Le shérif de Nioro s’est adressé à IBK à la faveur d’un prêche courant semaine dernière. Comme à son habitude, le Saint-homme n’est pas allé avec le dos de la cuillère. Nous avons traduit et transcrit pour vous.
Pourquoi j’ai soutenu la candidature d’IBK
«J’ai décidé de parler aujourd’hui de choses qui peuvent sembler ne pas me concerner d’un point de vue, mais à propos desquelles je suis parfaitement concerné d’un autre point de vue. Il s’agit de sujets d’ordre politique, concernant la Nation, entre autres. Et puisqu’il s’agit des affaires de la Nation, j’’estime être parfaitement concerné étant un fils de ce pays. Tout ce qui concerne la vie des Maliens m’intéresse au plus haut point.
De l’indépendance du Mali à nos jours, je n’ai jamais fait de la politique que lors de l’affaire du code de la Famille. C’est en effet à travers ce dossier que j’ai pris une position politique pour la première fois.
Je n’ai pas eu satisfaction à propos de cette affaire puisqu’ils ont tout carabiné et mélangé. Je ne cherchais nullement à être président ou un poste électif pour moi-même ou pour quelqu’un d’autre. J’étais contre tous ceux qui soutenaient ledit projet et avec tous ceux qui le combattaient. ATT était Président de la République au moment des faits et tous les tenants de son pouvoir s’appliquaient à faire aboutir ce projet.
Je soutenais donc tous les candidats opposés à ce code de la famille. Ensemble avec les associations et faitières musulmanes, les représentants du Haut Conseil Islamique au moment des faits, nous avions décidé de ne pas présenter de candidat issu de nos rangs mais de soutenir un prétendant n’ayant pas participé au pouvoir sortant. Les deux principaux leaders du Haut Conseil Islamique au moment des faits, étaient Dicko et Haïdara. J’ai ainsi rejoint la mouvance sans pourtant être partisan.
Je leur ai donc demandé de désigner le candidat qu’ils ont finalement choisi en prenant soin de leur indiquer que je n’avais personnellement aucune préférence. Le seul critère est que le choix soit porté sur un candidat n’ayant participé à la gestion du pouvoir sortant. Je n’ai pas obtenu de réponse claire à ce sujet.
Au niveau du Haut Conseil Islamique, il semblait que l’on ne se comprenait pas au point que certains membres ont clairement indiqué qu’ils ne prendront part à la mouvance tant qu’il s’agira de soutenir une certaine personne. Et puisque rien n’était sûr et au regard de la confusion qui régnait-là, j’ai décidé d’adopter une position personnelle. Mon choix a ainsi porté sur Ibrahim Boubacar Keïta.
Je ne le connaissais pas personnellement. On a eu l’occasion de nous rencontrer une fois lui et moi alors qu’il était premier Ministre du Président Alpha Oumar Konaré.
J’avais beaucoup d’estime pour lui et convaincu qu’il était l’homme de la situation. Alpha Oumar Konaré avait changé deux fois de suite de premier Ministre sans succès, mais avec Ibrahim Boubacar Keïta, la situation s’est apaisée. Le président Alpha Oumar Konaré a ainsi pu achever son premier mandat et entamer un second. Ce n’est que vers la fin de dernier quinquennat, qu’il s’est séparé de lui. Ils l’ont littéralement chassé et du gouvernement et du parti.
Et à la suite de l’élection présidentielle de l’époque, on nous a rapporté qu’il est sorti gagnant et qu’il a été spolié de sa victoire. Je ne faisais de politique mais je me tenais informé de tout ce qui se passait.
Il a pu se faire élire député sous Amadou Toumani Touré mais… Plus tard un grave malentendu est survenu entre ATT et lui. Et je me suis appliqué à les réconcilier. Aucun d’eux ne peut le nier. Une chose est sûre : Ibrahim (IBK) était honni par le régime ATT.
Et puisqu’il a été chassé par Alpha Oumar Konaré, combattu ensuite par ATT, j’ai donc porté mon choix sur lui. J’ai tout entrepris en vue de l’aider. Mon soutien consistait aux bénédictions et à l’assistance. Et par la suite, je l’ai soutenu politiquement, financièrement, matériellement, à travers tous les moyens à ma disposition au vu et su de tous. Il a été ainsi élu.
Chacun peut dire ce qu’il veut, mais je jure sur Allah, ce Nom le plus exalté de Dieu qu’il n’aurait jamais été élu sans cette aide. Cela Ibrahim (IBK) le sait ! Je ne parle ni d’hier ni d’aujourd’hui, pas de ladite époque. Dieu est Connaisseur de toutes choses ».
