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Après soixante ans d’indépendance: Que reste t-il de la fierté du Mali ?

Jeudi 22 septembre 1960. Le dortoir du lycée technique, transformé pour la circonstance en salle de conférence, a refusé du monde. Tout comme la cour de l’établissement. Les Bamakois, toutes tendances politiques confondues, s’étaient mobilisés pour le congrès extraordinaire de l’US-RDA qui devrait se prononcer sur la proclamation de l’indépendance de notre pays. Ce 22 septembre 1960, jour du destin, c’était l’union sacrée des fils et des filles du pays pour un seul et unique objectif. A la tribune du congrès extraordinaire, Idrissa Diarra a poursuivi son discours en martelant : « le Mali continuera quoiqu’il arrive et nous allons prouver que les maliens du XXe siècle sont les dignes héritiers de ceux qui ont su, dans le passé, exposer au monde leur culture, leur civilisation, leur sens de l’organisation ».

 

A sa suite, Modibo Keïta, a brossé la situation politique du moment et invité le congrès « à autoriser l’Assemblée législative à appréhender les compétences transférées par la République soudanaise à la Fédération du Mali, à proclamer comme Etat indépendant et souverain la République soudanaise, à proclamer que la République soudanaise s’appelait République du Mali, libre de tous engagements et liens politiques avec la France… ». Le secrétaire général de l’US-RDA a proclamé ensuite l’indépendance de notre pays. « La République du Mali est née. Le Mali continue ».

Après les discours, des commissions de travail ont été constituées. Les travaux se sont poursuis durant toute la journée. C’est en début de soirée qu’ils ont pris fin par les différentes interventions. Le congrès extraordinaire « a approuvé la proclamation de la République du Mali, Etat indépendant, indivisible et souverain ».

A la fin des travaux, la foule a tenu à accompagner les dirigeants qui devraient se rendre à l’Assemblée législative pour la proclamation officielle de l’indépendance de la République du Mali. Tout le monde, y compris les leaders, ont effectué le trajet à pied. « Les gens étaient portés par l’enthousiasme et la flamme patriotique », se souvenait Amadou Seydou Traoré, un des témoins de l’événement.

Sous la présidence de Mahamane Alassane Haïdara, l’Assemblée législative a proclamé l’indépendance du Mali. « Il s’agissait de poser des actes juridiques pour reprendre les compétences dévolues à la Fédération du Mali par la République soudanaise, a expliqué le defunt Gabou Diawara. Nous avons proclamé l’indépendance de la République du Mali, laïque, socialiste et démocratique ». Sans surprise, les Soudanais ont tenu à préciser que leur jeune République est libre de tout lien avec la France.

« L’instant était émouvant », a témoigné l’historien Bakary Kamian qui a été un témoin  auriculaire et oculaire   des faits. Les gens étaient partagés entre la joie et l’inquiétude. On ne pouvait pas ne pas se poser la question : de quoi demain sera fait ?

A ce congrès extraordinaire, deux faits majeurs ont été retenus : la présence massive des organisations de jeunes et des syndicats des travailleurs. Ce sont ces deux forces sociales à la pointe de la lutte anticolonialiste, qui engagèrent, à l’époque, le destin du pays. L’indépendance immédiate fût l’expression de leur volonté farouche et de leur désir de souveraineté nationale. Pour y parvenir, jeunesse et syndicats engagèrent le pays dans le choix d’une voie de développement socialiste que l’US-RDA ne pouvait que prendre en charge. Les orientations prises et les mesures décidées portèrent leur marque que Modibo Keïta sut traduire dans les faits :

  • Nationalisation des secteurs clés de l’économie nationale et création des sociétés et entreprises d’Etat.
  • Fermeture et évacuation des bases militaires françaises du territoire national en janvier 1961.
  • Création du franc malien en juillet 1962.
  • Réforme de l’éducation en 1962…

Toutes ces mesures marquèrent le visage du Mali nouveau et contribuèrent à asseoir son prestige et sa renommée au plan africain et international et à en faire un exemple de décolonisation à travers le monde.

Le nouveau Mali indépendant contribua largement à la libération des peuples colonisés et opprimés à travers des soutiens multiformes au plan politique, diplomatique, militaire et financier. Le Mali de Modibo Keïta fut la base arrière du Front de Libération Nationale de l’Algérie dont il parraina l’admission à l’ONU, une fois l’indépendance acquise. Des instructeurs maliens contribuèrent à la formation militaire des combattants des mouvements de libération nationale dans les colonies portugaises, en ex Rhodésie, au Sud-Ouest Africain et en Afrique du Sud. Des passeports diplomatiques maliens furent mis à la disposition des responsables des mouvements de libération avec des moyens financiers conséquents. La voix du Mali résonna  sur la scène internationale en soutien à tous les opprimés de la terre. Le Mali fut un acteur essentiel de la Conférence de Bandung tenue en Avril 1955 en Indonésie  et du Mouvement des pays  non-alignés fondé en 1961 à Belgrade. Le Mali de Modibo Keïta apporta une pierre décisive à la création l’Organisation de l’Unité Africaine le 25 mai 1963.

Cette épopée largement travestie durant la longue dictature militaire de 1968 à 1991, commence, aujourd’hui, à s’imposer à la conscience collective de réhabilitation de Modibo Keïta et des réalisations de la Première République.

