A 85 ans dont près de 36 au pouvoir, Paul Biya, « invincible » président du Cameroun qui brigue dimanche un septième mandat, règne en maître absolu sur son pays pourtant confronté à d’importants défis sécuritaires.
« Il suffit d’un petit coup de tête, et vous n’êtes plus rien du tout »: en s’adressant ainsi à un journaliste vedette de la télévision d’Etat camerounaise qui l’interviewe en 1986, quatre ans après son accession au pouvoir, Paul Biya tenait à afficher sa toute-puissance.
Depuis 1982, il fait la pluie et le beau temps au Cameroun, construisant et brisant des carrières au gré de ses humeurs et de ses aspirations personnelles.
Il a tout verrouillé pour assurer son maintien à la tête du pays, s’appuyant sur l’administration et sur un parti-Etat, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) qu’il a créé en 1985. Ses opposants l’accusent de vouloir mourir au pouvoir et lui n’a jamais affiché une quelconque volonté à vouloir s’en passer.
La présidentielle de dimanche a lieu dans un climat de violence dans les régions anglophones où l’armée, présente en force, combat des groupes séparatistes, alors que le président a souligné la nécessité de « manier à la fois fermeté et dialogue ».
« Le Sphinx » comme on le surnomme au Cameroun en raison de son cynisme et de son goût du secret, est un chef effacé et absent qui contrôle pourtant tout.
– « Petit clan complice » –
Dans un récent ouvrage, Titus Edzoa, ex-proche collaborateur du président Biya, le décrit comme un chef enfermé « dans une bulle aseptisée, protégé par un petit clan complice, féroce et insatiable », qui « constitue un écran hermétique entre lui et le peuple ».
Ancien séminariste catholique et étudiant à Sciences-Po à Paris, il se rend rarement à l’intérieur de son pays, mais régulièrement en Suisse. Fin septembre, il est allé lancer officiellement sa campagne à Maroua (nord), sa première visite en province depuis 6 ans.
Les bains de foule auxquels il s’adonnait à cœur joie au début de sa présidence sont un lointain souvenir. La tentative de coup d’Etat de 1984 à laquelle il a dû faire face, deux ans seulement après son accession au pouvoir, semble l’avoir traumatisé.
« Les événements de 1984 ont changé sa façon d’être. Avant, il sortait dans Yaoundé, il était proche des gens. Mais imaginez, il est resté des dizaines d’heures dans le bunker, il y avait les traces de balles quand il est sorti. Ça marque », confie un responsable sécuritaire à Yaoundé.
Craint, « l’homme lion » comme il s’était fait appeler lors de la présidentielle de 1997, est adulé et même déifié par certains caciques de son régime. « Nous sommes tous des créatures ou des créations du président Paul Biya (…). Nous ne sommes que ses serviteurs, mieux, ses esclaves », affirmait en 2011 son ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo.
Il joue « de la violence et de la terreur, au gré de ses humeurs et des rumeurs, pour asservir ses collaborateurs et soumettre l’ensemble de la population », selon Titus Edzoa.
– « Paul aime Chantal » –
Biya est le troisième d’une famille de neuf enfants. Catéchiste, son père avait balisé le chemin pour qu’il devienne prêtre, mais il avait, contre toute attente, quitté le séminaire pour le lycée.
Après le décès de sa première épouse, Jeanne Irène, Paul Biya a épousé en 1994 Chantal, de près de 40 ans plus jeune que lui, rendue célèbre par ses coiffures extravagantes et ses très hauts talons.
« Paul aime Chantal, Chantal l’aime », s’enflamme dans un récent ouvrage Oswald Baboké, directeur adjoint du cabinet civil, en charge de la communication de la présidence.
C’est sur elle seule que « le gentlemen-président » avait flashé, après avoir rejeté toute l’année 1993 « moult propositions », écrit M. Baboké.
Avec cette ancienne serveuse de restaurant et mannequin qui s’occupe aujourd’hui d’oeuvres humanitaires, le président, amateur de costumes en alpaga et de cravates en soie, a eu deux enfants, Junior et Brenda Biya, admis à l’Ecole nationale de la magistrature (Enam) de Yaoundé.
Paul Biya avait déjà un autre fils, Franck, un homme d’affaires discret qui a notamment des intérêts dans le secteur du bois.
D’origine paysanne, le président possède une ferme avicole dans sa région natale du sud, mais aussi des plantations d’ananas.
Journal du mali