Les conseils que je lui ai prodigués
Au moment de son investiture, il est venu me voir pour me dire que le Roi du Maroc devrait venir ici à Bamako et que le meilleur accueil qu’il pouvait lui réserver était ma présence à l’Aéroport. J’ai accepté l’accompagner. Ce, parce que lui ai-je dit, il (le futur visiteur) est, d’une part, mon fils et de l’autre, mon Roi. Il nous respecte et nous considère, nous Maliens, en venant au Mali. Et nous avions justement besoin de respect et de considération. Je ne peux être que comblé puisqu’il vient à l’investiture de quelqu’un que je soutiens. Ma présence sera donc effective.
Et lors de sa visite, nous sommes vus et je lui ai confié Ibrahim. IBK lui-même n’était pas présent sur le lieu ; je lui ai en outre confié notre pays. Je lui ai en également dit que nous avions besoin d’aide et d’assistance. Son grand-père Sidy Mohamed a aidé Modibo Keïta au moment des faits. Bouyé n’était pas là ! Modibo a lui aussi demandé qu’il veille sur le Mali. Pour ma part, je lui ai aussi dit que le Mali avait besoin de son aide et assistance. J’ai donc fait ce qu’il fallait.
Les espoirs brisés
Et lorsqu’il a été investi, après avoir commencé l’exercice du pouvoir, Ibrahim a oublié tout ce que je lui ai dit, idem les conseils, suggestions.
Il était de mon devoir de lui donner les conseils en ma qualité de père parce qu’il me considère comme tel. Il s’agissait donc de conseils d’un soutien, et également d’un père. Mais il a tout oublié. Tout ! Et les choses ont, dès lors, beaucoup changé. Les espoirs ont été brisés.
J’ai vite compris qu’il s’est trompé. Mais étant musulman, donc soumis à la volonté de Dieu, alors j’ai estimé qu’il en soit ainsi si telle est la volonté de Dieu !
Une chose est sûre, je ne l’ai pas aidé parce qu’il était riche, qu’il avait du monde derrière lui, etc. Au contraire, il n’avait rien en ce moment ! Dieu et Ibrahim lui-même sont témoins
Ce que je lui ai dit à propos de Soumeylou Boubèye Maïga
Je lui ai en outre dit ceci : je ne t’empêche pas de travailler avec Soumeylou Boubeye Maïga, mais ne jamais le nommer aux postes suivants : Premier Ministre ; Ministre des Affaires étrangères ; Ministre de l’Intérieur et Ministre des Finances. Ces conseils étaient largement partagés…
En Mauritanie notamment où Boubèye s’est rendu pour ensuite te faire lier amitié avec le Président de la République de ce pays au moment des faits, on ne t’aimait pas. Il (le président mauritanien) ne t’aimait pas. Il n’est pas venu à ton investiture (premier mandat). Te souviens-tu ? Tu avais alors fait de Boubèye ton seul et unique ami…
Et à la suite du scrutin présidentiel, le taux de participation était très faible. Les voix que tu as obtenues ont été multipliées par 40 voire 50 par cette même dame. C’est Boubèye et la dame en question qui sont à l’origine de cette manigance. Boubèye t’a fait tellement de choses que tu as finalement oublié qui tu étais, Ibrahim Boubacar Keïta, descendant de Keïta, un illustre nom de famille dans notre pays ! »
Comme un « griot… Les Mauritaniens se moquaient de toi »
«Ibrahim, tu as quitté ton pays, et comme un griot, pour te rendre en Mauritanie auprès d’Abdel Aziz… Mais pourquoi donc ? Abdel Aziz était contre toi lors de ton premier et incontestable mandat ! Tu t’es comporté sur place comme un griot. En vérité, les Mauritaniens se moquaient de toi ! Qu’un Keïta se rabaisse à ce niveau… C’était vraiment la honte !
Ce n’est pas dans l’intention de te rabaisser et de t’humilier que je dis tout cela, mais c’est juste pour te rappeler que tu te laisses trop aller. Tu t’oublies très souvent !
A propos des législatives (2020), je t’ai rappelé qu’il ne s’agit pas d’une élection présidentielle. De ne pas t’impliquer. Personnellement, Je n’ai aucun intérêt particulier dans ce jeu, rien !
Ibrahim, Ton fils est véritablement malfaisant, un brigand… Il se peut qu’il ait eu à tuer des gens
«Après tous les conseils, on s’est rendu compte que le Mali a refusé d’accorder le droit de séjour à un émissaire Marocain au Mali. Après enquête, il s’est avéré que c’était suite à la pression de l’Algérie qui craignait justement cet émissaire, membre du remarquable service de renseignement chérifien.