Mais de nos jours, que reste-il de tout cet héritage ?

N’est-il pas parti en fumée ?

Quiconque mieux  que le Professeur Issa N’Diaye pouvait-il décrire mieux notre parcours depuis l’indépendance du Mali le 22 septembre 1960 ?

Où est aujourd’hui cette jeunesse consciente et patriote ?

Que sont devenus les syndicats de travailleurs ?

Le désastre est évident. Les discours actuels des hommes politiques sur la grandeur et la fierté du Mali sonnent creux dans l’esprit des citoyens, faute d’exemplarité. Le sentiment national et l’esprit patriotique semblent désormais se conjuguer au passé. Plus de projet national commun. Le gain individuel et le profit immédiat semblent être devenus le caractère distinctif du malien. Les valeurs de citoyenneté et de civilisation qui furent longtemps la marque du pays semblent s’être évaporées. Partout où on risque le regard, un sentiment de désolation se fait constater.

Aujourd’hui, le pays a perdu toute souveraineté. Hier craint et respecté, il est devenu un pays occupé par des armées étrangères au prétexte de la lutte contre le terrorisme. Les bases françaises évacuées  sous Modibo Keïta sont aujourd’hui des casernes tricolores. Des militaires européens et américains circulent comme en territoire conquis. Des troupes africaines, surtout de pays voisins aident à maintenir la présence étrangère et à dicter la volonté des puissances occidentales.

Mais, tout cela est arrivé à cause  de la trahison et de la cupidité des maliens eux-mêmes. Certains, devenus mercenaires au fil du temps sur des champs de bataille lointains, sont venus semer la désolation au nom d’une théorie indépendantiste fumeuse, fabriquée dans des laboratoires de propagande des services secrets étrangers. Des idéologies religieuses importées à coups de pétrodallars des monarchies du golfe s’y sont ajoutées, semant la confusion dans les esprits au nom d’un islam contrefait. L’appât du gain facile face aux incertitudes du lendemain, les trafics en tous genres, notamment de drogue, d’otages et de migrants, le bradage des ressources nationales avec la complicité des élites locales, le pillage et détournement des deniers publics, achevèrent la ruine matérielle et morale d’un pays désormais sans perspective. La corruption généralisée est devenue la philosophie de la débrouillardise au quotidien de la société malienne. Dans un tel contexte, à quoi bon  de continuer à célébrer le 22 septembre 1960 ?

Malgré le désarroi, il faut y persévérer pour que les générations actuelles, et surtout celles à venir, puissent garder dans leur conscience collective qu’il y eût un autre Mali, différent du leur et que ce qui nous est arrivé et ce qui nous arrive aujourd’hui n’est point une fatalité. Les défis à relever sont, certes, immenses mais ils sont à notre portée, à condition de nous réarmer moralement et politiquement.

Construire un nouveau Mali, sera le fait d’un nouveau citoyen malien, résolument patriote et tourné vers l’intérêt collectif. C’est dans la discipline collective et dans la solidarité effective que nous seront à même de nous en sortir. Ce ne sera pas chose facile. Mais cela est de l’ordre du possible. Mais, comme le disait Modibo Keïta, « quand le propriétaire devient un spectateur, c’est le festival des brigands ! »

C’est pourquoi, notre pays a  été envahi par des étrangers venus de Libye  lourdement  armés à cause d’un manque de fermeté et de patriotisme. La conséquence de ces maux a été le partage du pays avec deux armées dont une malienne et l’autre azawadienne c’est-à-dire une armée reconstituée qu’on a vu nulle part au monde. Cette situation est due au fait que la France nous a triché en ne faisant pas grande chose contre les attaques répétitives des djihadistes une fois chassée en avril 2013. Notre relation avec la France est devenue une équation à plusieurs inconnues. La faiblesse de notre armée voulue volontairement par les présidents démocrates qui disaient avoir besoin de développement et non de guerre a été la faiblesse de notre République.

La France a mis pieds et mains pour faire revenir ses bases au Mali et créer deux états dans le même pays avec la complicité d’IBK, cet autre dirigeant actuel de nationalité française. La corruption est devenue la première industrie du Mali. Aucune action d’envergure n’a été menée contre ce fléau, car la politique tient la justice en l’Etat.

Le pays dogon brûle alors que notre président-roi rêve sur son trône malheureusement. Afin de concrétiser tout cela, les Nations-Unies parrains du partage du Mali est prête à déclarer la large autonomie de Kidal bientôt. Tout est fin prêt pour cela. Nous avons quitté longtemps la démocratie, car nos élections ne répondent plus aux normes internationales tellement la fraude est devenue la règle d’or.

Le Président a cumulé les trois pouvoirs à la fois à savoir : les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire contrairement aux principes démocratiques. La Cour Constitutionnelle en charge de réguler les relations entre nos institutions pour ce qui en reste encore, est inféodée à la volonté du Président pour service rendu.

Actuellement la rue s’apprête à chasser l’actuel président pour raison d’incapacité à gérer efficacement le pays.

Voici donc le sort réservé à cette grande république bien respectée sur la scène internationale à la naissance avec ses 1,241 238 millions de km2, qui aujourd’hui a baissé la tête peut-être pour toujours. Aussi nous aurions tous fait honte aux pionniers de l’indépendance.

Abdoulaye Kounta

SourceLe Triomphe

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