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Au Mali, le M5-RFP devient-il une nouvelle opposition politique ?

Au Mali, la défense des intérêts personnels pourrait expliquer toutes ces difficultés pour le pays de parvenir à un véritable changement. Les crises répétitives ne semblent rien dire à certains Maliens engagés dans des combats de positionnement politique et prêts à sacrifier tout le Mali pour leurs seules personnes. Est-ce le cas du M5-RFP ?

« L’État est le plus froid des monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : “Moi l’État, je suis le peuple. » », déclare le philosophe allemand Friedrich Nietzsche dans son livre intitulé « Ainsi parlait Zarathoustra ».

En faisant ainsi croire au peuple qu’il défend ses intérêts, que son souci est son bien-être, l’État crache sur le dos de ce peuple qu’il dupe en défendant ses propres intérêts. Maintenu dans l’ignorance, le peuple soutiendra cet État vicieux dans son entreprise de défense de soi ou de réalisation de soi.

M5-RFP « fidèle à ses idéaux et engagements »

Cette explication de la politique d’État correspond mieux à la position du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). De sa création, le 5 juin 2020, ce mouvement chevauche sur des difficultés de l’ère afin d’avoir le peuple à ses côtés. Il se fait le défenseur des intérêts d’un peuple ignorant en quête de chemin.

Le M5-RFP, « [ NDLL] convaincu, preuves à l’appui, de l’existence d’une complicité objective et d’une convergence d’intérêts et d’objectifs entre l’ancien régime officiellement déchu et les autorités militaires de la transition, fidèle à ses idéaux et engagements a déjà déclaré qu’il ne peut ni s’associer ni assumer la gouvernance en cours, ni rester non plus observateur passif de ses dérives », a indiqué le M5-RFP lors de son meeting du 21 février 2021 au Palais de la culture Amadou Hampaté Bah de Bamako.

Pourtant, juste après le coup d’État du 18 août 2020 contre Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), n’est-ce pas ce même mouvement qui a accueilli avec joie les militaires pour avoir achevé son combat ?

Entre les deux parties, le climat a été tendu jusqu’au moment où l’autre a senti qu’elle sortait bredouille. Car elle n’a pas bénéficié des postes sur lesquels elle misait. Dans son Assemblée générale du 24 octobre 2020, ce mouvement a déclaré avoir « voulu être les principaux responsables de la transition pour imprimer (leur) vision à la marche des affaires sans complexe et en toute légitimité ». « Dans cette optique et toujours en toute légitimité, le M5-RFP réclame, comme un dû, la présidence et le quart des membres du Conseil national de Transition pour, encore une fois, se donner les moyens politiques et institutionnels du changement et de la refondation. »

Cette même volonté se lit bien derrière ce passage de « velléités de quelques hauts gradés des Forces de Défense et de Sécurité qui ont usurpé la victoire du peuple ». Mais pas que cela. Le M5-RFP l’affirme plus clairement dans cet autre passage prononcé lors de son assemblée du 21 février dernier : « La transition en général, et le processus électoral en particulier, ne peuvent continuer à être l’affaire d’une junte militaire qui a décidé de faire main-basse sur tout le Mali : les institutions, l’administration, l’économie, les élections… ».

Des mécontents

Voilà la véritable raison de toutes ces attaques de ce mouvement qui cherche à renaître à partir de la cendre de ses anciens ennemis : les ex-députés mécontents de la dissolution de l’Assemblée nationale par IBK, le CDR mécontent de l’arrestation de Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath. En un mot, ceux qui critiquaient le M5-RFP parce qu’ils espéraient un partage de gâteau qui ne verra pas le jour se sont ralliés aujourd’hui à ce même mouvement afin de jeter l’opprobre sur le processus en cours au Mali.

Le peuple devient pour ainsi dire un instrument que l’on manipule pour accéder à nos fins. La leçon véhiculée par Jean-Jacques Rousseau à partir de l’image de l’état de nature a été bien assimilée. Pour se protéger contre d’éventuelles attaques, les quelques-uns qui avaient déjà réussi à se faire des propriétés ont invité à un « contrat de dupe »en faisant prévaloir la défense des droits de tous.Pourtant, c’était bien pour leur propre sécurité.

C’est parce que le divorce a été consommé avec les militaires au pouvoirque le M5-RFP aurait compris que de hauts gradés ont troqué « le treillis militaire contre le costume ou le boubou civil et de délaisser les théâtres des opérations pour s’embourber dans les jeux et intrigues à Bamako et ailleurs ».

Chaque chose a son temps. Cette constatation, si elle était sincère, devrait être faite depuis les premières ères du renversement du régime IBK.

Jeux de positionnement

Toutefois, ce que le M5-RFP semble oublier, c’est que si les militaires ont pu faire « main-basse sur tout le Mali », c’est parce que le peuple auquel il ne cesse de s’identifier ne fait plus confiance aux hommes politiques qui le composent. A-t-il oublié le résultat des nombreux sondages effectués auprès du peuple malien sur la conduite de cette transition ? Cette population sondée, dans sa grande majorité, a sollicité une transition gouvernée par des hommes en treillis. C’est pourquoi après la démission d’IBK, beaucoup de membres de ce mouvement se sont retirés tout en affirmant la mort et l’enterrement du M5-RFP.

Si ce mouvement avait su mener sa lutte, de façon désintéressée, on aurait pu dire qu’il impose une évolution à l’opposition malienne voire prendre son relais, puisqu’il est né à une période de quasi-inactivité de cette opposition républicaine marquée par l’enlèvement de son chef de file, feu Soumaïla Cissé. Malheureusement, ce n’est point le cas. Le M5-RFP est dans une bataille de positionnement politique. Du coup, il devient un ennemi dangereux pour tout le Mali.

Le pouvoir transitoire doit jouer sa politique

Quand l’ignorance s’empare d’un peuple, il devient pire qu’une bête féroce de telle sorte qu’il se trouvera dans un dilemme permanent. Le peuple malien est obnubilé par ce mouvement qui a pris le contrôle de sa conscience. Dans une telle circonstance, il demeure important pour le pouvoir en place de jouer le jeu sans accepter de se lancer dans le bras de fer que ce mouvement souhaite engager.

Les autorités politiques de la transition doivent instituer rapidement un cadre de concertation entre toutes les forces vives de la nation. Ce n’est pas tout, il demeure important de former un gouvernement d’union nationale et d’élargir également le Conseil national de la transition (CNT) en y intégrant des membres du M5-RFP. Bref, il faudrait travailler à placer certains hommes politiques qui composent ce mouvement à des postes assez stratégiques au sein du CNT. L’objectif sera seulement d’aboutir cette transition dans la paix et la stabilité. Pour beaucoup d’observateurs, nous sommes dans une période d’exception.

Fousseni Togola

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