Dire que le Roi nous avait fait tant d’honneurs et qu’IBK m’avait sollicité en personne pour son accueil… Manifestement, il ne pouvait rien ! J’ai en effet compris qu’il ne pouvait rien entreprendre et réussir. Incapable ! Et je ne le pense pas moins aujourd’hui encore. Je continue cependant à lui prodiguer quelques conseils en sa qualité de président de la République, qu’il soit ou non légitime : Ibrahim, tu as déjà causé beaucoup de préjudices et de tort aux Maliens. Cela suffit. De ton accession au pouvoir à ce jour, tu as commis assez de torts. Ta famille, en l’occurrence ton fils (Karim Keïta) y participe activement. Il se peut d’ailleurs qu’il ait eu à tuer des gens. Ceux qui lui ont échappé ne doivent certainement leur salut qu’à Dieu. Ton fils est véritablement malfaisant. C’est un brigand, à tous points de vue. Pour ta part Ibrahim, te connaissant, tu ne peux faire du mal à une mouche. Peut-être que jamais occasion ne s’est présentée pour que tu sois amené à faire du mal. Pour autant, tu sembles avoir choisi le plus malfaisant afin qu’il agisse à ta place. La preuve :
Tu t’es abstenu, comme je te l’ai suggéré, de faire venir Boubèye connu pour être un malfaisant. Mais dès que tu as senti le besoin de procéder par le mal, tu lui as fait appel. Normal qu’il se soit battu pour toi afin de te maintenir au pouvoir. Rien de mal à cela. Mais il (Boubèye) a entrepris de ramener la fâcheuse question du code de la famille. C’est tout simplement inacceptable, hier et aujourd’hui. Nous nous sommes insurgés contre le même sujet. Il (IBK) a certes promis de l’abandonner, mais une chose est sûre : il abandonnera définitivement ledit projet de gré ou de force. Et si nous étions amenés à nous dresser contre vous, sachez que rien ne nous aurait arrêtés, même pas la mort. Il s’agit de notre religion et nous ne reculerons devant rien ! La vie ne vaut pas la peine d’être vécue dans l’humiliation et l’indignité. Fort heureusement, il a annoncé avoir abandonné le projet.
Débarrasse-toi de cette femme, elle n’a plus aucune valeur !
Ibrahim, quand bien même tu sois du genre obstiné et entêté, je te donne quand même des conseils : débarrasses-toi de cette femme à la tête de la Cour Constitutionnelle !
Te débarrasser de cette femme au risque de perdre ta notoriété ! Elle n’était pas là lorsque tu devenais président de la République. Ton fils, non plus. Je lui ai dit d’enlever ce fils malfaisant ainsi que la même femme (l’actuelle présidente de la Cour Constitutionnelle) laquelle avait d’ailleurs des intentions malveillantes envers lui-même IBK à la faveur du scrutin présidentiel de 2013. La bonne dame en question sait de quoi je parle pour avoir eu des échanges avec elle au moment des faits…
Cette dame n’a plus aucune valeur. Elle s’en est départie. Je suis au courant de nombreux et faits et gestes de cette femme surtout à l’extérieur du pays…
Ils ont choisi cette femme (Manassa) parce qu’elle s’est montrée la plus intrépide de tous, la plus malfaisante parmi les hommes et femmes… Mais souvenez-vous !
Lorsque Moussa Traoré faisait le coup d’Etat à feu Modibo Keïta, ce dernier était devenu très impertinent. Ce fut un coup d’Etat sans effusion de sang, sans casse. Mais ceux qui feront le second coup d’Etat se sont appliqués à tuer et détruire leur pays. Moussa Traoré a été emprisonné mais ils durent le relâcher parce qu’il n’y avait rien contre lui. C’est la femme-là qui était à l’origine de toute cette situation.
Et toi Ibrahim, tu as choisi cette même femme pour lui confier de grandes responsabilités. Mais elle s’est fait humilier en fin de compte. C’est un fait de Dieu. Elle a tripatouillé les résultats (des législatives de 2020) mais Dieu l’a rendue aveugle, en lui faisant perde de vue certains certaines choses. Elle a délibérément ôté des voix, mais au moment d’annoncer la victoire, elle a donné d’autres noms. C’est Dieu qui l’a humiliée en l’aveuglant et en rendant sa langue fourchue. Elle a supprimé plusieurs voix d’un camp et malgré tout, cette liste restait en tête. Mais au moment d’annoncer le gagnant, elle a évoqué la liste des perdants.
Ibrahim, Ibrahim, Ibrahim ! C’est ce qu’on appelle la honte ! Et c’est évident ! Et ne mise pas sur un tel résultat. Je sais que tu persisteras, mais le plus important, c’est ce qui adviendra par la suite. Sache que l’acquis prendra fin sans que tu saches comment, ou à la fin de l’échéance.
