie et chaque décès évitables causés par le tabac se cachent des familles dont le soutien de famille a disparu. Le coût combiné pour les budgets nationaux de santé est multiple. «L’heure est venue pour les chercheurs, les décideurs, les partenaires au développement et les communautés d’Afrique de s’unir dans une action commune de lutte antitabac», a t-il déclaré.
Malgré les progrès réalisés dans de nombreux pays, de nombreux défis restent à relever. L’un d’eux est la lenteur de l’adoption des politiques fiscales recommandées en matière de tabac. L’augmentation des droits d’accises est la mesure la plus efficace pour réduire le tabagisme. La structure de la taxe d’accise est importante.
En général, une taxe spécifique (un montant de taxe par cigarette, quelle que soit sa valeur) est préférable à une taxe ad valorem (qui est prélevée en pourcentage de la valeur). Les systèmes fiscaux plus simples sont préférables aux systèmes complexes. La majorité des pays africains ont des systèmes de droits d’accises qui sont généralement considérés comme sous-optimaux. Il n’est donc pas surprenant que les cigarettes soient relativement bon marché dans la plupart des pays africains. En fait, les droits d’accise, exprimés en pourcentage du prix de détail moyen, sont plus bas en Afrique que dans tout autre continent.
Le tabac tue environ 8 millions de personnes chaque année dans le monde. Le tabagisme en Afrique est en augmentation, la cigarette étant le produit du tabac le plus utilisé. Le tabagisme reste la première cause mondiale de décès évitable et l’Afrique ne fait pas exception. L’infection des voies respiratoires inférieures, qui peut être attribuée à la fumée du tabac, figure parmi les principales causes de décès en Afrique.
Une implication multisectorielle Selon Dr Ahmed Ogwell Ouma du Centre de contrôle et de prévention des maladies en Éthiopie, le tabac affecte le développement, il faut beaucoup investir dans la lutte contre le tabac. Pour lui, cette lutte doit être menée comme celle contre la pandémie de la Covid-19. Et d’expliquer qu’il faut démystifier les sujets sur le tabac et partager l’information à temps réel.
«Dans cette lutte, il faut surtout miser sur la jeunesse car elle est la plus affectée», a-t-il dit. La lutte contre le tabac nécessite une coordination et une coopération à tous les niveaux. L’intervenant a prétendu que c’est la seule manière de lutter efficacement contre le tabac. Il faut non seulement l’implication des décideurs politiques et communautaires, mais aussi le développement des instruments spécifiques pour le continent.
Mme Yolanda Richardson de la Campagne pour des enfants sans tabac estime qu’il faut travailler avec le ministère de la Finance pour gagner la lutte contre le tabac. «Il faut faire comprendre que le financement de cette lutte est importante», a t-elle expliqué. Pour elle, la lutte contre le tabac est différente des autres luttes. Il faudra des arguments solides contre l’industrie du tabac. Pour cela, elle a indiqué qu’il faut une collaboration et une sensibilisation des leaders politiques et religieux et communautaires et l’implication des médias.
Dr Oumar Ba du Programme national de lutte contre le tabac au Sénégal dira que la lutte nécessite une implication multisectorielle. Il faut l’implication des ministères de l’éducation nationale, de l’Intérieur, du Commerce, du Tourisme. à ceux-ci, s’ajoutent les autorités administratives, la gendarmerie, la police, la douane et la société civile. Dr Abdallah Bouhabib du ministère de la Santé de la Mauritanie ajoutera que le fait d’augmenter les taxes sur le tabac ne solutionnera pas le problème qu’il faut des engagements politiques très forts.
Les membres du Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (Remapsen) au Mali, y compris votre serviteur, ont participé à la conférence. Celle-ci a été soutenue par des partenaires régionaux, notamment l’OMS AFRO, la Campagne pour des enfants sans tabac, l’Alliance pour la lutte antitabac en Afrique, l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, l’Unité de recherche sur l’économie des produits soumis à accises de l’Université du Cap, le Centre africain de surveillance de l’industrie du tabac et de recherche sur les politiques de l’Université des sciences de la santé Sefako Makgatho et le Réseau pour la justice fiscale en Afrique.
Fatoumata NAPHO
Source : L’ESSOR