Je t’ai mis en garde en sachant parfaitement que tu ne tiendras pas compte de mes conseils. Ce qui est sûre : le devoir m’imposait de le dire. Aussi, je ne souhaite nullement que des innocents soient encore et toujours victimes de tes torts. Je ne souhaite non que quelque chose de grave t’arrive à toi aussi.
Je suis contre lui, mais pas dans l’intention de lui faire du mal
«J’ai espéré que celui qui fut très bon PM serait un très bon président. Mais ce ne fut pas le cas. Finalement, il s’est mis à chercher çà et là des aides et soutiens. Il n’a même pas pensé à ceux-là qui l’ont aidé en premier lieu.
Lorsque son fils a voulu briguer le poste de député, son père s’est opposé et l’a menacé de le chasser de sa maison s’il insistait. Le fils en question a alors couru pour se rendre chez moi.
C’est en réponse à mon intervention que le père a laissé faire, indiquant que lui ne pouvait s’opposer à son père (Bouyé).
Par la suite, tous les deux (le père et le fils) ont pris leurs distances, le fils en premier. Quant au père, ses paroles envers moi n’ont pas varié, mais son comportement, si ! J’ai acquiescé et toléré plusieurs fois !
Souvent, lorsque je lui rappelle certaines choses, il estime n’être pas au courant. J’ai alors dit que j’étais contre lui, mais pas dans l’intention de lui faire du tort. Nulle méchanceté de ma part ! Allah ne m’a pas conçu dans cette optique.
Pour autant, il a commis des actes qui m’ont particulièrement fâché. C‘est surtout son obstination et son entêtement. L’acte le plus désagréable de mon point de vue, (je ne parle de la chose la plus répréhensible de sa part) est le fait d’avoir refusé l’installation d’un émissaire du souverain chérifien à l’Ambassade du Maroc au Mali. Le Roi l’a pourtant comblé de bienfaits dont une voiture blindée. Et la présence d’un émissaire constitue quand même la moindre des choses.
Ce que je lui ai demandé
Je n’ai rien demandé à IBK sauf qu’il restaure au Mali son honneur et sa dignité d’antan. Je ne lui ai pas confié mes enfants, ma famille ou encore moi-même (nous n’avions eu nullement besoin de lui) mais tout le Mali de toutes les ethnies, de toutes les religions, le Mali avec toutes ses composantes…
Ce n’est pas Bouyé qui a besoin de Ibrahim, c’est plutôt Ibrahim qui a besoin de Bouyé. Mais s’il estime qu’il n’a nullement besoin de Bouyé, alors c’est tant mieux pour nous tous !
Je lui ai cependant suggéré certaines personnes, des victimes en l’occurrence, afin qu’il les aide à accéder à leurs droits. Il y a aussi les travailleurs compressés, victimes du programme d’ajustement structurel dont les droits n’ont pas été entièrement épongés. Je lui ai également confié les militaires et les ex-putschistes.
‘‘Ibrahim, Tu as commis du tort aux autres au profit de ton fils et de ton parti… contre les Pauvres !’’
« Mes conseils s’adressent à IBK certes, mais aussi, aux citoyens maliens. Nous avions besoin de paix et de tranquillité. Mais ce régime a dépassé le seuil du préjudice et du tort. Ibrahim, tu as commis assez de torts. N’est-il pas temps que cela finisse ? Tu as commis du tort aux autres au profit de ton fils, de ton parti afin que ceux-ci prennent le devant sur les autres. Tu commets du tort contre les pauvres. Ca suffit maintenant, Ibrahim ! Commettre du tort est pire que voler, soustraire le bien d’autrui ! Je te conseille vivement d’apporter la paix et la tranquillité à ton peuple et de t’apporter à toi-même, paix et tranquillité.
Peuple malien, je ne t’inciterais pas à la violence. Ce n’est pas mon option ni mon enseignement. Pour autant, les victimes des tripatouillages de cette femme malfaisante ont parfaitement raison de réagir.
Ce qui importe pour toi Ibrahim, c’est que les victimes soient remises dans leurs droits… Débarrasse-toi de cette femme ! Fais sortir ton fils de l’Assemblée Nationale ! Ta première vision était la bonne : il n’aurait jamais dû y accéder.
Ce sont là des conseils et enseignements que je te prodigue en tant que simple citoyen. Rien ni personne ne peut m’empêcher de dire ce que je pense être la vérité. Celui qui ne peut dire la vérité a certainement des visées non avouées. Je n’en ai pas. Je ne demande ni faveurs ni postes, ni salaire… Je ne cherche non plus de renommée. Dieu m’a accordé tout ceci. Je dis Allah, son prophète et mon père Cheick Hamallah. Je ne porte tort et préjudice à personne. Je conclus mes propos par Alhamdoulillaye Rabill Alhamina (Dieu merci)
Propos traduits et transcrits par Batomah Sissoko
(Source le Sphinx)